[Mexique] Lettre d’Amélie et Fallon (5E3) à propos d’une initiative de solidarité (14 février 2015)

Prisons mexicaines :

Communiqué d’Amelie Pelletier et Fallon Poisson (14/02/2015)

banda5e-212x300Le 14 février un événement va avoir lieu dans le Museo de la memoria indómita avec pour objectif de récolter de l’argent pour les prisonnier-es politiques et anarchistes.

Étant en prison, l’information que nous avons sur cet événement est minime.

Nous ne savons pas qui l’organise, mais nous savons nos noms apparaissent sur la liste des prisonnier-es pour lesquel-les il est prévu.

Nous souhaiterions expliquer qu’il nous semble étrange que des personnes que nous ne connaissons pas et avec lesquelles nous n’avons pas d’affinités utilisent nos noms sans nous prévenir. Ce n’est pas parce que nous sommes en prison que nous n’avons pas de voix. Ces cérémonies de solidarité où sont mélangé-es tou-tes les prisonnier-es nous font penser à une récupération aveugle de personnes emprisonné-es. Qu’elles soient “Politiques” ou “Anarchistes”. Depuis le début, nous sommes restées fermes sur nos positions et dans nos ruptures. Il nous semble très bizarre de voir nos noms à côté de ceux de Brian Reyes, Jacqueline Santana* et de Jamspa** dans un évènement public de solidarité. Leur intention est peut-être de construire des relations entre différentes bandes. Nous le comprenons, mais nous savons aussi que cette absence de relations a des raisons. Certaines méthodes et intentions sont bien différentes et il y a des ruptures probablement irréconciliables.

Pour nous, le sentiment d’affinité est primordial dans la lutte que nous menons. Nous ne nous considérons pas comme des “Prisonnier-es Politiques » et n’attaquons pas les institutions du pouvoir afin d’améliorer cette société.

D’ailleurs, à l’intérieur de la prison nous avons des relations avec toute sorte de personnes, avec lesquelles nous ne partageons pas nécessairement des “affinités de lutte”. Des personnes qui ne s’occupent pas de “politique”, qui pour la plupart croient en dieu, et qui n’ont jamais été à l’école. Avec elles nous construisons aussi des forces et nous vivons de multiples moments de subversion de l’ordre existant. Il serait ridicule de nous organiser uniquement avec celles et ceux qui se revendiquent “Prisonnier-es Politiques”. La majorité des prisonnier-es politiques ne nous sont pas sympathiques et de fait la plupart des anarchistes non plus. L’histoire drôle, c’est de partir de là, avec l’énergie qu’il y a. Si nous faisons rupture avec le groupe qui organise cet événement, cela ne signifie pas que nous coupons avec tout le monde. Nous faisons rupture avec ceux qui se revendiquent de tendance autoritaire, partidaire ou gauchiste. De plus nous avons appris que l’événement va avoir lieu dans le Museo de la memoria indómita, Institution d’État.

Nous ne souhaitons pas de médiation avec l’État.

Ceci dit, nous n’avons d’affinités avec aucune des personnes mentionnées -sauf Carlos-, pas plus qu’avec celles qui organisent l’événement. Elles ne prennent pas en considération les ruptures existantes, mais ne font que reproduire le “prisonniérisme”. Nous ne voulons pas être récupéré-es. Qu’ils fassent leurs événements de solidarité, mais sans nos noms. Ceux qui nous soutiennent savent pourquoi et ont des affinités avec nous.

La meilleure Solidarité est toujours l’Attaque.
Pour la Destruction Totale de l’Existant.
Feu à la Civilisation.
Jusqu’à l’infini et au delà.

Fallon et Amelie
Reclusorio de Santa Marta, México DF

NdT

* Etudiants arrêtés suite aux manifestations pour les 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa. On notera qu’à Paris également, un « repas solidaire » mêlant tout le monde ( » prisonniers adhérents à la sexta zapatiste, les anarchistes incarcéré-e-s à Mexico et les étudiant-e-s arrêté-e-s suite aux dernières manifestations pour Ayotzinapa – Mexique ») est organisé le 28 février (au CICP), sachant qu’une partie de l’argent ira « aux comités locaux de soutien aux prisonnier-e-s de la sexta ».

** Jesse Alejandro Montaño Sánchez, dit Jamspa sur les médias sociaux, a été condamné à 7 ans et 7 mois de prison le 12 janvier 2015 pour « outrages à l’autorité ». Le 12 juin 2014, il avait exhibé du haut d’une structure métallique qui accueillait un écran géant lors d’un match du mondial de foot, une pancarte exigeant la liberté des prisonniers politiques & Fifa go home. C’est un activiste qui crée des coups médiatiques en escaladant depuis 2012 des structures et monuments afin d’exhiber devant les caméras des « messages politiques ».

[Traduit de l’espagnol de contrainfo par brèves du désordre, 15 February 2015)

Lire / télécharger la brochure ‘Face à face avec l’ennemi’

[Missouri, USA] Au-delà de l’innocence : sur les récents meurtres policiers à Saint-Louis et dans les environs

Au-delà de l’innocence : sur les récents meurtres policiers à Saint-Louis et dans les environs

LeDarius Williams a été tué par balle par la police de Saint-Louis mardi après-midi 3 février 2015. Peu de temps après, une soixantaine de personnes s’est rassemblée dans le quartier où les coups de feu ont été tirés. Sa mère en pleurs a crié: « Les gens doivent se soulever. Cette merde va juste continuer à arriver ». La foule s’est dispersée après quelques heures. Comme d’habitude, le lendemain, un article de la presse a rapporté l’histoire et a justifié sa mort.

LeDarius-Williams

LeDarius Williams est la cinquième personne à être abattu par la police à Saint-Louis et ses environs à la suite de l’agitation de ce mois d’août à Ferguson pour la mort de Mike Brown. Il y a eu des cas où les gens ont bien résisté contre les tirs de la police, et il y a aussi eu des cas avec peu ou aucune réponse. Si nous voulons un mouvement anti-police en quelque sorte pour continuer dans les mois et années à venir, nous devons examiner les facteurs qui font que les gens se reposent sur la normalité de la police qui butent des gens et sur la façon de créer une culture de résistance soutenue. Il semble important de réfléchir sur la façon dont la perception de l’innocence peut oui ou non influencer la réaction de masses de gens.

Dix jours après la mort de Mike Brown, Kajieme Powell a été abattu par la police. Si proche des événements à Ferguson, sa mort a été une surprise choquante lorsque la police a tiré sur lui quand il a crié: «Tirez-moi dessus maintenant ».

Le 8 octobre, Vonderrit Myers Jr. a été tué par la police. Durant quatre jours, il y a eu des nuits de marches où les gens ont brûlé des drapeaux et bloqué des carrefours. Les manifs incluaient aussi localement des blocus de magasins Walmart, l’effondrement d’une collecte de fonds pour un politicien local, le blocage d’une route principale à Ferguson et l’organisation d’une manifestation élaborée durant le match de football dans la nuit d’un lundi.

Puis dans la nuit précédant le réveillon de Noël, Antonio Martin a été abattu par la police. Durant deux nuits, des personnes se sont rassemblées à la station d’essence où il avait été tué et des affrontements avec la police ont suivi. Le magasin alimentaire QT de l’autre côté de la rue a eu ses fenêtres détruites. Il y a eu des cas de pillage du QT et un magasin de beauté. Pendant la journée, plusieurs centaines de manifestants ont bloqué une autoroute.

Lorsque nous sommes allés à l’endroit où Antonio Martin avait été abattu par la police, beaucoup de gens étaient dans la rue, s’affrontant avec rage à la police à propos du meurtre d’une personne. Ca rappelait les nuits dans les rues de Ferguson, mais ça n’a duré que deux nuits.

Même avec les tentatives des médias et de la police de justifier à la fois la mort de Vonderrit et celle d’Antonio pour empêcher la sympathie du public, les gens ne sont pas descendus dans la rue et n’ont pas riposté à leurs morts aux mains de la police.

Le 21 janvier, Isaac Holmes, âgé de 19 ans, a été tué par la police dans le nord de Saint-Louis. Certains d’entre nous sont allés à l’endroit où la fusillade a eu lieu ce soir-là, mais sont partis car personne d’autre ne s’est montré. Dans le journal du lendemain, la police a justifié les tirs en soulignant qu’Issac était un criminel et en insinuant qu’il méritait de mourir.

Comme il y a toujours beaucoup de facteurs en jeu, l’absence d’un appel à l’égard de son innocence dans le cas d’Isaac Holmes peut avoir influencé le fait que les gens ne se sont pas rassemblés dans les rues, furieux d’un énième assassinat policier. Le lendemain de sa mort, une veillée de la famille et des amis a eu lieu là où il a été tué.

Certaines personnes se sont réunies à l’endroit où LeDarius Williams a été tué, mais l’élan n’a pas continué dans la nuit, comme cela a été fait dans le cas d’Antonio Martin. Les médias ont représenté Antonio Martin comme portant une arme à feu, essayant de signaler au public que sa mort ne méritait pas de sympathie. Et pourtant, les gens étaient dans les rues durant deux nuits consécutives avant que ça baisse en intensité.

Les raisons pour lesquelles les gens se rassemblent et manifestent sont diverses et nombreuses. Certaines personnes manifestent contre la brutalité policière. D’autres protestent parce qu’ils ont le sentiment qu’une injustice a été commise. D’autres répondent parce qu’ils voient le racisme généralisé comme problème. Beaucoup d’entre nous se battent contre l’existence même de la police et la façon dont fonctionne l’ensemble de cette société. Mais quels que soient les problèmes que rencontrent les gens concernant la façon dont les choses se passent, la perception de l’innocence peut largement influer sur leur participation à une lutte pour changer le fait que la police puisse continuer à tuer des gens. Parce que la loi n’a pas et n’a jamais servi nos intérêts, nous devons refuser de restreindre notre résistance aux appels à « l’innocence » dans le seul cadre de la loi.

Lorsque, par exemple, les hommes et les femmes noirs non armés sont tués, beaucoup de gens sont à juste titre bouleversés. Nous l’avons vu dans le cas de la mort de Trayvon Martin. Toutefois, la situation peut parfois être plus complexe pour les gens de manifester publiquement ou riposter lorsque la personne tuée avait une arme ou était soi-disant un «criminel» car cela remettrait en question de nombreux aspects sur la façon dont fonctionne notre société dans son ensemble. Quand les gens voient des hommes et des femmes noirs non armés et tués par la police, ils peuvent par exemple plus facilement pointer le racisme général de la situation. Ils peuvent également plus facilement sympathiser avec la personne qui est décédée. Mais lorsque la police tuent quelqu’un qui est noir, pauvre, et armé, ça nécessite soit l’expérience d’être frappé par la police toute sa vie ou la capacité de regarder intégralement la façon dont cette société fonctionne afin de se soulever et de se battre.

Le système existe pour protéger les riches et assurer leur sécurité. Le système, l’Etat policier, n’est pas brisé. Il travaille comme il a été conçu pour fonctionner et en laissant incontestablement d’innombrables personnes tuées. Il semble important de prolonger la conversation autour de la perte de la vie d' »innocent » vers la nécessité de résister à chaque fois qu’un être humain est tué par la police.

Il semble également important de réfléchir à propos des conditions qui laissent d’innombrables jeunes noirs avec apparemment rien à perdre. La pression sociale pesant sur l’homme et le besoin réel de gagner de l’argent sont des facteurs à prendre en compte dans l’équation. Dans une certaine mesure, il y a aussi l’insouciance de la jeunesse en jeu. Pour beaucoup, cependant, la nécessité de survivre dans cette société implique le «crime» et les gens ne devraient pas être blâmés pour avoir tenté de se défendre contre la police ou d’essayer de s’extirper du mode d’existence dans cette société capitaliste.

Nous voyons quelque chose de digne d’affirmation dans le refus d’Issac Holmes et d’autres comme lui de se rendre tranquillement, mais nous reconnaissons aussi que tenter de résister aux flics en tant qu’individu isolé vous conduira probablement à être tué par balle. Sans la présence d’une force collective [1], les individus n’ont d’autre moyen de se défendre que de prendre les choses en mains, ce qui se termine malheureusement et inévitablement par les morts tragiques de trop nombreux jeunes.

De nombreuses tentatives pour offrir une réponse collective aux problèmes de la société ont surgi des événements qui ont eu lieu à Ferguson. Et pourtant, ces tentatives ont eu tendance à aliéner ou à exclure, souvent physiquement, beaucoup de gens les plus combatifs parmi nous. Il est difficile de savoir comment se retrouver, ceux d’entre nous qui ont partagé de nombreux moments de rage incontrôlable au cours des six derniers mois. Il est encore plus difficile de discuter de la façon dont nous pourrions continuer ensemble. Et pourtant, nous n’avons pas renoncé à la possibilité que nous pourrions nous retrouver à nouveau, ensemble face à nos ennemis et concrétisant notre pouvoir collectif. Avec un peu de chance, ce sera seulement un des nombreux débuts.

Traduit de l’anglais d’Anti-State Saint-Louis, 9 février 2015

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Petite chronologie des meurtres policiers aux Etats-Unis qui ne sont pas restés sans réponse :

Los Angeles, CA: 1992 – Après l’acquittement de quatre policiers à la suite de l’agression et de l’usage excessif de la force pour le passage à tabac de Rodney King à South Central, Los Angeles explose en six jours d’émeutes. Les résidents de Los Angeles combattent la police, pillent et brûlent les magasins, avec des dommages estimés à plus d’un milliard de dollars. Les émeutes s’étendent à beaucoup d’autres villes américaines. Les émeutes à Los Angeles se termine après que la Garde nationale et les Marines soient appelés.

Cincinnati, OH: 2001 – Le meurtre policier d’un jeune noir de 19 ans suscite cinq jours d’émeutes et de désordre dans le centre-ville de Cincinnati. Les tensions étaient déjà élevés avant la fusillade, après une série d’incidents de brutalité et de profilage raciale par la police de Cincinnati. Les manifestations tournent rapidement contre la police, car les gens s’attaquent à un poste de police dans le quartier de la fusillade. Les trois prochaines nuits voient des pillages et des incendies criminels dans divers quartiers de la ville. Les émeutes se sont arrêtées définitivement après qu’un couvre-feu dans toute la ville fut mis en vigueur. Cette révolte est la plus grande agitation que les États-Unis aient connu depuis les émeutes de Rodney King.

