Archives de catégorie : Contre la gentrification / l’urbanisme / l’aménagement du territoire

[Allemagne] Brèves de sabotages dans le cadre de la destroika (février 2015)

Brême. Dans la nuit du 24 au 25 février 2015, un véhicule du service de parc automobile de l’armée allemande a été incendié Hemmstraße dans le quartier Findorff. « La Bundeswehr est un instrument ici pour protéger la richesse de quelques uns. Des guerres sont menées pour pouvoir assurer continuellement des ressources déjà existantes, pour exporter le système capitaliste autoritaire et garantir ses propres profits. L’Allemagne mène déjà depuis fort longtemps la guerre ou la soutient matériellement. C’est fait intentionnellement par le marché, que les moyens de subsistances de beaucoup de gens sont détruits par l’exploitation des richesses naturelles, par la vente des terres et l’obligation de dépendance au marché mondial néolibéral. Ce que cette politique sans scrupule fonctionne sur des cadavres, devient particulièrement visible aux frontières de l’Europe. La plupart des gens qui tentent de venir en Europe se voit refuser une entrée légale parce qu’ils n’ont soit pas de papiers, soit les mauvais papiers. Ils deviennent illégaux et cela sert de prétexte pour la police, les gardes-frontières et militaires d’ouvrir une chasse à l’intérieur de l’Europe, à ses frontières et sur la mer. Pour beaucoup, cela signifie l’expulsion ou la mort.

Pour des moments insurrectionnels passionnés le 18 mars à Francfort ! [..;] »

BW

Berlin. Dans la nuit du 24 au 25 février 2015, « quatre distributeurs d’argent ont été brisés ou ont été rendus inutilisables dans le quartier de Kreuzberg avec de la mousse expansive. Ce n’est pas la première action contre les banques à Berlin dans le cadre de l’appel à la Destroïka, et nous nous réjouissons des autres actions. […]

Venez à Francfort le 18 mars ! Le matin pour le blocage, à 17h00 pour la grande manif ! »

Francfort. « Dans la nuit du 18 au 19 février 2015, nous avons attaqué la Deutsche Annington dans le quartier de Sachsenhausen. Trois véhicules ont été incendiés et la façade vitrée arrière du complexe de bureau été brisée. […] La Deutsche Annington est un bénéficiaire important du marché de location autrefois social et du marché de l’habitat à bas prix. Entre 2001 et leur introduction en bourse en 2010, elle s’est enrichie de plus de 210.000 logements qui autrefois appartenaient aux forces armées britanniques, à de grosses entreprises comme RWE, E-ON, etc… » L’action a été en partie faite en solidarité avec les locataires en lutte en Allemagne, contre les expulsions de logements et la hausse des loyers. « Nous avons identifié une autre cible potentielle en plus des banques et des compagnies d’assurance ».

[Montreuil, 93] Fuck vigipirate !

Dans la nuit du 1 au 2 mars, rue de Saint-Mandé à Montreuil, une camionnette Eiffage Construction est partie en fumée.

Eiffage est une entreprise qui construit des prisons.

Ni le plan vigipirate ni la météo printanière ne nous ont dissuadés d’attaquer

Signé : Des giboulées enragées

Publié sur indymedia nantes, 3 mars 2015 à 11h24

[Besançon] Aux « 408 », les mâts des caméras continuent de tomber, l’obscurité totale aussi – 23/24 février 2015

A Besançon : la guérilla des caméras dans le quartier des « 408 »

cam4Besançon. « On ne baissera pas les bras » lâche Jean-Louis Fousseret. Après celle abattue et volée dans la nuit de dimanche à lundi, une nouvelle caméra de vidéosurveillance a été la cible des vandales, dans le quartier de la Grette, au cours de la nuit de lundi à mardi.

Cette fois, ceux-ci n’ont pas réussi à achever leur travail. Le mat a donc été démonté proprement, mardi matin par les services techniques pour mettre la caméra à l’abri, dans l’attente de la reposer et la sécuriser.

