Contre l’A45 et la nouvelle prison, refusons les projets d’un monde plein de barreaux !

De manière générale les projets d’autoroute ou de prison sont considérés comme des évidences, et des « nécessités sociales », alors que leur apparition est relativement récente.
La « première autoroute » voit le jour en Italie en 1924 : elle doit permettre la circulation plus rapide des marchandises et favoriser le développement du capitalisme, mais aussi assurer à l’État une emprise sur les territoires..
La prison existe, en tant qu’institution matérielle et avec son idéologie, depuis le 19ème siècle, afin de faire peser encore plus fort la coercition du pouvoir sur les récalcitrant-e-s et ses opposant-e-s, et de contenir une partie des populations indésirables
Depuis, ces outils doivent sans cesse être développés, modernisés.
Dans la Loire, il s’agit d’une part de construire l’A45 entre Lyon et Saint Étienne, en parallèle à une voie rapide déjà existante et gratuite. D’autre part de construire une nouvelle maison d’arrêt qui compterait plus de 500 places pour remplacer celle de la Talaudière, et enfermer toujours plus. On nous prépare un avenir radieux !

Il paraît logique que des personnes qui impactées directement par ces projet vont en subir des désagréments dans leur quotidien ( à commencer par les personnes qui peuvent être expropriées parce que le projet passe sur leur maison ), et que parfois elles s’opposent à ce que ce projet se fasse à cet endroit.
Cela met alors l’accent sur la question des « nuisances » qui vont être imposées aux « locaux ».
A cela l’état répond qu’il faut bien que quelques-un-es se « sacrifient » en supportant des « nuisances » pour le « bien commun ». Cela permet d’évacuer une remise en question plus en profondeur du projet, questionnant sa fonction et ses conséquences ; celles-ci restent identiques où que soit délocalisé ce projet.

Les nuisances sont évaluées par des experts, quantifiées « scientifiquement », et les mêmes experts proposent d’y apporter des solutions négociées pour faire passer la pilule. On va construire des murs anti-bruit le long des autoroutes, et décaler l’implantation de la nouvelle prison un peu plus en bas à droite sur le terrain. La nuisance est amoindrie, les « riverain-es » « pris-e en compte », les projets se font, (presque) tout le monde est content-e…

Une remarque au passage. Le fait de parler également de « nuisances » au sujet d’une prison et d’une autoroute en dit long sur la manière dont les détenu-es et leurs proches sont considéré-es par la société bien pensante.
Une autoroute crée des « nuisances » parce qu’elle fait du bruit, de la pollution, empêche la libre circulation, détruit le paysage ( et d’autres choses encore)…

Les « riverains » d’une prison s’épanchent suffisamment souvent dans les journaux pour ne pas reprendre ici leurs propos dégueulasses… On semble oublier que les problèmes les plus graves posés par la prison, ce sont les personnes enfermées et leurs proches qui les vivent.
L’enfermement permanent, les humiliations, le racket de l’administration, la privation de ses proches, la soumission à l’arbitraire des magistrats et des matons, l’absence d’intimité, les milles horreurs de la taule n’ont pas grand chose de comparables avec le petit souci de jacqueline et robert qui habitent à coté et se trouve incommodés par la « pollution lumineuse » des projecteurs du mur d’enceinte éclairés en permanence…

Pour en revenir aux stratégies mises en place pour obtenir l’acceptation des populations locales, il peut arriver que d’éventuelles retombées financières, la promesse d’emplois générés par la mise en place du dit projet ( emplois intérimaires lors de la construction, sous-traitance ponctuelle avec des entreprises locales, ou alors commerces à qui on promet de futur-es client-es ) soient des arguments suffisants.

Si ce n’est pas le cas, le projet sera imposé, de manière plus ou moins frontale. Il existe tout un panel de rendez-vous avec différents représentants politiques, de recours administratifs, de réunions de concertations, de débats publics… qui permettent parfois de gagner du temps, et surtout de donner à la population l’illusion que son avis est « pris en compte ».
Pour finir évidemment l’état et les principales entreprises concernées ont bien l’intention de faire à leur guise.
Certains grands projets ( la centrale nucléaire de Plogoff, le barrage de Serre de la Fare, un certain aéroport…) qui n’ont pas (encore) vu le jour le doivent à des résistances et des luttes solides.

Dans tous les cas, face à la contestation, l’état va argumenter la nécessité de réaliser son projet au prétexte de « l’intérêt général », parfois aussi nommé « bien public ». Ce qui semble souvent se confondre étrangement avec les intérêts financiers de certains grands groupes, ou l’intérêt de l’état à sa propre perpétuation…
Qu’il s’agisse de prison ou d’autoroute, on retrouve derrière toujours les mêmes grandes entreprises : Vinci, Eiffage, Spie-Batignolles ( et leurs nombreuses filiales), qui ont bien compris quels sont les secteurs où investir.
Ensuite les petits sous-traitants varient selon les tâches à réaliser.