Oakland, CA: 1er Janvier 2009 – La police des transports de la Bay Area tue par balle Oscar Grant, âgé de 23 ans lorsqu’il est allongé sur le sol d’une station de transport en commun. La police essaie rapidement de dissimuler l’exécution, en prenant les téléphones avec des images de la fusillade et commence à formuler un mensonge pour excuser les coups de feu. Le 7 janvier, aucune charge n’a été retenue contre l’officier. Une manifestation est appelée le même jour à la station BART où Grant a été assassiné. Lorsque la manifestation se termine, beaucoup sont laissés insatisfaits par les promesses d’une future enquête, et descendent dans la rue. Cette même nuit, des voitures de police sont détruites, des commerces pillés et des voitures incendiées. Les gens se révoltent de nouveau après que l’officier de police soit accusé « d’homicide involontaire » quelques mois plus tard.

Seattle, WA: de septembre 2010 à mars 2011 – Le 30 août, le flic de Seattle Ian D. Birk tue par balle John Williams, un homme de 50 ans d’origine amérindienne, suscitant l’indignation générale à Seattle. Au cours de la semaine suivante, dans les environs de Seattle, la police tue quatre personnes de plus, s’ajoutant à la colère. Durant les jours suivant les meurtres, des protestations et manifestations sont organisées contre la police. Au lieu de tourner court, manifestations et attaques durent pendant des mois, continuant jusqu’en mars 2011.

San Francisco, CA: juillet 2011 – La police MUNI (le système local de transport en commun) de San Francisco tue par balle un jeune de 19 ans, Kenneth Harding, pour avoir fraudé. Rapidement, les gens se rassemblent autour du lieu bouleversés par le racisme flagrant et écoeurés de voir valoriser l’argent sur la vie d’un jeune homme. Le lendemain, une manifestation a lieu dans le quartier de Mission. 150 personnes défilent dans le secteur en attaquant un poste de police local et des banques.

Protesters march in Oakland vandalize after George Zimmerman trial not guilty verdictNationwide: février 2012 – Trayvon Martin, un jeune noir de 17 ans, originaire de Miami Gardens, en Floride, est abattu par George Zimmerman, un vigile de sécurité de quartier à Sanford en Floride. Au moment des coups de feu, Zimmerman n’est pas accusé par la police de Sanford, qui disent qu’il n’y avait aucune preuve pour réfuter son allégation de légitime défense et que la loi de Floride « Stand Your Ground » interdit d’arrêter ou d’accuser les agents de la force publique. Immédiatement après sa mort, de nombreuses villes à travers le pays organisent des « marches à capuches » et manifestent en réponse à l’assassinat. En juillet 2013, Zimmerman est finalement inculpé et jugé pour la mort de Martin. Un jury l’acquitte de l’assassinat au deuxième degré et d’homicide involontaire. La réponse à l’acquittement est immédiat avec des manifestations dans des dizaines de villes. Dans les villes où le calme avait une fois prévalu, la colère contre le verdict se conclut dans la violence généralisée contre la police. St Louis, Oakland, et Los Angeles sont parmi les villes qui voient une brève agitation après le verdict. Beaucoup d’autres villes telles que New York, Chicago et Seattle voient de grandes manifestations en réponse au verdict; des lycéens et étudiants se mettent en grève et des organisations communautaires font des veillées.

protesters march vandalize after not guilty verdict in George Zimmerman trial Oakland

Anaheim, CA : juillet 2012 – La police tue par balle Manuel Diaz en fuite tandis qu’elle s’approchait de lui. Le cousin de Manuel, âgé de 16 ans, explique qu’il a couru car il « n’a jamais aimé les flics parce que tout ce qu’ils font c’est harceler et arrêter n’importe qui ». Les gens descendent dans la rue en brûlant des poubelles et jetant des pierres sur les flics tandis que la police répond par des chiens d’attaque et des tirs de flashball.

Flatbush, Brooklyn (New-York) : mars 2013 – La police tire et tue Kimani Gray, 16 ans. Le porte-parole de la police commence rapidement à alimenter les mensonges habituels dans la presse, comme quoi il était membre d’un gang, et comment une arme à feu a été récupérée sur les lieux, et comment à leur arrivée, il s’est allongé de manière suspecte sur le sol. Pour quelqu’un qui n’a jamais vécu la violence de la police, c’est facile de lire à travers ces mensonges. Deux nuits plus tard, les gens organisent un rassemblement pour protester contre l’assassinat. Les organisateurs appellent au calme tandis que la nuit tombe, la colère et la frustration éclatent en batailles de rue pendant des heures.

dur6Durham, NC: de novembre 2013 à janvier 2014 – Le 19 novembre, Jesus « Chuey » Huerta 17 ans, est arrêté et reçoit une balle dans le dos alors qu’il est à l’arrière d’une voiture de police. Durant les mois suivants, des amis, membres de la famille et d’autres qui ressentaient de la tristesse, de la frustration et de la colère à la suite d’un énième meurtre policier, se sont rassemblés dans la rue pour exprimer leur rage. Le premier cycle de manifs se termine par l’attaque d’un poste de police, la deuxième se finit en affrontement avec la police après qu’elle a attaqué une veillée avec des chiens et du gaz lacrymo. On voit encore des graffitis dans les rues de Durham refusant de laisser disparaître la mémoire de « Chuey » et la réponse à ce meurtre.

Albuquerque, NM: mars 2014 – des militants ont mis en ligne des images montrant des tirs mortels de la police sur un homme sans-abri dans les collines du mont Sandia. Après les 23 tirs de la police mortels durant les quatre dernières années, les gens ont « atteint un point de non-retour ». Les manifestants descendent dans la rue en début d’après midi et maintiennent une présence dans les rues jusque tard dans la nuit. Des manifestants jettent des pierres sur la police, attaquent des véhicules de police et lancent des bombes de gaz sur les bureaux de la police. A un moment, un manifestant tire au fusil depuis sa voiture en déclarant qu’il est « prêt pour la guerre ».

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Traduit de la publication anti-carcérale du Missouri ‘Summer in the City‘, sept/oct. 2014, 7-8 pp

Deux textes de ce même numéro ont aussi été traduits sur l’ancien site du chat noir émeutier

Sur la révolte à Ferguson (Missouri) en réponse à l’assassinat de Mike Brown :

Note :
[1] Le concept de masse est souvent repris pour anéantir tout volonté de révolte individuelle. Il faudrait d’après cette théorie subir les flics en silence et attendre la masse. Nous répondons qu’il vaut mieux un individu déterminé qu’une masse de cent suiveurs… Récemment, un homme a choisi de répondre seul aux récents meurtres policiers en flinguant deux keufs dans un quartier de New-York.

[Belfort] Feu au conseil général… et à une berline en rab’ – 13 février 2015

QUATRE voitures ont été détruites par des incendies dans la nuit de jeudi à vendredi, peu avant 1 h 30, rue Dufay à Belfort.

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À première vue, le feu serait parti d’une fourgonnette appartenant au conseil général, qui était garée contre le tablier du pont Legay. La porte avant gauche a été pliée puis les auteurs ont embrasé l’habitacle. L’incendie a aussi détruit le matériel que contenait le véhicule.

Une berline qui était garée à proximité de la fourgonnette s’est elle aussi embrasée. Les traces laissent supposer qu’elle a également été incendiée. Ce brasier a rendu inutilisable deux autres voitures.

Une enquête est en cours.

Leur presse – l’est républicain, 14/02/2015

[Publication] Lucioles n°21 – février 2015

Lucioles est un bulletin apériodique, on peut y lire des textes d’analyse et d’agitation autour de Paris (et sa région) et de son quotidien dans une perspective anarchiste. On y parle des différentes manifestations d’insoumission et d’attaques dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître et déceler des potentialités de rupture vis-à-vis de l’Etat, du capitalisme et de la domination sous toutes ses formes en essayant de les relier entre elles et au quotidien de chacun. Nous n’avons pas la volonté de représenter qui que ce soit, ni de défendre un quelconque bout de territoire en particulier qui n’est qu’un modèle réduit de ce monde de merde.

« Les lucioles on les voit parce qu’elles volent la nuit. Les insoumis font de la lumière aux yeux de la normalité parce que la société est grise comme la pacification. Le problème, ce ne sont pas les lucioles, mais bien la nuit. »

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Lire les articles du 21ème numéro de Lucioles

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Ni Dieux ni maîtres, encore et toujours !

another_myth_3_by_coalrye-d75wgdpDepuis ce matin du 7 janvier 2015, où douze personnes sont tombées sous les balles de deux fanatiques religieux ici même, en plein Paris, nous avons pu voir les brebis citoyennes trouver refuge dans l’asile sacré de l’appartenance nationale, et leurs bêlements être exploités par tous les politicards désireux de vendre leur soupe avariée démocrate et/ou sécuritaire. On crie à la défense de la liberté d’expression chère aux citoyens en tous genres. Mais que vaut-elle cette “liberté d’expression” si acclamée, et qu’aucun média ne permet de critiquer ?

Car c’est un pouvoir maintenu comme partout par ses flics en armes et ses tribunaux qui me donne ce droit, or le pouvoir punit et enferme tous ceux qui enfreignent ses lois, du fraudeur à la voleuse, de la prostituée au sans-papiers. Son hypocrisie ne l’élève pas au dessus des autres, il se trouve au même niveau que les partisans de la guerre sainte et il est tout autant notre ennemi. Comme toujours, des droits impliquent des devoirs, notamment celui de respecter des règles sous peine de sanctions. Aussi, je m’en fous de pouvoir m’exprimer si je ne peux pas agir en conséquence, car mes paroles ne sont alors que du vent, tout le monde peut dire ce qu’il veut mais la société continue son chemin comme elle est, dans la soumission passive ou active, éventuellement la dénonciation de principe mais toujours, dans les faits, l’acceptation. Être « libre » de s’exprimer mais enchaîné dans ses actes par les lois des codes pénaux, est-ce être libre ? L’« apologie » et l’« incitation » au terrorisme qui ont entraîné toute une flopée de condamnations montrent encore que le pouvoir peut toujours restreindre la limite des « libertés » qu’il accorde dès qu’il le souhaite. Non, nous ne trouverons pas de liberté dans la paix sociale qu’on tente de nous imposer, mais seulement dans l’accomplissement d’une volonté de vivre sans rien ni personne au dessus de nous, ni sur terre ni au ciel. C’est pour ça que nous ne pleurerons pas plus les trois flics que les trois fanatiques, car tous avaient décidé d’être au service d’un ordre supérieur et autoritaire dont ils croyaient exécuter la volonté, qu’elle prétende découler d’une parole divine ou de la raison d’État (en réalité l’intérêt des puissants régnant sur une partie du bétail humain nommée nation).

Très vite ils étaient des milliers en France et ailleurs à reprendre le fameux : « je suis Charlie » qui répondait au « j’ai tué Charlie ! » lancé juste après le carnage par l’un des tueurs. Mais que veut dire ce slogan au final ? Il s’agit d’un cri de ralliement derrière une République à laquelle on devrait obéir pour qu’en échange elle défende les droits de l’homme, comme la célèbre « liberté d’expression » pour laquelle ces personnes auraient été tuées. Ce slogan est rapidement devenu le symbole de la patrie ayant fait de ses morts des héros, pour lesquels il faudrait observer une minute de silence, la main sur le cœur, dans un sentiment solennel pour lequel nous n’éprouvons, nous, que de l’indifférence. Riches et pauvres, matons et voyous, religieux et athées ont mis de côté leurs différences et se sont attroupés en cortèges serviles pour ne reconnaître que cette effigie, ce mythe qui les fait se croire semblables parce qu’ils vénèrent le même drapeau. Si nous sommes attristés par la mort de ces personnes, elle ne nous touche pas plus que celles des milliers d’anonymes qui périssent loin de nos yeux sous les bombes, par les fusils, aux frontières et dans les prisons des plus grands terroristes au monde qui défilèrent en grande pompe le 11 janvier à Paris, place de la République.

Entre temps il y a aussi eu une prise d’otage dans une épicerie casher au cours de laquelle quatre autres personnes sont mortes. Mais elles, elles n’étaient pas Charlie, ce n’étaient pas des journalistes connus : ce n’étaient que des victimes de plus à rajouter à la liste des atrocités antisémites qui s’allonge depuis des siècles. Le danger des religions est dans leur essence même, dans le principe d’une vérité absolue et aliénante à laquelle on peut tout faire dire. Aussi, pour vaincre celles et ceux qui veulent convertir à coups de kalash, il faudra inciter celles et ceux qui croient en de telles vérités à les remettre en cause car il n’y a rien, dans ce monde ou en dehors, qui puisse nous accorder la liberté. Nous ne voyons pas d’autres manières d’y parvenir que par le combat contre tout ce qui entend nier notre individualité et donner un sens à la vie, contre ceux qui nous font miroiter un paradis en récompense de la soumission et de la résignation.

Nous ne voulons ni la « liberté d’expression » ni la liberté de culte, qui ne sont que des droits accordés par les puissants en échange de notre obéissance. Nous voulons la liberté entière, totale et indivisible. Nous voulons blasphémer contre toute autorité et détruire tous les pouvoirs, qu’ils résident dans les livres sacrés ou aux frontispices des États.

« On nous promet les cieux Nom de Dieu
Pour toute récompense…
Tandis que ces messieurs Nom de Dieu
S’arrondissent la panse Sang Dieu
Nous crevons d’abstinence Nom de Dieu…
Si tu veux être heureux Nom de Dieu
Pends ton propriétaire…
Coupe les curés en deux Nom de Dieu
Fout les églises par terre Sang Dieu
Et l’bon dieu dans la merde Nom de Dieu… »

(La Chanson du Père Duchesne, 1892.)

lucioles.noblogs.org

[Chili] Arrestation du compagnon anarchiste Diego Rios après 5 ans et 1/2 de cavale – 7 février 2015

Chili : Le compagnon Diego Ríos, en cavale depuis 2009, a été arrêté

afiche-diego-riosAujourd’hui, le 07 février 2015, les raclures de la Police d’Investigation dirigés par ce pourri de Parquet Sud ont réussi à arrêter le compagnon Diego Ríos sur la commune de La Ligua. L’information n’est toujours pas très claire, et on ne sait pas si d’autres compagnon-ne-s ont été arrêté-e-s, ni comment ils l’ont localisé.

Nous rappelons que Diego avait été dénoncé par sa mère le 24 juin 2009 lorsque celle-ci avait découvert du matériel servant à fabriquer des explosifs, en plein contexte d’hystérie répressive suite à la mort de Mauricio Morales.

Depuis cette date Diego a dû vivre en clandestinité pendant plus de 5 ans. Aujourd’hui le compagnon est détenu et restera dans le commissariat de La Ligua jusqu’à demain afin qu’il comparaisse devant le centre d’(in)justice.

Le compagnon doit faire face à différentes accusations. D’une part il est accusé de port illégal d’armes et explosifs (l’affaire de juin 2009) ensuite il a été de nouveau impliqué (en son absence) dans les délires répressifs du Caso Bombas, d’association illicite terroriste.