Les voyous ont également réussi à nouveau à plonger une partie du quartier dans le noir, en mettant l’éclairage public en court-circuit au niveau de l’immeuble du 27 donnant sur la rue Brulard. Là aussi, les services techniques, mobilisés par le refus de voir s’installer une zone de non droit, planchent pour trouver une solution pérenne d’alimentation électrique.

Le problème a été résolu au niveau du bâtiment 29, le plus au fond, là où se concentre le trafic. Une alimentation aérienne a été installée que les vandales ont déjà tenté de mettre à mal sans succès pour l’instant, en passant par l’immeuble dont de nombreux logements sont désormais vides.

Car de plus en plus, le quartier des « 408 » fait figure de repoussoir. Et le seul horizon envisageable est celui d’une rénovation urbaine, par la démolition de bâtiments dont l’une est déjà programmée pour 2016 et un réaménagement de la circulation à l’intérieur du quartier afin de casser son potentiel de ghetto.

Leur presse – l’est républicain, 24/02/2015 à 18h26

Besançon, février 2014

Besançon, février 2014

Nouveau mat de caméra scié aux 408 à Besançon

Besançon. C’est peu dire qu’ils ne lâchent pas l’affaire. Dans la nuit de dimanche à lundi, vers une heure du matin, le mat portant une caméra de vidéosurveillance, à hauteur du 27, rue Brulard à Besançon, a été scié à la disqueuse. Il est tombé, bloquant l’accès aux parkings, près de la maternelle.

C’est la troisième caméra mise à bas dans le quartier des 408 en quelques mois. Des actes de vandalisme auxquels il faut ajouter une tentative qui s’était soldée par l’interpellation d’un individu originaire du quartier de Palente. Hier, une camionnette a été vue à proximité du poteau et il faut encore signaler que le quartier a de nouveau été plongé dans le noir, alors que les services techniques municipaux avaient trouvé une solution pour remédier aux coupures volontaires à répétition.

Leur presse – l’est répugnant, 24/02/2015 à 05h

[Lille] Récit d’une petite victoire face à la police

Nous avons voulu vous conter cette petite histoire pour qu’elle ne reste pas sans mots. Mais elle n’a rien d’extraordinaire, rien d’exceptionnelle. Des débordements qui surgissent quand des personnes s’organisent pour prendre leur existence en main, il y en a partout et tout le temps dans les moindres interstices du pouvoir.

Mangouste

Ça fait presque 2 mois que nous occupons un bâtiment appartenant à l’institut Pasteur à Lille, vide depuis plus de 6 ans. Pendant plusieurs semaines, nous avons fait quelques travaux pour nous sentir chez nous en rénovant les chambres : certaines tapisseries d’une autre époque ont été enlevées ou remplacées, certains murs ont été assainis, une cloison a été montée et d’autres petites choses ont été installées. Nous avons aussi aménagé un grand salon avec une cuisine nous permettant de vivre sereinement à plein ! En plus de ça, nous avons maintenant des espaces collectifs permettant d’accueillir plusieurs activités, notamment une salle de cinéma, un bar, une salle de concert et d’autres choses si nous en avons envie.

Nous pouvons donc dire que nous sommes plutôt bien installés et comptons bien y rester le plus longtemps possible. Et pour cela, ce n’est pas la fameuse insalubrité inventée par l’institut pasteur qui nous fera partir, mais bien la bleusaille. C’est pourquoi quelques précautions ont été prises pour qu’elle ne puisse rentrer facilement, en témoignent leur deux essais infructueux.