Dans les deux cas, les personnes qui se trouvent là où l’état a décidé de réaliser son projet, n’ont qu’à la fermer, éventuellement prendre une somme qui est l’équivalent du prix de leur silence et de leur expropriation, et tenter de (se) reconstruire ailleurs. Dans les deux cas, des parcelles de terres, généralement agricoles, vont être détruites, recouverts de tonnes de béton.
Le serpent de béton a son lot de morts au volant ; le cube de béton avale les vies volées par l’enfermement, mais aussi les morts réelles en détention ( 7 fois plus de suicides en prison qu’au dehors, quand il ne s’agit pas de tabassages ou meurtres commis par des surveillants et camouflés en suicides).
Dans les deux cas, de nombreuses personnes se résignent et s’habituent à ce qui leur a été imposé, comme si c’était normal. Prendre l’autoroute pour gagner quelques minutes et enrichir ces grands groupes qui nous pourrissent la vie ; dire bonjour à un maton qui gagne sa vie en étant le bourreau de ceux qu’il enferme…

La multiplication des autoroutes, comme la multiplication des prisons, permet le quadrillage toujours plus serré du territoire, et donc une gestion et une mise sous contrôle plus efficace.
Le contrôle, qui est le propre de la prison ( avec entre autres : caméras de surveillance et uniformes, contrôles à l’entrée et à la sortie, vérifications impromptues du respect des règles, identification des déplacements) s’étend peu à peu à tous les domaines de notre vie.

L’autoroute répond aux besoin d’un monde basé sur la rentabilité et la conformité.
Il faut aller le plus vite possible d’un endroit à un autre… pour travailler, en faisant à répétition des trajets absurdes qui nous font perdre une partie de notre vie… pour consommer le plus vite possible le rare « temps libre » dans des loisirs, ou aller voir les personnes que l’on aime, mais dont on est éloigné-es « à cause du boulot ».
L’autoroute permet aux industries et entreprises d’acheminer le plus vite possible des marchandises d’un point A à un point B parce que « le temps c’est de l’argent »
L’autoroute est le « cadre de vie » de milliers de commercial-es et routièr-es qui passent des années à accumuler des kilomètres pour amener des marchandises ou faire signer des contrats. Relié-es à leur hiérarchie par le mouchard GPS et leur téléphone portable, la seule liberté qu’on leur tolère est de « choisir » entre deux hôtels, ou station services identiques.

La prison répond aux besoins d’un monde basé sur la rentabilité, la conformité, la soumission à l’autorité. Il faut bien travailler… il faut bien accepter les injustices de ce monde… il faut bien se soumettre…
La loi est faite par et pour les puissants, et la justice ne s’attaque pas à ceux qui organisent l’oppression que nous vivons.
Les plus grands voleurs, qui magouillent des millions et mettent sur la paille les ouvriers quand ils ont trouvé à qui revendre une entreprise pour se faire encore plus d’argent, n’ont pas de problème avec la justice. Ils auront parfois une petite amende, qui ne représente pas grand chose pour leur porte monnaie ; souvent cela restera symbolique. La justice ne s’occupe pas ceux qui au nom de l’état et payés par l’armée tuent des dizaines, centaines, milliers de personnes dans des pays qu’on ne sait souvent même pas situer correctement sur une mappemonde.
Elle ne s’occupe pas de ceux qui parés de l’uniforme de l’état, flics ou matons, tuent, violent, sont payés pour faire régner l’ordre… Cet ordre qui tient grâce aux lois, aux tribunaux, aux prisons.
Par contre les prisons sont pleines à craquer de petit-es délinquant-es ( délits routiers, petits vols et stupéfiants principalement).
La prison donne l’impression à celles et ceux qui n’y ont jamais été confronté-es, ni à la justice, d’être « libre », comme est libre le commercial qui passe sa vie sur l’autoroute.

Il faudrait accepter ce monde, il faudrait produire des marchandises pour engraisser les patrons et la fermer, il faudrait que ça aille vite…
La circulation des personnes et des marchandises, la répression par la menace de l’enfermement ( et encore beaucoup d’autres choses ! ) sont nécessaires à l’état et au capitalisme. Ils sont nécessaires pour maintenir les inégalités, pour garantir l’exploitation par le travail et les ( nombreux) rapports de domination.
Mais pour les personnes qui veulent tenter de vivre librement vis-à-vis d’eux mêmes et des autres, ce n’est pas une nécessité, c’est une entrave.

On peut l’espérer, dans les deux cas il restera des personnes qui ne se résignent pas et qui tentent d’enrayer ces machines…

A bas toutes les prisons, et les autoroutes, en activité ou en projet !

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[Publié sur le Numéro Zéro]