On ne sait toujours pas quand le compagnon devra comparaître, dans la presse ils racontent que ce sera demain matin ou lundi, et à ce moment là on saura sous quels accusations il comparait et donc sous quels mesures préventives il va se retrouver.

Nous saluons la décision indomptable du compagnon il y a 4 ans et aujourd’hui, parce que ce ne seront ni les mercenaires à leurs soldes ni ces raclures de persécuteurs en costard-cravate qui pourront faire taire les décisions et convictions de se tenir debout face à ce monde de merde.

Toute notre solidarité avec le compagnon Diego Ríos ! Tout notre soutien à ceux qui sont clandestins et en cavale !

Ce ne seront ni les menaces, ni la chasse par leurs chiens, qui pourront ne serait-ce que ralentir la guerre sociale … nous sommes incoercibles.

Publicacion Refractario, 7 février 2015

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Chili : Mise à jour sur la situation de l’anarchiste Diego Ríos

Le dimanche 8 février 2015 le compagnon Diego Ríos a comparu devant le tribunal de La Ligua dans le cadre de la procédure d’arrestation, définissant celle-ci comme « légale » dans le cadre de leurs paramètres stupides.

Diego a été arrêté au matin du 7 février par ces bâtards de la BIPE-PDI (Brigade d’Investigation Policière Spéciale – Police d’Investigation). Il aurait été arrêté sur la commune de La Ligua, près de là où sa mère avait un terrain. Selon les informations qui émanent de la police, un faux passeport aurait été trouvé sur lui, ce qui rajouterait un délit supplémentaire : « falsification d’objet public ».

Une fois la procédure d’arrestation réalisée, le compagnon a été rapidement transféré, sous de grandes mesures de sécurité menées par l’administration pénitentiaire, jusqu’à la prison de Haute Sécurité, dans la section de Sécurité Maximale.

La comparution devant le tribunal a été fixée au lundi 9 février à 11h dans le centre d’(in)justice, au métro Rondizzoni, dans le neuvième tribunal, où le parquet sud, qui s’auto-désigne comme antiterroriste, présentera les charges de possession d’explosifs (poudre et détonateur) datant de 2009 et les charges du Caso Bombas (2010).

Toute notre solidarité et notre soutien insurgé avec le compagnon anarchiste Diego Ríos ! Dans aucune salle de tribunal on ne pourra juger les éternels chemins du refus de l’autorité.

Publicacionrefractario, 9 février 2015

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Chili : Formalisation de la détention préventive de Diego Ríos

mercredi 11 février 2015, synthèse réalisée à partir de sites chiliens

Bien qu’un membre du parquet ait essayé au cours de l’audience de ressusciter le Caso Bombas, ses efforts ont été vains car les charges antiterroristes ont été éliminées.

Quant à la supposée existence d’un faux passeport, elle a été démentie face à l’absence de cet élément, et donc il n’est pas inculpé pour « falsification d’objet public ».

L’unique accusation que le compagnon a dû affronter est celle de possession d’éléments destinés à la confection d’engins explosifs, qui fait partie de la loi sur le contrôle des armes, faisant référence aux 4 kg de poudre noire, au détonateur et aux autres matériaux saisis en 2009 suite à la délation de sa mère.

Le tribunal a fixé un délai d’enquête de 30 jours, que le compagnon va devoir passer dans la Section de Sécurité Maximale de la Prison de Haute Sécurité.

Traduits de l’espagnol par non-fides

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« Pour moi la liberté n’est pas un lieu, ni une permission, c’est le sentiment antiautoritaire qui remplit chaque acte, c’est la nervosité qui précède l’attaque, c’est l’expression incontrôlée d’un.e compagnon.ne de se sentir vivant.e, parce que tu sais que ta vie n’appartient plus maintenant au capital, mais y fait face »

Diego Rios

Affiche en solidarité avec Diego - en gros caractère: "Force et courage révolutionnaire au compagnon Diego Rios - Pour la prolifération des groupes d'attaque / Intensifions l'offensive contre le pouvoir"

Affiche en solidarité avec Diego – en gros caractère: « Force et courage révolutionnaire au compagnon Diego Rios – Pour la prolifération des groupes d’attaque / Intensifions l’offensive contre le pouvoir »

[De Bordeaux à Bruxelles] La pub prend cher

Un mystérieux gang anti pub vandalise 45 panneaux publicitaires à Bordeaux et périphérie

L’entreprise Decaux, spécialiste de la publicité urbaine a porté plainte contre x. Elle a dû remplacer 90 vitres après les dégradations constatées vendredi matin. 

Sur les panneaux vandalisés on pouvait lire les inscriptions « stop à la pub » ou encore « laissez nous réfléchir »

AntiPubBordeaux panopub

Leur presse lobotomisée – Fr3 Aquitaine, 09/2/2015 à 16h25

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Uccle, la commune belge qui enregistre le plus d’abribus vandalisés

C’est une des communes bruxelloises les plus paisibles. Et pourtant! Uccle détient un surprenant record: celui du plus grand nombre d’abribus vandalisés ces dernières années. Clear Channel, une des sociétés qui gèrent ce type de mobilier urbain, lance donc une nouvelle campagne d’affichage, en collaboration avec les autorités communales uccloises. Objectif: faire comprendre aux vandales qu’ils dégradent du matériel utile à tous les usagers des bus publics… un matériel qui leur est donc également utile.

« Cet abri qui sert à vous protéger est trop souvent vandalisé. S’il vous plaît, respectez-le! » C’est le message que l’on peut lire sur les affiches apposées sur les abribus ucclois les plus touchés par le vandalisme. Une première campagne d’affichage avait déjà été lancée en 2012, à la suite de nombreux actes de vandalisme. « En 2012, nous avons enregistré 241 plaintes pour vandalisme contre nos abribus », affirme Jean Furnemont, responsable du développement pour Clear Channel-Belgique, section Bruxelles et Wallonie. « En 2013, Uccle enregistrait 184 plaintes. Un chiffre qui retombait à environ 100, l’an dernier ». Pour la société qui gère ces abribus, ces faits de vandalisme, bien qu’en diminution, restent trop importants. « Réparer une vitre nous coûte 280 euros », explique Jean Furnemont. « En 2014, nous avons dû remplacer 43 vitres, ce qui représente un budget d’environ 12.000 euros! Nous préférerions investir cet argent dans d’autres choses. »

Des bris de vitres, mais des tags aussi

Autre fléau pour la société: les nombreux tags qui salissent les abribus. « L’an dernier, nous en avons dénombré plus de 350 », affirme Jean Furnemont. « C’est également beaucoup d’argent pour les enlever. D’autant que certains sont faits à l’acide ». De nombreuses polices locales répertorient les tags et les signatures. Mais les enquêtes pour identifier les délinquants sont longues et difficiles; d’autant que les flagrants délits sont rares. Reste que les coupables s’exposent à des poursuites judiciaires, avec à la clé, de sévères amendes ou des travaux d’intérêt général. A ce triste hit-parade du vandalisme contre les abribus, Uccle devance Waterloo et Mons. La lutte contre ces incivilités passe sans doute aussi par l’éducation et la prévention. Un travail de longue haleine.

Leur presse – RTBF.be, 13/01/2015 à 17h13

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Namur : Terrorisme antipubs à répétition, la cascade Decaux

On s’en prend aux panneaux publicitaires de la firme Jean-Claude Decaux : en une semaine, 30 enseignes ont été vandalisées.

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La chose n’est pas anodine. Depuis une semaine, les panneaux publicitaires de la firme Jean-Claude Decaux sont volontairement ciblés. C’est tout le centre-ville qui est touché, depuis Salzinnes jusqu’au quartier des Casernes. Avec une gradation dans le temps, aussi : ce week-end, ce sont 13 panneaux qui ont été vandalisés sur deux jours. Difficile de croire à un hasard ou à la simple convergence de l’un ou l’autre individus. Non, la croisade est organisée.

Au sein de la société Decaux, on ne comprend pas vraiment le pourquoi de cette action. D’autant que les abribus, eux aussi sous le logo de la grande société française, leader mondial du marché et présente en Belgique depuis 1967, ne sont pas touchés. Non, ici, c’est à l’empire de la pub qu’on s’en prend, visiblement. Pas de campagne publicitaire sulfureuse pour le moment, pourtant. Pas d’images qui seraient susceptibles de choquer sur ces fenêtres marketing ouvertes sur la ville.

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Début de réponse ? C’est au business que l’on s’en prend. De manière systématique. « Nous n’avons jamais vu cela dans d’autres villes », indique Jérôme Blanchevoye, directeur chez J.-C. Decaux, qui indique que des actes de vandalisme sont malheureusement monnaie courante dans les centres-villes, mais que rare est ce genre d’acharnement.

CJDecaux rassure : toutes les mesures de sécurité sont prises pour éviter l’accident. Les panneaux pulvérisés en fragments de verre seront rapidement remplacés. Mais en attendant, on sécurise chaque périmètre pour éviter le petit souci quotidien. Mais la question reste pendante : Pourquoi ?

Une croisade rarement observée

Ce serait souvent des petits groupes d’excités qui joueraient du poing sur les panneaux. Ici, on s’acharne…

Jérôme Blanchevoie se veut rassurant : « Toutes les équipes J.-C. Decaux sont dans Namur, qui savent renseigner en permanence sur ce qu’il se passe, et intervenir pour les réparations. » J.-C. Decaux est un citoyen quasi officiel de la Ville de Namur : la société gère les panneaux publicitaires aujourd’hui visés, mais aussi les abribus et leurs ouvertures publicitaires, et est le partenaire de la Ville comme gestionnaire du réseau du Li Bia Vélo, les vélos partagés lancés en mars 2011 dans la capitale wallonne. Gérer, c’est bien. Mais réparer, c’est coûteux : 300€ le verre d’un panneau publicitaire. Faites fois 30 (si le chiffre s’arrête)…

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Comment interpréter les gestes d’aujourd’hui ? « C’est souvent le fait de petits groupes d’individus qui s’amusent… » Retour de guindaille, anarchie urbaine, vandalisme gratuit. Sauf qu’ici, c’est une croisade qui est menée. On n’a jamais vu cela…

Leur presse – Lavenir, mardi 13/01/2015 07h38

[Athènes, Grèce] Lutte en mémoire d’un migrant pakistanais assassiné il y a deux ans – 17 janvier 2015

De Grèce au Pakistan: lutte en mémoire de Shezhad Luqman

« Celui qui a tué n’était pas seul,
Il avait d’autres bourreaux inconnus avec lui,
Il avait les vertueux avec lui,
Il avait les honnêtes avec lui,
Il avait les moralisateurs avec lui,
Il avait les pacifistes avec lui »

"Shehzad Luqman vit: dans nos coeurs, dans nos rues, dans nos armes"

« Shehzad Luqman vit: dans nos coeurs, dans nos rues, dans nos armes »

Samedi  17 Janvier 2015 dans l’après-midi, une manifestation a été faite dans le quartier d’Athènes d’Ano Petralona, deux ans après l’assassinat raciste de Shehzad Luqman, un travailleur migrant en provenance du Pakistan poignardé sur le chemin du travail quotidien par deux bâtards de l’aube dorée rue Trion Ierarchon. Parties de la place Mercouri, environ 400 personnes ont manifesté avec de forts slogans, marché à travers les rues étroites de Ano Petralonas et Thissio pour faire un court arrêt sur le lieu de l’assassinat, avant de retourner place Mercouri.

Les compagnon-nes se sont retrouvé-e-s à un autre moment dans les rues et ont rejoint l’appel à la mobilisation avec un bloc distinct en fin de manif. En tant qu’individus anarchistes nous pouvons avoir des divergences de points de vue, mais malgré tout nous partageons une conviction commune: nous n’avons aucune illusion quant à la démocratie, nous n’attendons rien de la justice bourgeoise ou d’un système électoral pour résoudre les problèmes des opprimés. Les institutions de l’État et du capital sont les principaux responsables des massacres de réfugiés aux abords des continents et des océans; des pogroms étatiques / para-étatiques et des expulsions, de l’enfermement dans des camps, de la propagation de la xénophobie et du racisme, de la production et de la reproduction du nationalisme et finalement de la fascisation complète de nos quartiers et de nos sociétés.

Parce que pour nous, la lutte à la mémoire de Shehzad Luqman et de chaque migrant.e qui sont tombé.es entre les mains des néo-nazis (avec ou sans uniforme), signifie une lutte contre les frontières et les patries. Pour une lutte insurrectionelle et internationale quotidienne jusqu’à rendre cette merde ingouvernable.

LA DEMOCRATIE EST LA SAGE-FEMME DU FASCISME
LA SEULE JUSTICE C’EST LES ARMES DU PEUPLE

Des anarchistes

"Lutte et mémoire pour les migrants morts // Pas même un pouce de terrain pour les fachos // Les rebelles n'ont pas de patrie // De Grèce jusqu'en France, brisons le racisme et la xénophobie"

« Lutte et mémoire pour les migrants morts // Pas même un pouce de terrain pour les fachos // Les rebelles n’ont pas de patrie // De Grèce jusqu’en France, brisons le racisme et la xénophobie »

"Détruisons les camps d'enfermement pour migrants // Feu aux frontières // Flics, télévision, néonazis: ces bâtards travaillent tous ensemble"

« Détruisons les camps d’enfermement pour migrants // Feu aux frontières // Flics, télévision, néonazis: ces bâtards travaillent tous ensemble »

Traduit à partir de l’allemand et de l’anglais de contrainfo,

Retour sur la révolte de novembre 2005 en France

La révolte incendiaire de novembre 2005 en France et l’hypothèse insurrectionnelle

« Nous avons pu faire dans le passé – et nous l’avons réellement fait – de minuscules émeutes insurrectionnelles qui n’avaient aucune chance de réussir. Mais nous étions alors vraiment bien peu, nous voulions obliger les gens à discuter, et nos tentatives étaient tout simplement des moyens de propagande. A présent, il ne s’agit plus de s’insurger pour faire de la propagande. A présent que nous pouvons vaincre – et que par conséquent nous le voulons –, nous ne faisons de tentatives que lorsqu’il nous semble qu’on peut y réussir.
Naturellement, nous pouvons nous tromper et, pour des questions de tempérament, on peut croire que le fruit est mûr alors qu’il est encore vert. Mais avouons que notre préférence va à ceux qui veulent aller trop vite face aux autres, ceux qui veulent toujours attendre, ceux qui laissent même passer les meilleures occasions et qui, par peur de cueillir un fruit pas assez mûr, laissent tout pourrir »

E. Malatesta, Umanità Nova, 6 septembre 1921.

acorpsperduLorsqu’une révolte sociale d’une ampleur tout à fait inhabituelle éclate à côté de soi, comme ce fut le cas en novembre 2005, il n’est pas rare que nous manquions de mots précis. On peut ainsi facilement tanguer entre une apologie pure et simple, guidée par l’enthousiasme ou une volonté d’agitation immédiate, et une mise à distance ultra critique, guidée par la peur ou les expériences historiques (c’est-à-dire plus honnêtement par les échecs du passé). Face à la tentation de qualifier trop rapidement les faits, on se souvient aussi que nommer une réalité, c’est déjà la réduire, que la réduire c’est rapidement la trahir. Ainsi, tout comme l’Etat peut par exemple définir des actes ou des personnes comme « terroristes » en fonction de la relativité de ses intérêts, les révolutionnaires ont souvent tendance à plaquer leurs désirs et leur propre projectualité sur les révoltes en cours. Non seulement le langage n’est bien sûr pas neutre, mais il sert souvent à cacher les véritables enjeux de la question posée.