La première fois qu’ils sont venus, c’est de façon illégale le 17 décembre. Cela se déroule en deux temps : un, officieux, où une première équipe de flics est chargée de faire ça rapidement, autant dire qu’elle n’est pas là pour réfléchir. Coup de pied dans une barricade alors que le flic est en équilibre sur une barre métallique au dessus d’une verrière. Il échoue évidemment. On se demande si on va pas retrouver un bleu mort dans nos chiottes 4 mètres plus bas, mais les flics partent rapidement. Alors vient le deuxième temps : les proprios reviennent en grandes pompes dans l’après-midi accompagnés de 40 flics, BACeux, RG, huissiers et compagnies en espérant nous expulser illégalement. Les flics posent le bélier devant la porte pour nous signifier qu’ils en ont des grosses. Malheureusement pour eux, ils ne savent pas par où commencer – il faut dire que le bâtiment est plutôt bien protégé – et après deux heures d’intenses réflexions de leur part, ils repartent bredouilles, n’ayant pas eu l’autorisation d’opérer illégalement sur un carrefour hyper visible, juste à l’entrée de la ville.

Nous sommes plutôt contents de leur échec, mais sommes assez impressionnés du déploiement et de leur réactivité. Il faut dire que le bâtiment est situé à un endroit stratégique pour eux, le centre de recrutement de la gendarmerie se trouve à quelques mètres, d’ailleurs les schmidtts sont des vieux habitués du quartier : ce qui est aujourd’hui la maison de l’emploi était autrefois le commissariat central et les bars du coin sont toujours très mal fréquentés. Nous décidons alors d’utiliser cet atout pour placer une banderole signifiant notre occupation et notre volonté de prendre de la place dans le quartier.

Forcés cette fois de suivre la procédure, les proprios font appel aux huissiers, qui viennent nous rendre visite plusieurs fois. Dès le lendemain du déploiement de keuf infructueux, deux huissiers se pointent pour constater l’occupation et nous demandent nos noms. Costards sur mesure, cheveux gominés, le teint frais, on vient pas du même monde c’est clair. Ils tentent quand même de faire une petite blague quand on leur dit que c’est Bruce Willis qui habite là. Nous on rit pas. Quelques semaines plus tard, le plus puant des deux revient tout seul (même pas peur) prendre en photo la serrure. Toujours le même sourire arrogant. On n’a à peine le temps de réagir qu’il est déjà parti.

Mardi 27 janvier, les deux mêmes huissiers se repointent. Toujours au top. Par contre cette fois ils ne sont pas tous seuls. Quelques flics les accompagnent, ainsi que deux serruriers, tous se font plutôt discrets. Ils pensent qu’il n’y a personne dans la maison, et ne prennent pas la peine de sonner. Par chance les deux habitants présents à ce moment là les voient et descendent mettre les barricades. Ils remontent et se pointent à une fenêtre pour demander aux huissiers ce qu’ils viennent faire là. Très évasifs, la seule réponse obtenue est « on veut discuter, mais on discute à l’intérieur », comprenez : « on vient prendre vos identités, et si vous nous laissez pas entrer, on entrera tous seuls ». Sur ce, les serruriers commencent à attaquer la porte. Heureusement pour nous, il s’avère assez rapidement que ce sont deux gros branquignoles. Pendant qu’ils essayent l’arrache-serrure, puis le pied-de-biche, le tournevis, la perceuse, etc., les habitants ont le temps d’appeler quelques copains en renfort. Du monde commence à se rassembler sur le carrefour, pendant que la bleusaille arrive plus nombreuse également. Dehors, on décide de s’approcher et de se mettre bien en face de la maison, histoire de mettre la pression aux flics et aux serruriers, qui font de plus en plus d’efforts inutiles. On les traite à mort, les gens du quartier sortent et nous rejoignent. Entre les gosses qui attendaient leur bus, les gens qui sortaient de la mission locale et les jeunes du quartier, ça fait du monde qui se croise et qui décide de rester juste par solidarité et haine des keufs. Ça crie, ça se moque, pendant ce temps les habitants menacent les serruriers avec une bouteille de pisse. Ils n’y croient pas trop, ils auraient dû. Ils se prennent d’abord quelques gouttes, puis une bouteille entière sur la face, puis une autre. En tout, ça fait quelques litres bien odorants qui atterrissent sur les serruriers et les huissiers, pendant que les flics se reculent bien sagement de la porte. Eux sont pas trop solidaires de leurs potes pour le coup.