Certes, lorsque l’Etat crée des catégories de révoltés, c’est pour mieux les isoler puis les réprimer, tandis que lorsque les anti-autoritaires tentent d’analyser une explosion en cours, c’est souvent mus par une volonté d’étendre la subversion. Si la démarche de ces deux ennemis irréductibles s’oppose entièrement – tant en terme d’objectifs que de sincérité –, l’opération revêt pourtant dans les deux cas un caractère politique lorsque la bataille rhétorique se réduit à une querelle de définitions. Ces dernières ne feront de toute façon qu’augmenter la séparation entre soi et la réalité de la guerre sociale. Les émeutiers deviennent ainsi des « racailles » ou des « jeunes prolétaires qui se trompent de cible », ils sont « irresponsables » ou « désespérés », « immigrés à expulser » ou « victimes post-coloniales », « destructeurs de voitures et d’écoles innocentes » ou « rebelles dont nous avons tout à apprendre ». Il ne s’agit pour nous ni de poser des labels, ni de se lancer aveuglément dans la bataille, pas plus que d’accomplir un quelconque devoir révolutionnaire. Nous pensons simplement qu’en participant à la conflictualité – a fortiori au moment où elle se développe –, on a bien plus de chances de comprendre ce qui s’y passe, afin d’y avancer ses propres perspectives d’un monde débarrassé de toute domination. La question brûlante n’est alors plus « qui sont ces gens ? » ou « de quel soutien ont-ils besoin ? », mais « quelles possibilités porte cette révolte » et « quels contenus souhaitons-nous y développer ? » 

Fausses questions

Lorsque novembre 2005 a explosé, les débats à chaud entre camarades sur les différentes interventions à mener nous ont souvent laissé l’impression d’une impuissance collective. Si on voit aisément ce qui rend l’Etat immédiatement hostile à ces événements, et sa nécessité de frapper juste et fort au nom de la préservation de l’ordre, on est par contre déjà plus embarrassé face à des camarades qui analysent dans les moindres détails ce qui se passe avant d’apporter leur contribution. On pourrait facilement mettre cette impuissance sur le compte de l’impossibilité ou du refus de formuler des hypothèses révolutionnaires, à part l’apologie du chaos et de la guerre civile. Mais elle a été plus largement produite par le sentiment d’extériorité posé à l’époque par l’ensemble du milieu anti-autoritaire : un milieu dont le rapport aux émeutes était alors plus spectaculaire que pratique, et qui était aussi englué dans une conception mouvementiste de la révolte, c’est-à-dire à la recherche de sujets auxquels se greffer. Comme si une révolte était figée dans le temps ou pétrifiée dans ses formes et ses objectifs immédiats, et surtout comme si elle n’était pas également le fruit de tous ceux qui décident de l’alimenter, loin de tout déterminisme qui serait quasi sociologique. Et comme si les complicités ne pouvaient pas également se nouer à l’intérieur de la conflictualité, chemin faisant.

Face à une situation de révolte sociale dont l’ampleur (par sa durée, sa diffusion ou ses formes) offrait des possibilités inédites, plutôt que de chercher à la cerner dans un rapport d’entomologiste (qui y participe, sur quelles bases, pour faire quoi ?), pourquoi n’était-il pas imaginable d’accueillir ce qui nous parlait en elle, ce dans quoi nous nous reconnaissions ? Non pas pour rejoindre acritiquement des « enragés » ou des « révoltés » mythifiés là où ils se trouvaient déjà, mais pour intensifier la rupture de la normalité et approfondir son expression, là où nous nous trouvions ? Et dans ce cas, qu’est-ce que nous voulions vraiment (au-delà des slogans classiques), et qu’est-ce que nous étions prêts à mettre en jeu, nuit après nuit, jour après jour ? Comment développer de l’intérieur de la révolte, sinon des espaces communs, au moins une dialectique riche de promesses et de complicités entre ceux qui la portent ? Voilà quelques-unes des réflexions qui n’ont que trop peu traversé les discussions entre camarades (au-delà des groupes affinitaires restreints), y compris quand il est devenu évident que le gigantesque incendie n’allait pas s’éteindre de sitôt.

Alors, si on n’est pas en quête d’excuses individuelles pour préserver un confort (théorique, pratique ou émotionnel), mais bien de pistes collectives pour subvertir l’entièreté de ce monde ; si ce n’est plus de mécanismes de représentation dans un milieu dont il s’agit, mais d’un saut dans l’inconnu du possible insurrectionnel, ce n’est qu’en se débarrassant de toutes les fausses questions de l’habitude militante qu’on pourra rencontrer quelques débuts de réponses.

…et quelques réponses

« Ce qui est « contre-productif » , ce n’est pas de cramer son quartier pourri, c’est de n’y voir que des actes manquant de « sens historique » , de « conditions objectives » et autres blas blas de marxistes de confort, bref de ne considérer ces événements que par le bout de la lorgnette médiatique ou d’une grille d’analyse obsolète »
L’essence de la révolte, tract de la Section Cosaques-Jabots de bois, Nantes, 18 novembre 2005

Les trois semaines (27 octobre-24 novembre) qui se sont illuminées nuit après nuit d’un feu contagieux à travers toute la France ont rapidement été perçues d’une manière qui indiquait trop bien d’où parlaient leurs auteurs.
Les organisations gauchistes ou libertaires y ont par exemple unanimement vu une « absence de conscience morale » (Lutte Ouvrière, 7 novembre), des « comportements irresponsables » (CNT-Vignoles d’Aquitaine), une violence qui « frappe au hasard » (Fédération anarchiste, 10 novembre), des actes « de désespoir » (LCR, 7 novembre) ou d’« autodestruction » (Coordination des groupes anarchistes, 9 novembre) inscrits dans une « logique suicidaire » (No Pasaran, 11 novembre). La Fédération anarchiste s’est de même associée le 13 novembre aux partis de gauche (Verts, PC, MJS), d’extrême-gauche (LCR, LO) et aux syndicats (CGT, UNEF, UNSA, Solidaires, Syndicat de la magistrature) pour signer un appel commun tentant de récupérer la révolte, au moment même où celle-ci commençait à marquer le pas. Toutes ces bonnes âmes préciseront que « faire cesser les violences, qui pèsent sur des populations qui aspirent légitimement au calme, est évidemment nécessaire » . Pour beaucoup de groupuscules gauchistes ou libertaires, si on feint d’oublier qu’ils étaient d’abord mus par l’hostilité et l’incompréhension face au caractère incontrôlé des événements, il aurait manqué une dimension politique de classe (c’est-à-dire, dans leur sale bouche, une « conscience » et une « organisation » ), et au moins le début d’une volonté constructive (soit des « revendications » ). Il n’est donc pas étonnant qu’aucun de ces professionnels de la politique n’ait témoigné de solidarité avec les émeutiers pendant de longues semaines, certains participant même à l’inverse à des rondes citoyennes pour s’interposer entre les flics et les révoltés, ou directement pour protéger la propriété privée, comme s’en est vanté le leader historique de la LCR.

Dans un deuxième temps, alors que les cendres n’étaient même pas tièdes, tout ce beau monde (et d’autres encore) s’est précipité pour exercer son habituel racket anti-répressif en réclamant une « amnistie » pour les émeutiers. Et c’est ainsi que beaucoup de ceux qui n’avaient au mieux pris part au conflit qu’en spectateurs, – au pire en pacificateurs –, ont décrété unilatéralement la fin des hostilités (rappelons que l’amnistie est le moment qui marque une défaite et qu’elle est accordée sous forme de grâce par le vainqueur en échange d’une reconnaissance de sa supériorité et de sa légitimité). Oubliant à dessein que ce qui s’était passé là n’était qu’un des épisodes d’une guerre sociale quotidienne, certes plus chaleureux qu’à l’ordinaire et ouvrant des possibles qu’ils ont soigneusement dédaignés sur le moment, ces cadavres tenaient une fois de plus à marquer que les révoltés ne les intéressent que morts ou embastillés.

L’orage sur le point de passer, certains camarades se sont engouffrés à leur tour dans le classique soutien militant aux emprisonnés, peut-être par dépit de n’avoir pas trouvé d’autres moyens pour participer à la révolte, mais en continuant surtout de maintenir un rapport d’extériorité avec elle. Le « comité de soutien aux prisonniers » de Toulouse, le « collectif état d’urgence » de Lyon, des individus à Grenoble ou l’assemblée réunie à la Bourse du Travail de Montreuil ont donc commencé à assister aux audiences des tribunaux. Au-delà des questions matérielles certes utiles, ils n’avaient souvent pas beaucoup plus à dire que : « la (votre) révolte est légitime » . Un texte distribué à l’assemblée de Montreuil suite à la manifestation du 3 décembre dans les cités de cette ville développera par exemple cette critique : « Je pense que l’existence de l’assemblée ne peut se fonder sur le seul mot d’ordre de Libération des prisonniers, ne serait-ce que parce que c’est la forme de solidarité coutumière et bien rodée sur laquelle nous nous replions faute de mieux, non pas dans le sens où nous n’aurions pas mieux à faire, mais plutôt parce que se mettre d’accord pour soutenir des révoltés interpellés semble parfois plus simple que de discuter ensemble des manières dont nous pourrions exprimer notre rage. C’est à mon sens cette position de soutien qui pose d’emblée les questions d’intériorité et d’extériorité entre un « eux » et un « nous » … Si c’est la rage qui s’est exprimée et ce contre quoi elle s’est exprimée que nous partageons, posons-nous la question de ce que nous pouvons en faire de manière offensive ». 

En face, l’Etat a mobilisé une grande partie de ses moyens policiers (dont sept hélicoptères équipés des dernières technologies à Lille métropole, Toulouse, Strasbourg, Rennes et en région parisienne) et décrété l’état d’urgence, en utilisant une loi d’avril 1955 datant de la guerre d’Algérie. Annoncé le 8 novembre par le chef de l’Etat, il entrera en vigueur le lendemain pour douze jours avec un couvre-feu dans 25 départements (sur simples décrets). Le 21 novembre, il sera prolongé pour trois mois suite à un vote au Parlement, et ce n’est que le 4 janvier 2006 qu’il sera levé.

Rappelons que la déclaration puis le vote de l’état d’urgence autorise notamment un grand nombre de mesures de police administrative (c’est-à-dire en dehors de toute procédure judiciaire), dont les perquisitions de nuit, les interdictions de séjour ou assignations à résidence de toute personne « cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics » , l’interdiction de toute « réunion de nature à provoquer ou entretenir le désordre » , la fermeture de lieux publics (y compris cafés, restaurants, salles de spectacle ou de débat), et l’interdiction de la circulation de personnes ou de véhicules dans les lieux et heures fixés par arrêté. Le recours à l’état d’urgence est venu rappeler qu’en cas de troubles sociaux persistants, le pouvoir dispose non seulement de ses hommes en armes, mais en permanence de tout l’arsenal législatif démocratique adapté pour museler, confiner et… interner tout civil « suspect » à grande échelle. Si cette mesure fut en réalité peu appliquée en dehors des couvre-feu, vu l’évolution de la révolte, elle était pourtant encore en deçà de ce que réclamaient de nombreux maires de toutes tendances (comme le socialiste Michel Pajon à Noisy-le-Grand ou le communiste André Guérin à Vénissieux), c’est-à-dire l’intervention directe de l’ensemble de l’armée !

Sans détailler plus avant le reste de ses dispositifs, précisons tout de même que, conjuguant comme d’habitude la matraque avec l’ensemble de ses autres médiations, l’Etat a utilisé tout le reste de son arsenal : appels au calme venus aussi bien des partis de gauche que des autorités religieuses (comme cette fatwa lancée contre les émeutiers par l’Union des organisations islamiques de France le 6 novembre), quadrillage des quartiers par les médiateurs municipaux, grands frères et autres parents-citoyens, promesses d’augmentation de subventions aux associations locales, voire prises de position médiatiques de footballeurs ou de rappeurs « comprenant les raisons » de la révolte tout en condamnant bien sûr son expression même.

Quant à nous, après de nombreuses insomnies volontaires et la recherche parfois désespérée de complices, nous voulons revenir à présent sur cet épisode non pas pour le magnifier, mais pour tenter d’en tirer quelques expériences et réflexions sur le fameux possible ouvert ou pas à ce moment-là. 

Pacification et révolte hexagonales 

Pensant en particulier aux compagnons qui luttent ailleurs dans le monde [1], nous allons revenir rapidement sur le contexte français dans lequel cette révolte s’est s’inscrite, et développer quelques aspects de ces trois semaines. Peu de textes ont en effet été écrits ici sur le moment même, et surtout bien peu ont été rédigés par la suite, en tout cas dans une perspective anti-autoritaire. Cela témoigne d’une incapacité assez générale à penser les luttes auxquelles nous prenons part, et parfois de la facilité consistant à nous jeter dans la lutte suivante en une sorte de frénésie activiste – celle contre le Contrat Première Embauche a commencé dès le printemps 2006 –, sans prendre le temps du bilan de nos activités et de l’approfondissement. 

Sans aucune prétention d’exhaustivité, et en jetant un bref coup d’œil dans le rétroviseur, la décennie post-68 a été plutôt conflictuelle en France, même s’il elle n’a pas connu comme en Italie cette génération qui a voulu monter à l’assaut du ciel. Qu’on pense par exemple dans leur diversité au mouvement anti-nucléaire, à la grève nationale des loyers dans les foyers Sonacotra de 1976, ou encore à toute cette partie du prolétariat qui a refusé d’aller à l’usine comme ses pères et s’est débrouillée pour survivre autrement. Pourtant, il faut bien constater que cette décennie a ouvert les portes aux différentes alternatives socioculturelles ou écologistes comme autant d’outils d’intégration, et porté une nouvelle classe dirigeante au pouvoir avec l’arrivée de gouvernements de gauche à partir de 1981. La restructuration économique qui a suivi durant deux décennies sous le signe de la pacification sociale a été logiquement ébranlée par des embrasements circonscrits, mais au-delà des poches de résistance de certains secteurs ouvriers liquidés (comme les sidérurgistes lorrains et ceux de Vireux) ou restructurés (comme les grèves de cheminots en 1986 et 1995), les épisodes émeutiers et de perturbations sont surtout venus de franges de la population déjà déclassée. 

« Vaulx-en-Velin : l’émeute. Neuf ans après Vénissieux, la maladie des banlieues n’est toujours pas guérie »
Le Progrès de Lyon, 8 octobre 1990

Une des premières « émeute de banlieue » qui fera date après une exécution sommaire par la police remonte à 1979 à Vaulx-en-Velin (cité de la Grappinière), dans la région lyonnaise. Elle sera suivie de près par les événements d’octobre 1980 à Marseille, où les jeunes des quartiers nord affrontent la police et saccagent une partie du centre-ville à la suite du meurtre d’un des leurs par un CRS. En 1981, c’est à Vénissieux (cité des Minguettes), toujours près de Lyon, qu’éclate l’émeute qui créera le standard médiatique du genre, avec sa cohorte de journalistes embarqués filmant affrontements et voitures cramées. Les années 80 et 90 continueront aussi d’être marquées par les émeutes dans ces zones périphériques, souvent suite à d’autres assassinats policiers, cette forme désormais classique de gestion du territoire. Pour la deuxième partie de cette période, la chronologie classique retient par exemple celles d’octobre 1990 encore à Vaulx-en-Velin, de mars 1991 à Sartrouville (Yvelines), de mai 1991 à Mantes-la-Jolie (Yvelines), de 1993 à Paris-18e, de 1994 en Arles (Bouches-du-Rhône), de décembre 1997 à Dammarie-les-Lys, de décembre 1998 à Toulouse ou d’avril 2000 à Lille. Ces émeutes duraient souvent quelques jours, et chaque assassinat policier n’a pas trouvé chaque fois de telles réponses. Précisons également qu’à côté de ces mouvements spécifiques, celles et ceux à qui l’avenir radieux promis à travers la promotion par l’école et l’intégration par le travail apparaissait toujours plus illusoire ont aussi manifesté leur rage lors d’autres occasions ponctuées par de nombreux affrontements, incendies et pillages : en 1986 au prétexte d’une réforme universitaire, ou en 1994 contre un énième contrat précaire (dans les deux cas, les lycées techniques se sont particulièrement distingués).

A travers ces quelques exemples qui n’épuisent pas la réalité, nous n’entendons pas démontrer l’évidence de la continuité de la lutte de classe ou de la guerre sociale, mais que l’Etat français est habitué à gérer des émeutes de banlieues pauvres et d’une partie de la jeunesse. Il s’agit de formes de contestation qui, bien que « radicales » , font partie depuis longtemps du mode de régulation de la conflictualité sociale. L’histoire récente des conflits ouvriers (et parfois paysans), avec séquestration de cadres, incendies et saccage de stock, bagarres avec les flics, menaces de faire sauter l’usine à la bonbonne de gaz, mise-à-sac de sous-préfecture ou autre en témoigne plus généralement. De même, quand le conflit menace de bloquer sérieusement le pays, on peut rappeler que l’armée est déjà intervenue, comme l’hiver 1986 pour briser la grève du métro parisien et du RER (en transportant les « usagers » dans ses camions bâchés), ou en 1992 avec ses engins du génie pour dégager des péages les camions de routiers qui menaçaient de paralyser l’économie du pays.

Alors, quand certains s’extasient sur les formes collectives (émeutes, pillages, blocages, sabotages) que peut parfois prendre la contestation sociale ici, nous souhaitons tout simplement les réinscrire au sein de rapports sociaux où la forme ne présage a priori rien du fond. Ce qui fait souvent la différence, ce n’est pas tant la question des moyens qui vont être employés pour parvenir à ses fins, mais bien ces fins elles-mêmes. 

Le syndicalisme informel (le « droit à ») ou l’émeute revendicative de « mouvements sociaux à la française » , au même titre que le réformisme armé dans d’autres contextes, ont toujours buté sur les mêmes écueils. En faisant de l’Etat leur interlocuteur, ils lui offrent une porte de sortie pour faire cesser les troubles et négocier quelque chose. Ils se posent dans un rapport de demander plutôt que de prendre et, en formulant des revendications précises, ils commencent par parler la langue du pouvoir. Peu importe ensuite que ces formes résultent d’un jeu entre la base et les appareils syndicaux, ou qu’elles relèvent davantage d‘un processus d’auto-organisation (comme ce fut le cas avec les fameuses coordinations d’étudiants, de cheminots, d’infirmières) qui déborde les professionnels de la cogestion de la force de travail. Le rapport de force qui s’instaure entre deux adversaires qui se reconnaissent mutuellement et souhaitent parvenir à un accord repose là sur une logique très différente de celle d’un mouvement de rage ou de révolte qui pourrait déboucher sur une subversion des rapports sociaux en s’étendant.

Précisons enfin que ces mouvements démarraient généralement pour s’opposer à une mesure du pouvoir, et non pas pour arracher un peu plus que des miettes, voire pour contester des pans entiers de l’ordre social (ce qui avait pu être le cas en 1968). Bien sûr, les mobilisations collectives partent en général d’un quotidien, d’une situation matérielle concrète, et pas nécessairement de grandes idées sur le monde. Bien sûr aussi, on parle d’une période de forte restructuration où le compromis fordiste d’après-guerre qui consistait à obtenir des améliorations (salaire, conditions de travail, chômage ou congés) en échange de la paix sociale est fortement remis en cause au profit du capital. Il est donc clair que les mouvements sociaux sont plus enclins à tenter de sauver les meubles qu’à conquérir quelque chose de mieux. Ces différents éléments, qui expliquent à la fois le caractère globalement défensif de ces mobilisations et l’attachement à l’Etat comme médiateur illusoire du conflit capital/travail, ne devraient pas faire passer la forme (parfois « radicale » ) pour le contenu.

Juxtaposer volontairement les explosions des banlieues et les émeutes de fractions de la jeunesse avec les mouvements de grèves et d’affrontements de divers secteurs salariés, permet d’emblée d’évacuer une quelconque spécificité « radicale » qui serait réservée à une catégorie particulière de protagonistes de la guerre sociale. Mais cela permet surtout de souligner une tension autrement plus intéressante : à côté de ce mouvement revendicatif de salariés qui tendait essentiellement à préserver ses conditions de survie contre une dégradation constante, et qui aspire encore à une gestion de gauche du capitalisme, s’est en effet développé un autre mouvement, plus diffus, et qui a également pu croiser le premier.

Il est lié aussi bien à une rage contre un sort de misère sans fin (la figure souvent ressassée du fils d’immigrés de banlieue ou d’ouvriers de zones désindustrialisées promis à des emplois subalternes et précaires alternant avec le chômage), que plus généralement à une révolte contre un existant rétréci et carcéral. Certains ont en effet compris petit à petit sur leur propre peau qu’ils sont face à une guerre totale qui ne s’en prend plus uniquement à un aspect ou l’autre des conditions de vie, conditions qu’on pourrait encore changer ou réformer (chômage, racisme, éducation, police). Que c’est désormais le fait même d’exister qui est attaqué, le fait de faire partie de cette masse de pauvres superflus pour le processus productif et destinée à pourrir sur place.

Ce mouvement est redevenu plus visible à partir des années 90 et s’est beaucoup affirmé ces dernières années, mais il ne va pas non plus sans antagonisme entre ceux qui attendent encore quelque chose du pouvoir (un bon travail et une formation adaptée, une police respectueuse et une justice équitable) ou luttent avec ses catégories et limites (revendications, collectifs représentatifs, délégation), et les autres. Un antagonisme qui traverse également chaque individu, et fera que si la rage reste toujours présente, la révolte, elle, pourra selon les cas s’acheter contre des miettes ou conduire derrière les barreaux. 

« L’avenir semblait sombre et l’on était loin d’imaginer que le réveil viendrait des lycéens. On percevait cette génération comme sage et conformiste avant l’âge, coincée entre technologie et mode, respectueuse de l’autorité et qui, lors de mouvements passés, avait l’air soucieuse de demander « plus de crayons et plus de pions pour étudier dans de bonnes conditions » , sans remettre en cause les institutions. Bien obligé de reconnaître qu’on s’est gourré. Le mouvement lycéen dure depuis trois mois »
Quatre pages de Alertez les bébés, juin 2005

Autour de novembre 2005, il faut bien avouer que quelque chose a changé. Ou plutôt, comme dans une histoire qui avancerait par bonds, que des pratiques se sont à nouveau répandues : mobilité sauvage, affrontements sporadiques, diffusion de groupes affinitaires, une certaine complémentarité entre les modes de manifester. Comme si le mouvement des enragés s’était étendu, ou avait désormais contaminé une partie de ceux qui, jusqu’alors, n’avaient pas encore pris acte que bien peu parviendraient à se faire une place au soleil. Au cours de cette période, des espaces se sont réouverts en offrant, au-delà des formes spécifiques, un nouveau partage possible : que la rage commune devienne révolte.

Dès le printemps, soit quelques mois à peine avant novembre, l’ensemble du mouvement lycéen contre la loi Fillon développait des modes d’expression moins encadrés (manifestations sauvages en petits nombres, blocages mobiles d’axes routiers ou de gares), permettant à beaucoup de se et de s’y retrouver, mais aussi de créer une diversité de pratiques au-delà des occupations de lycées ou des pillages, comme à Gare de Lyon. Plus généralement, ces rencontres – ou plutôt cette cohabitation encore confuse entre une quelconque revendication et une rage qui n’a d’autre objectif que de foutre le bordel –, se sont depuis multipliées : en plus du mouvement lycéen du printemps 2005, on pourrait aussi bien citer les mois du printemps 2006 dans de nombreuses villes contre une énième réforme de l’enseignement, ou les jours d’affrontements de mai 2007 suite à l’élection présidentielle de Sarkozy.

Si la révolte de novembre 2005 marquera alors plus qu’avant la réouverture de nouvelles possibilités, ce ne sera pas tant au regard d’une perspective insurrectionnelle (vu sa limitation dans le temps et l’espace, ses limites en terme d’implication de catégories plus larges, et surtout celles liées à son absence de perspective en positif), que de l’intensification de la guerre sociale dans un contexte particulier. Il est temps à présent d’entrer un peu plus dans le détail. 

Une révolte généralisée des banlieues ? 

Tout le monde se souvient peut-être que la révolte est partie de la périphérie parisienne, à Clichy-sous-Bois, suite à la mort de Zyed et Bouna (17 et 15 ans) le 26 octobre 2005. Poursuivis par la police, ils se sont réfugiés dans un transformateur électrique, où ils ont été fulminés. Metin, caché avec eux, s’en est sorti malgré de graves brûlures. Cet événement n’a rien d’exceptionnel dans ces zones quadrillées par des flics qui n’hésitent pas à harceler la population à coups d’humiliations, de contrôles, de fouilles, de tabassages ou de tirs de flash-balls. Et la suite aussi aurait pu se dérouler comme à l’ordinaire : des voitures brûlées et des jets de pierres contre la police du coin, une marche organisée par les proches et forcément silencieuse (il paraît qu’en se taisant, on respecte les morts… et pas en les vengeant bruyamment), une éventuelle rencontre avec les autorités, quelques promesses à la famille (un boulot, un appartement) en échange d’un appel au calme. Et la vie de relégation qui continue comme si de rien n’était. 

OutOfControlPresque tout cela a eu lieu, mais l’histoire n’en est cette fois pas restée là. Les trois premières nuits, des centaines de personnes de Clichy affrontent les flics avec des pierres et des feux d’artifice, s’en prennent à la mairie ou à la Poste, aux voitures et aux abribus. La deuxième nuit, les CRS se font même tirer dessus. Dès la quatrième, les jeunes de la ville voisine de Montfermeil incendient le garage de la police municipale en solidarité, et dès la cinquième des voitures brûlent dans tout le département de Seine St Denis, tandis qu’éclatent des affrontements avec les flics. Au bout de dix jours, on ne compte plus les banlieues de toute l’Ile-de-France puis de tout le pays, du nord au sud (à commencer par Bègles, Orléans, Rouen, Roubaix, Evreux, Perpignan), qui rejoignent peu à peu le mouvement. Cette extension géographique se poursuivra tout au long de ces trois semaines. Le gigantesque incendie qui allait déchirer ces longues nuits est donc clairement parti de certaines banlieues dans un mouvement en spirale qui part de Clichy vers les villes voisines, puis s’étend au département et à la région, avant de toucher d’autres cités de France, et même des quartiers de Belgique ou d’Allemagne. Toutefois, simplement réduire ce mouvement à une « révolte des banlieues » serait une erreur, certainement liée à l’impression qu’ont laissée les premiers quinze jours. 

La banlieue n’est que le nom générique des quartiers périphériques des grandes villes. Il inclut donc aussi bien des banlieues de riches que de nombreuses zones pavillonnaires qui n’ont suivi la révolte qu’à la télévision, ou parfois dans la rue, mais souvent pour y effectuer des rondes citoyennes et empêcher l’arrivée d’hypothétiques « hordes de barbares » . Précisons aussi, pour les camarades étrangers, que les banlieues ne sont pas toujours à l’image de celles de la grande couronne parisienne, avec ses immenses barres concentrant des dizaines de milliers d’habitants isolés géographiquement au milieu de nulle part, et enfermés entre voies express, autoroutes et réseau ferroviaire. Des enragés ont ainsi pu profiter du fait que certaines cités ne sont pas toujours repoussées très loin des villes, comme à Lille ou à Toulouse, et qu’elles peuvent même s’inscrire dans une continuité urbaine qui offre de nombreuses possibilités incendiaires (comme dans le Nord ou en proche banlieue parisienne).

A l’inverse, de nombreuses banlieues de pauvres n’ont pas participé à la fête. Ce qui pose notamment question, c’est que des quartiers qui défraient régulièrement la chronique n’ont pas jugé bon (ou quasi pas) d’alimenter cette révolte, même à ses moments les plus intenses, et lorsqu’il était clair qu’elle allait durer. On pense ici à la deuxième ville du pays, Marseille, alors que beaucoup d’autres métropoles régionales étaient désormais concernées (Lille, Toulouse, Strasbourg, Nîmes, Lyon, Pau, Grenoble,…), et à un certain nombre de cités de la banlieue parisienne. Les tentatives d’explication relèvent certainement du cas par cas, bien qu’on puisse citer en vrac la prégnance de rapports mafieux liés à la gestion municipale ou aux différentes formes d’illégalismes, et de réelles difficultés pratiques, comme dans le cas de Paris intra-muros, où elles étaient littéralement blindées de keufs. Un autre élément, est qu’il existe également des zones où les émeutiers étaient trop isolés et trop connus d’un voisinage immédiatement hostile pour participer pleinement aux événements : si beaucoup d’habitants ont été clairement solidaires malgré les fameuses voitures qui partaient en fumée – sans quoi cette révolte n’aurait pu tenir aussi longtemps dans beaucoup d’endroits –, il ne suffit pas d’être pauvre pour être révolté, ou simplement partager la pratique de l’incendie volontaire, sinon on le saurait depuis longtemps. 

Enfin, et c’est là un des aspects fondamentaux de ce qui s’est passé en novembre 2005, elle s’est étendue au-delà des banlieues. Les journaux, bien inspirés par les comptes-rendus quotidiens des préfectures de police, avaient bien entendu intérêt à se focaliser jour après jour sur ces zones, afin de pointer la monstruosité de l’antagonisme. Une mise à distance rendue possible par la figure du sujet fantasmé de la révolte, une sorte de barbare hyper violent, sans rationalité, d’origine immigrée et… banlieusard. Pourtant, y compris à travers ses bilans quotidiens (en particulier dans la presse régionale), on trouve trace de nombreux incendies dans des villages ou des petites villes sans banlieues. De même, les compagnons noctambules dans des endroits excentrés ne sont pas rares à avoir croisé d’autres petits groupes au cours de leurs déambulations.

Car, en fin de compte, vu que le port de la casquette n’est toujours pas indispensable pour pouvoir se servir d’un briquet, qu’y aurait-il de si étrange à ce qu’une partie de la population s’approprie cette méthode universelle d’exprimer sa colère : le feu ? Et puisqu’aussi bien la pratique du sabotage sur les lieux de travail est une arme traditionnelle de la lutte de classe, ou que certains ouvriers n’ont pas hésité par le passé à incendier (ou à menacer de le faire) le fameux outil de production (Moulinex, Cellatex, ACT,…), qu’y aurait-il de si étonnant à ce qu’une partie d’entre eux se soit à son tour saisi de l’occasion ? D’ailleurs, parmi les personnes ayant malheureusement été condamnées pour avoir incendié des entreprises, plusieurs étaient, ou avaient été, employées de ces établissements. Et n’oublions pas non plus la somme de vengeances personnelles contre l’édile du village, le facho du coin, ou des services sociaux toujours plus chiches.

Au final, il est clair que les près de 10 300 véhicules incendiés (dont beaucoup appartenaient à des services publics, plus des bus cramés par parking entiers, des voitures d’entreprises de location ou de concessionnaires) et les centaines de bâtiments touchés (dont 233 bâtiments publics et 74 privés détruits) dans plus de 300 communes, selon des chiffres officiels certainement minimisés, n’ont pas concerné exclusivement des banlieues, ni été le fait exclusif d’incendiaires vivant dans ces zones. Si la révolte y a débuté, elle commençait à partir de la troisième semaine à s’enrichir de façon quelque peu intéressante de nouveaux complices. 

Un langage commun : la destruction 

« Ca a été les hélicoptères autour de nos têtes la nuit, le couvre-feu et pourquoi pas l’armée. Pour finir la guerre. Ou alors balancer du fric à toute la clique associative, des boulots de larbins pour faire patienter. Mais on ne quémande pas un boulot, c’est la vie entière que l’on veut bouffer »
C7H16, revue à numéro unique, 2006

Le dépassement des médiations traditionnelles et l’absence de revendication dans cette révolte a manifestement pas mal perturbé les spécialistes stipendiés pour disséquer la parole des autres. Certes, les micros ont bien trouvé ici ou là des bouffons, si possible labellisés « banlieue » , prêts à exposer leur idée sur ce qui pouvait bien motiver ce grand incendie apparemment sans queue ni tête. Mais leur réponse a souvent été si dérisoire que personne ne pouvait sérieusement y accorder quelque crédit. Ce qui a échappé à tous ces récupérateurs orphelins de mots est précisément ce lent mouvement qui courait depuis deux décennies, alimenté par l’existence croissante de pauvres qui non seulement ne se font plus d’illusions sur ce que ce monde peut leur offrir – expérience oblige –, et qui portent aussi en eux une rage et un dégoût qu’aucun mot ne suffit à contenir.

On nous a ainsi dit que les révoltés ne parlent pas, et pourtant leur révolte s’est répandue comme une traînée de poudre en quelques jours, parcourant des milliers de kilomètres. On nous a dit que les révoltés n’entendaient et ne comprenaient rien, et pourtant ils ont réussi à mettre en échec la police de villes entières nuit après nuit. Le langage du feu a donc été plus clair que cent paroles, et a été compris par des dizaines de milliers de personnes. Ce que novembre 2005 a alors montré de façon éclatante, c’est que lorsqu’existe un sentiment commun (même négatif) lié à une condition similaire, il n’est nul besoin de mots d’ordres (pas même un consensuel et démagogique « Sarko dégage ! » ) ou d’organisation collective formelle pour attaquer efficacement ; c’est que le langage peut très bien se passer de revendications pour se transformer en actes, et même en actes très ciblés et répétés à grande échelle.

Faute de le comprendre, certains sont allés à la pêche aux causes supposées de la révolte – baisse des subventions aux associations à tel endroit, manque d’embauche de personnes de la cité dans les zones franches, difficultés dans l’approvisionnement en cannabis, etc. –, sans pouvoir imaginer que les objectifs visés par les révoltés en disaient long : c’est l’ensemble des structures étatiques (commissariats et écoles, mairies et perceptions, centres culturels et Poste, transports et ANPE) et privées (zones franches et entrepôts, centres commerciaux et permanences politiques) qui ont été livrés aux flammes de façon continue.

Pendant ces trois semaines, il y avait quelque chose de bien plus fort que des revendications : l’affirmation sociale qu’il n’y a plus rien à améliorer dans ce monde, plus rien à réformer, mais tout à détruire. Que rien de ce qui nous est « offert » (le gymnase comme l’école, l’entreprise comme le supermarché) n’est à préserver, n’en déplaise à tous ceux qui refusent par exemple de voir l’oppression dans les « services publics » de l’Etat. Le rapport social qui s’est matérialisé à cette occasion était on ne peut plus clair : dans leurs pérégrinations, les dizaines de milliers de révoltés ne se sont de fait pas attaqués à une injustice ou à une inégalité particulières (l’urbanisme pénitentiaire, les assassinats policiers ou le racisme et l’exclusion des banlieusards), mais à tout ce qui produit leur condition même d’individus superflus, c’est-à-dire à l’ensemble d’un monde désormais placé sous le règle de l’atomisation et de la massification. 

Et si ce rapport a pu sembler radical, tant il ne recherche rien « en positif » (du moins pas sur la courte durée de cette révolte), ce ne fut ni par son degré de « violence » , ni pour ses conséquences sociales. Dans un monde basé sur la violence de l’exploitation et de la domination, on ne peut en effet pas vraiment dire que le degré de « violence » des révoltés soit un critère de radicalité. Quant aux conséquences sociales, sans préjuger du futur (c’est-à-dire des fruits et des rencontres acquis lors de cette expérience), c’est plutôt à l’isolement partiel de tous les révoltés de novembre auquel on a assisté. Son caractère radical, c’est plutôt la dimension générale qu’il a soulevé qui le lui a donné : celle d’une critique impitoyable de ce qui fait ce monde, une critique basée sur la destruction (non pas sur l’autogestion par exemple), et portée par la condition réelle de larges franges de la population pauvre, sans illusion. C’est même d’ailleurs ce qui a permis à des milliers d’autres de s’y retrouver, même si leur nombre est resté limité.

On notera aussi dans ce sens que malgré les nombreuses occasions qui se sont présentées, peu de commerces et d’entreprises ont finalement été pillés, et bien que cela puisse être une pratique banale dans la normalité de la survie quotidienne. La plupart ont été livrés aux flammes. Tout en se gardant d’interpréter cela avec des lunettes d’idéologues pour y voir un peu rapidement une franche critique de la marchandise (« le passage de la consommation à la consumation » comme disait l’autre à propos des émeutes de Watts de 1965), il n’en demeure pas moins que cette tension entre pillage et incendie a largement basculé en faveur du second au cours de ces trois semaines… L’existence même de cette tension, et sa conclusion provisoire éminemment pratique, en dit également assez long sur la critique sociale élaborée à ce moment-là, sans concertation, par l’ensemble des révoltés. 

Groupes affinitaires et incendie volontaire 

Le dernier point qu’il reste à aborder est donc justement celui des formes d’auto-organisation à l’intérieur de ce mouvement. Si nous parlons de révolte, et pas simplement d’émeutes classiques, c’est d’abord parce qu’elle a dépassé une zone et une fraction précise de la population, et ensuite parce que son contenu a dépassé l’opposition à quelques aspects limités de la domination pour s’en prendre à une condition d’existant plus générale. Mais c’est aussi parce que si l’émeute s’incarne traditionnellement dans des formes collectives comme de grands affrontements en face-à-face avec les flics ou des pillages et saccages de masse sur un territoire donné, force est de constater que se sont plutôt d’autres formes qui ont prévalu cette fois. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il y a eu relativement peu de flics blessés, à peine 224 sur les 11 700 déployés, et par contre beaucoup d’incendies. Et même là où ces affrontements ont eu lieu (Clichy/Montfermeil, Toulouse, Grigny, Lyon, Aulnay,…), il ne s’agissait plus tant de tenir un endroit pour affirmer la force de son quartier face aux autres ou pour prendre le temps de s’organiser, mais de développer une « guérilla urbaine » dont l’objectif principal était de blesser un maximum de bleus (guets-apens, tirs d’armes à feu). L’exemple le plus abouti en la matière se déroulera deux années plus tard à Villiers-le-Bel suite à deux nouveaux morts (15 et 16 ans), lorsque 118 flics seront blessés par 81 tirs d’armes à feu en à peine deux nuits (25 au 27 novembre 2007).

Ces autres formes se sont développées en s’adaptant d’un côté aux maigres possibilités laissées par l’ennemi dans les quartiers mêmes (le déploiement policier de nuit et l’occupation permanente de jour suite au couvre-feu), et de l’autre en fonction de l’emplacement des objectifs choisis par la plupart des révoltés. Une fois détruit tout ce qui pouvait l’être immédiatement (c’est-à-dire pas grand chose dans ces zones là), des voitures aux rares commerces et matériel urbain, et ne pouvant tenir frontalement face à des uniformes qui gagnaient en agilité comme en supériorité numérique et matérielle nuit après nuit, l’intelligence collective s’est en effet spontanément orientée vers la mobilité et la multiplication des groupes autonomes. Si on a déjà vu comment cela a pu modifier la teneur des affrontements lorsqu’ils se sont produits, la conséquence principale de ces pratiques fut que les centaines de groupes qui ont délaissé la défense quasi militaire et centralisée de leur territoire (à laquelle voulaient les acculer les flics) sont partis répandre l’incendie à des kilomètres de là : dans les zones franches peuplées d’entrepôts et dans les zones commerciales, dans les parties accessibles des petites villes avoisinantes et dans les cités administratives.

Si ces formes sont bien sûr restées collectives, elles ont été généralement plus organisées autour de petits groupes diffus d’individus mobiles que par vagues d’émeutiers concentrés. Groupes alors logiquement plus volontiers auto-organisés par affinités (comme copains de bahut ou de foot) que par « bandes ethniques » , selon le cliché raciste en vogue. Lorsqu’il s’agit de porter l’attaque plus loin de ses bases, ce qui était souvent le cas des plus âgés des révoltés (les petits s’exerçant à l’inverse à multiplier les incendies de véhicules et les dégradations), les rapports de confiance, d’amitié et d’expérience commune dépassent rapidement ceux de simple cohabitation forcée ou de fausse appartenance. Ajoutons à cela que d’autres groupes et individus d’âges divers, plus isolés ou habitant simplement des zones différentes, ont à leur tour alimenté un peu partout le débat en cours en arpentant des endroits plus inattendus (des lieux de production – comme ce studio de production télévisuelle abritant les décors de TF1 à Asnières/Seine –, à ces voitures de police garées dans l’enceinte du palais de justice de Bordeaux). 

Avec son armada de CRS et de gendarmes pour « saturer le terrain » , ses mesures administratives (état d’urgence, couvre-feu pour les mineurs, interdiction de la vente au détail de carburant et sans pièce d’identité) et ses unités mobiles de BAC pour serrer les émeutiers en action, le premier bilan de la répression ne pouvait qu’être pesant : en octobre 2006, le ministère de l’Intérieur revendiquera près de 4 700 arrêtés en « flagrant délit » , plus 1 300 dans le cadre d’enquêtes judiciaires après les événements. Celui de la Justice se vantera de 1 328 incarcérations (dont 108 mineurs, plus 494 présentés à un juge pour enfants).

Pour donner quelques exemples de peines, de types de délits et de la diversité des villes, voilà un triste tableau qui parle de lui-même : 2 mois ferme plus 6 avec sursis pour des jets de projectiles à Bobigny le 31 octobre, 8 mois ferme pour jets de projectiles à Toulouse le 7 novembre, plusieurs condamnations de 8 à 12 mois ferme pour violence volontaire à Evreux le 7 novembre, deux condamnations à 8 mois et 1 an ferme pour fourniture d’essence à des mineurs à Nanterre le 8 novembre, deux condamnations à 4 mois ferme pour l’incendie d’une voiture à Nancy le 8 novembre, deux condamnations à 3 et 4 mois ferme pour fabrication et transport d’un molotov à Nantes le 8 novembre, 13 mois ferme pour jet d’un engin incendiaire contre un tram à Grenoble le 10 novembre, 1 an ferme pour incendie d’un transformateur EDF à Vallauris le 10 novembre, 2 ans ferme et deux fois 18 mois ferme pour trois incendiaires d’un bâtiment public à Caen le 14 novembre, 4 ans ferme pour incendie de deux grands magasins (But et St Maclou) à Arras le 15 novembre, 3 ans ferme pour destruction au molotov de trois bus à Vienne le 17 novembre, 2 ans ferme et 1 an avec sursis pour l’incendie de treize voitures à Cholet le 18 novembre. D’autres procès liés à la révolte de novembre 2005, souvent encore plus pesants, se dérouleront plusieurs années après. Un des cas le plus emblématique des peines distribuées par la suite dans l’indifférence générale est peut-être ces émeutiers du quartier de Pontanézen, à Brest, dont trois seront condamnés à 6 ans, 2 ans et 18 mois en appel le 31 mars 2009, accusés d’avoir tirés sur des flics le 7 novembre. Un quatrième, en fuite, prendra quant à lui 4 ans ferme dans la même procédure pour l’incendie d’une école maternelle.

Quant aux fameux étrangers, dont Sarkozy agitait l’expulsion en cas d’arrestation le 9 novembre, ils seront 83 à être incarcérés (soit la même proportion qu’ils représentent dans la population, 6 %) et quelques uns finiront pour l’exemple baîllonnés et menottés à l’arrière d’un avion, dont un Malien de 22 ans le 3 février 2006, et un Béninois de 20 ans le 25 février. Cela n’empêchera pas toute la propagande de continuer à se déchaîner, jouant volontiers sur diverses catégories d’ennemis intérieurs créés à dessein, pour continuer d’assimiler « racaille » à banlieusard, banlieusard et immigré, et pour boucler la boucle, immigré à terroriste en puissance. 

Novembre 2005 et la question de l’insurrection 

« Si la violence devait seulement nous servir à repousser la violence, si nous ne devions pas lui assigner des buts positifs, autant vaudrait renoncer à participer en anarchistes au mouvement social, autant vaudrait se livrer à sa besogne d’éducationniste ou se rallier aux principes autoritaires d’une période transitoire. Car je ne confonds pas la violence anarchiste avec la force publique. La violence anarchiste ne se justifie pas par un droit ; elle ne crée pas de lois ; elle ne condamne pas juridiquement ; elle n’a pas de représentants réguliers ; elle n’est exercée ni par des agents ni par des commissaires, fussent-ils du peuple ; elle ne se fait respecter ni dans les écoles ni par des tribunaux ; elle ne s’établit pas, elle se déchaîne ; elle n’arrête pas la Révolution, elle la fait marcher sans cesse ; elle ne défend pas la Société contre les attaques de l’individu : elle est l’acte de l’individu affirmant sa volonté de vivre dans le bien-être et dans la liberté »
La revue anarchiste, 1922.

A l’aune de tous ces éléments, un constat s’impose : ce mouvement de révolte ne correspond plus au vieux mouvement ouvrier et à la vision passée de l’insurrection. Dans nos classiques anarchistes, on avait en effet d’un côté la théorie d’une classe qui devait à la fois s’affirmer pour se confronter au capital, tout en étant obligée de se nier en tant que telle pour l’abolir, et d’un autre côté des individus qui s’organisaient en son sein pour lancer des insurrections en profitant de rapports de force moins défavorables, comptant y parvenir à travers leur côté exemplaire et le partage de leurs objectifs. Le langage y tenait une part importante (propagande orale et écrite, armée ou non), et les terrains susceptibles de mener au point de rupture restaient divers : radicalisation de revendications ouvrières, agitation autour de la vie chère, fraternisation de la troupe avec des révoltés, prise de territoire,… Or, à présent que les révoltes qu’il nous est donné de vivre ici et qui portent un contenu radical (et non pas uniquement des formes) sont plus mues par une rage ou un dégoût, bref par une négativité, que par une aspiration commune qui ferait de la destruction du vieux monde un moment d’ouverture (nous ne parlons bien entendu pas de l’horreur d’un programme), peut-on encore les analyser de la même manière ?

Si on suit l’esquisse de définition de la présentation du dossier de ce numéro, ce qui différencierait une révolte généralisée d’une insurrection serait notamment le fait de porter « un rêve révolutionnaire » , le rêve d’un monde autre, de développer une critique sociale qui contienne les germes de la société future. Si on pense par exemple en partie aux insurgés de 1848, à ceux de la Commune de Paris en 1871, aux Espagnols de 1936 et d’avant, aux partisans dans de nombreux pays en 1944/45, ou encore aux insurgés de Budapest en 1956, il est clair que c’est aussi en positif qu’ils se battaient : on pourrait dire que c’était pour un monde d’égalité et de liberté, de partage et justice pour reprendre leurs mots. Ce qui a changé depuis, ce n’est certainement pas la domination, qui continue de semer la misère et la mort aux quatre coins de la planète au nom du profit de quelques uns. Ses derniers développements techno-industriels l’ont même conduit à pénétrer nos corps et à ravager la terre de manière irréversible, tout en faisant planer une menace de catastrophe majeure permanente, avec par exemple la multiplication d’installations nucléaires.
Alors ? Ce qui a changé dans les paradis marchands de la démocratie occidentale, c’est non seulement le degré d’aliénation et d’adhésion à ce système, produisant une relative pacification sociale, mais c’est surtout la difficulté à imaginer un monde différent : il n’y a par exemple plus de communautés paysannes ou de classe ouvrière, c’est-à-dire de commun, pour en poser les bases. Il ne reste que le négatif, l’opposition à la communauté du capital à partir d’elle-même, c’est-à-dire détruire tout ce qui nous fait exister en tant qu’exploités. Expression de ce négatif à l’œuvre, le mouvement de novembre 2005 nous en montre à la fois des limites et des possibles. Car s’il n’a pas été un classique mouvement de banlieues, bien qu’il en soit parti, il n’a pas été non plus un mouvement pré-insurrectionnel. Il a plutôt été une révolte sociale diffuse qui s’est épuisée faute de participants, de temps et d’espace. 

Sa courte durée n’a d’évidence pas permis à bon nombre de personnes de rejoindre cette révolte, ni d’y développer d’autres formes que la destruction incendiaire nocturne. Un dépassement de ses composantes sociales initiales (jeunes de périphéries urbaines, chômeurs, révoltés) était certes en germe, mais quelques semaines semblent manifestement un laps de temps encore trop court pour qu’une partie de ceux qui pouvaient partager ses raisons ne se décident à l’investir. D’autre part, cette même limite qui n’était évidemment pas du fait des révoltés, a aussi explosé à la face de tous ceux qui, tout en ne se retrouvant cette fois pas dans les formes développées en novembre, n’ont pas réussi à y apporter des contributions par d’autres moyens (manifestations, grèves, occupations, sabotages, perturbations). En fin de compte, cela ne reflète que trop clairement la profondeur du désastre de l’atomisation (avec qui prendre des initiatives ?) et de la perte d’autonomie (comment organiser quelque chose, et quoi ?), qui sont une des marques de notre dépossession.

Cette dimension temporelle comporte également un second aspect, qui n’est pas immédiatement réductible la durée : la transformation du temps social en un moment de rupture, afin qu’il cesse d’être uniquement celui de la concurrence, des obligations et de l’ennui, et qu’il devienne – même provisoirement – celui d’une liberté qui permet l’imagination pratique et l’enthousiasme projectuel, la discussion et l’auto-organisation. Pour disposer de ce temps différent, il faut l’arracher aux impératifs sociaux. Par exemple, même sans penser que la grève sauvage générale est encore un préalable nécessaire, on ne peut négliger qu’elle a permis en mai 1968, volens nolens, à des millions de personnes de rompre avec la routine de la survie et de commencer à « être au-dessus de soi-même » . Lorsqu’on parle de briser le cours de la normalité pour créer ce temps nécessaire, cela signifie donc d’abord provoquer une rupture avec le rythme quotidien du capital, celui du salariat, de l’école ou de la télévision.

Les transformations et restructurations de l’appareil productif conjuguées au progrès de la domestication éloignent désormais toujours davantage les possibilités d’une paralysie, même partielle, par la grève générale illimitée. Par contre, vu que des masses de pauvres ne sont plus tant liés ici par leur concentration dans de vastes bagnes industriels ou sur leurs territoires attenants, il n’est pas étonnant que la piste du blocage (des rues, des gares, des axes de contournement des villes ou des zones marchandes) se voit réexplorée dans les luttes un peu partout à travers le monde, des piqueteros argentins aux paysans grecs. Si peu de révoltés se sont attaqués en novembre 2005 à la circulation des marchandises et aux infrastructures qu’elles impliquent, on verra par contre cette pratique se développer juste après, lors du mouvement du printemps 2006, dont le blocage de l’économie était d’ailleurs devenu un des axes de lutte. 

Un autre aspect crucial qui a manqué à cette révolte pour qu’elle déploie toutes ses ailes, a été l’émergence d’un nouvel espace social, qui seul peut commencer à briser les séparations, les rôles et les hiérarchies. Il serait ainsi vain de cacher une limite de ce mois de novembre 2005, qui fut la reproduction des rôles sociaux. Bien sûr qu’une grande partie des zones concernées sympathisait avec la révolte (pour offrir protection, ravitaillement ou mobilité aux émeutiers), mais cela eut lieu sans que les rôles hommes/femmes, parents/enfants ou grands/petits frères soient par exemple beaucoup remis en cause. De la même façon, les séparations artificielles créées, alimentées et reproduites entre les exploités ont été peu dépassées, ce qui a largement permis au pouvoir d’isoler les protagonistes initiaux de la révolte en jouant de tous les clichés et de toutes les peurs. Surtout, cela a empêché nombre d’exploités critiques de se reconnaître dans cette révolte, malgré la clarté des cibles visées.

L’irruption d’un nouvel espace social, compris comme terrain d’expérimentations et de rencontres inattendues, et pas uniquement comme espace physique lié à une libération de territoires, est d’importance cruciale. Si on part en effet du constat précédent du « négatif » où la seule communauté qui reste est celle du capital, le signe de tout début d’émancipation effective sera dans l’amorce du bouleversement de ces rôles et séparations, c’est-à-dire à travers une subversion des rapports sociaux. Même si chacun part forcément de ce qu’il est, l’extension de la révolte signifie non seulement que nombreux sont celles et ceux qui s’y reconnaissent au-delà des catégories, mais aussi que s’instaure une dialectique réelle entre ces différents révoltés. Et pour que cette dernière se produise, au-delà du temps arraché qui permet auto-organisation et début de projectualité, il y a nécessité d’un espace de confrontation. Si on a souvent entendu que, dans un monde totalisant, attaquer un de ses nœuds revient immédiatement à toucher l’ensemble, la rupture du cours de la normalité en offre un exemple supplémentaire : dès le commencement d’une révolte, le blocage des transports routiers et ferroviaires, ou la perturbation des transmissions électriques (des commerces, administrations, entreprises), numériques et aériennes (des radars, téléphones, radios/télévisions) offre aux insurgés à la fois la possibilité d’accélérer le temps historique et de provoquer l’ouverture de cet espace qui lui sont vitaux.

Dans un monde qui pousse sans cesse à la guerre civile, une grande partie de la population se raccroche encore à l’Etat dans l’espoir de préserver le peu qu’il lui reste. En novembre 2005, les rencontres permises par l’intensification de la guerre sociale et qui peuvent aboutir à une révolte généralisée se sont peu produites. En décembre 2008 en Grèce, elles se sont cherchées. Dans les deux cas, on a assisté à une explosion de rage qui est devenue révolte, mais l’extension sociale de cette dernière s’est à chaque fois heurtée à ce même manque de temps et d’espace, oxygène indispensable pour une subversion des rapports sociaux. Ce qui a peut-être manqué dans les deux cas est alors ce petit rien qui n’a guère trouvé de partisans, malgré la quantité d’incendies volontaires : la rupture avec la routine de l’exploitation pour une grande partie de la population, suite au sabotage conséquent d’infrastructures de transport et de communication. 

Une question reste toutefois encore en suspens : le passage de révoltes généralisées à l’insurrection, c’est-à-dire le dépassement du seul négatif contre certains aspects de la domination, et « le rêve d’un monde autre » .

Exceptés quelques contextes spécifiques où une continuité du mouvement révolutionnaire et une histoire particulière des luttes rendent encore cette aspiration possiblement diffuse, les seuls projets critiques « en positif » semblent désormais être plus du côté de la réaction : le retour à un Age d’Or (incarné dans des formes communautaires précoloniales ou précapitalistes qui n’ont jamais eu un goût très prononcé pour la liberté des individus), ou une restauration de la peste religieuse (véhiculée par certaines sectes protestantes comme par les tenants d’un islam radical).
Face à cela, certains pourraient se rassurer en se disant que le problème de la révolte de novembre 2005 a plus concerné sa généralisation que son contenu (bien que limité), et que c’est donc dans cette direction qu’il faut creuser pour chercher un « positif » commun et émancipateur. Cependant, on ne peut pas dire que nous nous trouvions en France dans une période d’intense conflictualité – les années 70 sont loin –, et cette révolte reste pour l’heure assez exceptionnelle.

On peut bien aussi affirmer qu’une des questions à soulever n’est pas tellement « pourquoi ça a explosé ? » mais plutôt « pourquoi ça n’explose pas plus souvent ? » , il demeure que la domination prend toujours plus d’avance sur l’antagonisme, ce qui lui permet par exemple de multiplier les mesures préventives (extension de la vidéosurveillance, formes d’incarcérations toujours plus diversifiées et massives, pénalisation plus lourde d’ « incivilités » et création de nouveaux délits, augmentation incessante de gardiens de paix sociale, préparation à des interventions conjointes police/armée). Qui plus est, expérience historique et lucidité sur les expressions contemporaines de rage obligent, on sait bien que la tension guerre civile/guerre sociale traverse toute la société, mais aussi chaque individu : dans une situation d’émeute, le meilleur comme le pire peut se produire, et une même personne peut accomplir l’un comme l’autre en fonction des moments et des situations.

La révolte de novembre 2005 en France ne nous laisse pourtant pas tout à fait orphelins, y compris si l’observation de la conflictualité – au moins en Europe – nous porte plutôt à parier sur une dissémination d’émeutes, c’est-à-dire sur un antagonisme privé de projectualité qui peut exploser dans n’importe quelle direction. Elle offre même une hypothèse précieuse aux analystes du réel les plus pessimistes : le négatif de la révolte n’a pas été entièrement rattrapé par ce que d’aucuns réduisent au nihilisme de la domination. Mieux, si l’explosion de novembre n’était pas l’exception qui confirme la règle mais l’expression encore balbutiante du retour d’une critique sociale radicale de tous les aspects de l’existant (le rêve en moins), il reste sérieusement envisageable, au moins ici, de penser œuvrer au sein du négatif en vue de maintenir et de partager nos rêves. Ce n’est pas le retour des Cosaques, mais un horizon qui reste accessible : celui d’une révolte diffuse qui pourrait peut-être se transformer en une forme d’insurrection encore inédite, si elle parvient à rencontrer suffisamment d’espace et de temps. Un espace et un temps que les anarchistes peuvent certainement contribuer à approfondir s’ils ne renoncent ni à leur éthique individuelle face à des situations de révolte toujours plus ambiguës, ni à leur projectualité au nom de la complexité des formes actuelles de la domination.

[Paru dans A Corps Perdu, revue anarchiste internationale, Paris, août 2010.]

Notes

[1] Où les informations ont certes manqué, mais où la déformation produite aussi bien par le prisme télévisé que par certains textes disponibles n’a pas aidé. Nous pensons notamment à l’Espagne avec les fantasmes de Miguel Amorós (La cólera del suburbio in Golpes y contragolpes, ed. Pepitas de calabaza & oxigeno, Logroño, décembre 2005, pp. 83-95) et à l’Allemagne avec les inepties journalistico-sociologiques parues dans Banlieues. Die Zeit der Forderungen ist vorbei, Assoziation A, Berlin/Hambourg, septembre 2009, 280 p.

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Deux poids, deux mesures

De l’onanisme en milieu militant

Avec la même unanimité que l’on peut voir aujourd’hui pour encenser les emeutiers grecs, après les émeutes urbaines de 2005 en France, un cortège de communiqués ont condamné les violences. Les émeutiers, ici, sont des « irresponsables », des « inconscients » qui « se tirent une balle dans le pied » et se mettent « les leurs » à dos. Les leurs ? Voici le meilleur moyen de souligner la séparation entre « les militants » qui pondent leurs analyses tranquillement installés dans leurs sièges au coin du feu et ceux, que beaucoup d’entre eux s’amusent à appeler « les masses », qui elles s’insurgent en foutant le feu.

Suite à la mort de Bouna et Zied, la révolte était au mieux « compréhensible », mais ce n’était pas la « bonne » révolte, LA révolte « politisée » (celle qui aboutirait à la Révolution Sociale), et les cibles n’étaient pas les bonnes non plus ; foutre le feu oui, mais pas à l’école primaire de la ville, pas aux associations de « grands frères » chargées d’assurer la médiation, pas à la voiture du voisin prolétaire, pas à la bibliothèque du quartier, pas aux entreprises qui amènent « l’égalité des chances » dans les banlieues parce que faire « cela » revenait à un suicide politique.

Mais était-ce vraiment le choix des cibles qui démangeaient nos révolutionnaires franchouillards ? On se pose la question quand on voit les réactions de ces mêmes personnes lorsque le même type d’événements a lieu en Grèce , mais cette fois, lorsqu’ils sont « produits » par des personnes qui ajoutent un A cerclé et autres signes de reconnaissances tribaux sur les murs (comprenez : « par des gens déjà conscientisés »).

Dans le premier cas, il s’agit « d’irresponsabilité », dans l’autre, c’est « l’insurrection qui vient ». Ce qui semble cristalliser l’attention de nos révolutionnaires dans ces émeutes à l’étranger, c’est le folklore militant.
En effet, la France est un des pays où ont lieu le plus d’émeutes urbaines, et ce depuis le début des années 80 (depuis Vaulx en Velin en 79). Encore il y a peu, Vitry-le-francois, Roman-sur-Isere, Villiers-le-Bel, Grigny, La Courneuve, Les muraux etc. ont explosé. Mais personne aux balcons, finalement, c’est devenu si commun de se révolter dans les banlieues…
Seulement, dans ces milieux, l’exotisme règne. La France, ses banlieues pourries, ses « racailles obsédées par l’argent facile et le bizness » et sa « jeunesse dépolitisée » contre la Grèce, son soleil, ses îles fleuries et ses black blocs photogéniques.

Ces « analyses » militantes créent donc une hiérarchisation entre les explosions de rage régulières des banlieues et celles, plus sporadiques, comme à Oaxaca ou en Grèce. Ils reconnaissent donc à certaines populations le privilège d’être le ou les « sujets révolutionnaires », tandis que d’autres restent, à mot couvert, des avatars modernes du lumpenprolétariat, incapables d’aller au delà de la révolte. Car les révoltes, dans leurs esprits, ne sont bonnes qu’à être le prélude du Grand Soir, ou d’un hypothétique processus révolutionnaire, ce qui revient au même.

Une étrange compétition semble alors s’installer, entre ceux et celles qui ne feraient « que » cramer la voiture de leur voisin, l’école de leur petit frère ou le bureau de poste de leurs parents, et ceux qui ont déjà tout compris, ceux qui s’en prennent directement aux symboles du Pouvoir. Pourtant, les cocktails Molotov sont de même facture, et une école qui brûle reste une école qui brûle, d’Ithaque à Aubervilliers.

Il est bien plus facile pour un libertaire, un trotskiste ou n’importe quel autre gauchiste de s’identifier à un étudiant de classe moyenne, déjà actif dans les mouvements sociaux et surtout, affublé des mêmes symboles folkloriques qu’à un individu qui n’a pas la même « culture politique » et qui d’ailleurs n’a pas forcément attendu de lire l’intégrale de Bakounine pour foutre le feu à ce monde. La rage spontanée des pauvres, elle, n’a rien de folklorique ; elle n’est ni esthétique ni pompée d’un manuel commercialisé à la Fnac.

Dans les divers commentaires à propos des révoltes en Grèce, on a pu lire que le Pouvoir se chiait dessus, qu’il était à deux doigts de vaciller, que l’insurrection se propageait à vitesse grand V, et autres projections fantasmées. Faux, la révolte était somme toute balisée, elle est restée dans un cadre « classique », connu par les forces de l’ordre, et ce , quelque soit le nombre de banques cramées. Si l’insurrection venait vraiment, ce ne serait pas des grenades lacrymogènes que l’Etat enverrait, mais l’armée.
En 2005 par contre, peu après les premiers tirs en direction de la police et le relatif retour au « calme », une note interne des renseignements généraux décrivait la situation comme « insurrectionnelle ». En effet, dans cette note de huit pages de la D.C.R.G. nommée « crise des banlieues : violences urbaines ou insurrection des citées ? » on pouvait lire : « la France a connu sous forme d’insurrection non organisée avec émergence dans le temps et dans l’espace, une révolte populaire des citées, sans leader et sans proposition de programme » et ce, en totale contradiction avec leur ministre de tutelle de l’époque. La note rajoute : « aucune manipulation n’a été détectée, permettant d’accréditer la thèse d’un soulèvement généralisé et organisé ». Cette fois-ci, la France s’est véritablement chiée dessus, dans des proportions incomparables avec d’autres crises « politiques » comme le CPE. Le déploiement des hélicoptères de surveillance et les mesures de couvre-feu en témoignent. Le 8 novembre, De Villepin décrète l’Etat d’urgence, autorisant ainsi les préfets à mettre en place des mesures « exceptionnelles », alors même que le « calme » était peu à peu en train de revenir.

Le but de ce texte n’est pas de minimiser une révolte ou d’en maximiser une autre, mais de mettre les militants face à leurs contradictions. Pourquoi eux se permettent-ils de maximiser ou de minimiser, et selon quels critères ? Nous nous foutons des symboles, la seule chose qui importe dans une émeute, c’est la rage qui la guide, et non les « capacités pré ou post-révolutionnaires » de ceux qui la font [1]. Mais se réfugier dans le fantasme exotique d’une insurrection en Grèce permet de ne pas trop se mouiller ici, et de redorer un blason terni par des actes manquants. Pour nous, condamner une émeute de banlieue -sous un prétexte fallacieux ou un autre- équivaut à condamner une grève sauvage, une attaque de keufs ou l’incendie d’un centre de rétention ; c’est nier la révolte qui anime les enragéEs, en faisant d’eux des objets d’études sociologiques qui, pour se faire, doivent nécessairement adopter un point de vue extérieur et distant, voir condescendant. Assis au coin du feu, le révolutionnaire a tout le loisir de pondre d’imposantes réflexions qui feront autorité et montreront la voie à ceux qui eux, n’ont pas que ça à foutre.

Solidarité avec les incarcérés de 2005 comme de 2008.

Lundi 29 décembre 2008

Notes

[1] Il est évident par ailleurs que nous ne serons jamais solidaires d’une émeute conduite par des ennemis, ou par n’importe quel groupe ayant l’intention de s’emparer du pouvoir ou de commettre des massacres, cela va sans dire.

Textes publiés sur non-fides.fr

 

[Chili] Tamara Sol condamnée à 7 ans et 61 jours de prison

Le 4 février 2015, le tribunal de Santiago a rendu le jugement contre la compagnonne Tamara Sol Farías Vergara, qui a été incarcérée pendant un peu plus d’un an en détention provisoire, accusée d’avoir tiré sur un garde de sécurité dans une succursale de la BancoEstado dans la commune d’Estación Central dans la matinée du 21 Janvier 2014.

Banderole suspendue sur les grilles du tribunal de Santiago lors du procès

Banderole suspendue sur les grilles du tribunal de Santiago lors du procès

Le tribunal a reconnu la circonstance atténuante de « conduite antérieure irréprochable », mais a nié que Tamara Sol a sensiblement collaboré en clarifiant les faits, compte tenu qu’elle n’a rien déclaré au sujet de l’accusation lors de l’enquête durant laquelle elle a admis les faits, et qu’elle n’a pas contribué et consenti à la réalisation de plusieurs rapports d’expertises, puisque la preuve était déjà à la disposition des autorités au moment de son arrestation. De plus, la circonstance atténuante « de facultés mentales amoindries » demandée par la défense sur la base d’expertises psychologiques, a été rejetée.

En fait, le juge a adopté la thèse du ministère public qui parlait d’une action préméditée, alléguant que cela a été démontré par le cri « vengeance pour Sebastián«  attribué à Tamara Sol au moment d’ouvrir le feu sur le vigile, et en insistant sur le fait qu’elle a choisi de ne faire aucune déclaration pendant le procès. Donc l’objectif de la défense qui demandait la reconnaissance de deux circonstances atténuantes afin de demander une peine entre trois et cinq ans et l’application d’une peine alternative de libération surveillée intensive au lieu de l’emprisonnement réelle n’a pas été atteint.

Précisément, Tamara Sol Farías Vergara a été reconnue coupable de tentative d’homicide aggravée et condamnée à 7 ans de prison, avec interdiction à vie d’occuper une fonction dans le secteur public et l’interdiction absolue de passer ou d’obtenir une licence professionnelle pour toute la durée de la peine de prison. Elle a également été reconnue coupable de vol concernant l’arme de l’agent de sécurité et condamné à 61 jours de prison et à une amende de près de 215 000 pesos chiliens (près de 300 euros). Enfin, elle a été condamnée à payer les frais de justice et dans l’obligation de donner son ADN, qui seront inclus dans le Registre des condamnés.

Durant la lecture du verdict, à l’intérieur de la salle, la famille a insulté les juges en les traitant de « fascistes » et les a accusés d’avoir mené un procès tendancieux et politique, tout en lançant des tracts avant d’être maîtrisée par les gendarmes [Ndt : suite à quoi le parquet a déclaré qu’il allait ouvrir un dossier pour menaces sur les juges et le procureur].

Rien à attendre de leur justice !
Pas de collaboration avec le lynchage social !
Liberté pour Tamara Sol !

Ce résumé a été rédigé en espagnol sur contrainfo sur la base de la décision officielle du tribunal, et en partie repris de non-fides.

Extrait de publicacion refractario

[Besançon] Raquer pour se déplacer dans cette ville-prison ? Y’a pas moyen !!

[Cette affiche est apparue dans les rues de Besançon début février 2015 alors qu’une pétition lancée par des comités de citoyens circule depuis plusieurs semaines contre cette nouvelle hausse de prix et la dégradation générale des services des transports (péri)urbains depuis l’arrivée du tramway. Il ne sera pas question ici de faire pression sur ceux qui administrent nos vies pour un « service de meilleure qualité » ou « la gratuité des transports », car ce serait s’en remettre à la délégation et au pouvoir. D’autant plus que derrière la mise en circulation du tramway en septembre dernier, ce même pouvoir transforme petit à petit cette ville en prison à ciel ouvert et en centre d’attraction pour riches et touristes. Optons plutôt pour l’auto-organisation et l’action directe contre tous les promoteurs de ces projets nauséabonds.]

YapasmoyenRaquer pour se déplacer dans cette ville-prison ? Y’a pas moyen !!

Au 1er janvier 2015, les tarifs des lignes urbaines de transport GINKO, exploitées par Besançon Mobilités (filiale de TRANSDEV) ont augmenté de 10%, faisant passer le ticket «1 aller» de 1,30 à 1,40 euros.

Parallèlement à cette énième hausse, l’entreprise a lancé une campagne contre la fraude, multipliant affichages et annonces sonores aux stations et à l’intérieur des trams. Pour les bus, la direction peut compter sur ses chauffeurs qui obéissent aux doigts et à l’oeil à ses ordres, soit en empêchant l’accès, soit en appelant directement les contrôleurs. Bientôt, les policiers municipaux viendront s’ajouter aux contrôleurs, en patrouillant dans les bus et les trams.

Pourquoi refuser de payer ?

Parce qu’on n’a pas à payer pour se déplacer !

Parce que subvenir à nos besoins vitaux (manger, se loger, s’habiller…) nous coûtent déjà bien assez cher !

Parce que Besançon Mobilités peut retracer dans le détail nos déplacements, étant donné qu’une puce est désormais placée à l’intérieur des cartes d’abonnement nominatives !

Parce que la mise en circulation du tramway a permis au pouvoir de bâtir petit à petit une ville-prison, mais également de chasser les pauvres du centre-ville. La restructuration urbaine qu’a « nécessité » le chantier du tram a d’une part permis de faciliter le travail aux agents de la répression : intensification de l’éclairage de l’espace urbain; destruction des zones franches, surveillance accrue du fait de l’omniprésence des caméras aux abords du tracé… D’autre part, cela a été un bon prétexte pour embourgeoiser le centre-ville, notamment du fait de l’augmentation des loyers situés à proximité, de l’expulsion des populations indésirables à ce monde de fric par le biais de l’installation de mobilier urbain anti-squat et de la prolifération de magasins et restos chics, ainsi que des logements haute-gamme en construction: pour exemple, rien que sur l’avenue fontaine argent – qui est entièrement désservie par le tram – sont prévus l’immeuble luxueux « Dôme Impérial », géré par le promoteur immobilier SEGER (le bureau de ventes est situé en face au n°19; l’agence au 2, rue Larmet) et le « Domaine St-Vincent » (entre le n°23 de l’avenue et la rue Chopard) qui est construit et géré par le groupe DE GIORGI (on peut le trouver au 128, rue de Belfort)

Esquiver la répression et/ou y répondre…

Depuis la rentrée 2014, « Infos controles – Ginko Besançon » permet de localiser en temps réel les contrôleurs lorsque l’on se déplace dans les transports. Le seul souci, c’est qu’il faut avoir un portable connecté à internet et un compte facebook, mais si vous en avez un, n’hésitez pas à rejoindre le groupe ! Les contrôleurs sont identifiables de par leurs tenues et se déplacent dans un véhicule blanc de type berlingo floqué du sigle ‘Ginko’. Les reconnaître et les signaler quand ils pointent leurs sales tronches, c’est se donner des armes pour résister ! Les distributeurs de tickets, présents à chaque arrêt de tram, restent vulnérables face à notre imagination… Avec de la colle, de la mousse expansive, de la peinture… Ou toute substance qui pourrait enrayer l’économie de cette entreprise et la contraindre momentanément à la gratuité.

Reçu par mail le 4 février 2015