Vu le succès qu’a rencontré l’urine auprès des gens dehors, ça enchaîne direct sur la compote, puis le pain sec, qui atterrissent sur les boucliers de CRS venus protéger les serruriers. Sauf que travailler entourés de flics-parapluies, imbibés de pisse et de bouffe alors qu’il caille à mort et que tu te fais traiter par 50 personnes, ça aide pas à la réflexion. Bref, plus de 2h plus tard, les serruriers lâchent l’affaire en ayant bien entamé la porte, mais pas assez pour la faire céder. Les coups de masse et de bélier des flics désespérés ne l’ont pas fait bouger. Les serruriers et la BAC se tirent les premiers, les bleus commencent à partir, nous on sent la victoire, on est de plus en plus déchaînés. Ça crie à mort, ça traite les keufs, les habitants craquent un fumigène à la fenêtre, c’est vraiment beau à voir. Des pétards font sursauter les flics,.qui font plus trop les malins. On s’apprête à se disperser quand une nouvelle patrouille de BAC débarque pour contrôler des jeunes du quartier. Illico les gens encore présents avancent sur eux, les entourent, leur disent de dégager. Ils appellent du renfort, le contrôle se termine tranquille et ils finissent par tous se barrer rapidement. Nous on rejoint notre case, on tente d’ouvrir notre porte qui est bien abîmée. On ouvre, on visse, on soude, des gens du quartier sont encore là, nous filent un coup de main, viennent tchatcher de la maison, ou juste nous regardent reprendre possession des lieux.

affiche_DF-6cf1eNous disons petite victoire, cela ne veut pas dire que les flics ont perdu, on a juste gagné du temps. Mais nous n’avons pas gagné que ça. Nous parlons de victoire, parce qu’au moment où les flics sont partis, nous avons tous compris qu’ils partaient en parti grâce à cet aller-retour entre les habitants et les gens dehors. Nous avons aussi gagné une énergie folle, une énergie qui est assez rare, mais qui a duré jusqu’au soir, où même l’ambiance du quartier n’était pas comme d’habitude. Cette énergie a traversé toutes les personnes présentes qui étaient contre la police. Pendant cette émulation, les gens dehors parlaient contre les flics, mais parlaient aussi entre eux, c’était une discussion libérée, libérée dans le sens où l’hétérogénéité des personnes aurait fait que dans une situation normale personne ne se serait parlé. C’est cette situation anormale qu’il faut savoir prolonger, cette énergie qui doit nous aider à multiplier ces situations.

C’était nouveau pour nous de ressentir un vrai soutien du quartier, de voir les gens dans la rue se les peler tout l’aprem pour rester discuter, voir comment ça va se passer. Du coup on a voulu essayer de s’emparer de ça, de rencontrer les gens dans un contexte plus serein, et on a décidé d’organiser une grosse bouffe chez nous une semaine après ces événements.

La Mangouste, Lille

métro grand palais, Lille – mangouste@riseup.net

Publié sur Indymedia Lille, 10 février 2015

[Münich] Brèves d’agitation anticarcérale autour de la prison de Stadelheim – Janvier / Février 2015

FurEinWeltOhneGrenzenUndKnasteDans la nuit du 12 février 2015, il y a eu un peu d’ambiance devant la prison pour hommes de Stadelheim.

A l’aide d’extincteur, de fumi et d’une barricade de poubelles, les deux extrémités de la rue ont été bloquées. Des feux d’artifice ont été allumés au-dessus du mur, et l’inscription d’environ 15 mètres de long « Liberté pour tous » a été placé sur le mur juste sous les yeux des gardiens du mirador.

Sans arrestation, la meute a disparu en laissant un peu de bordel dans les rues.

Traduit de l’allemand de linksunten, 14 février 2015

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Mi-janvier 2015, une mystérieuse lettre d’information avec en en-tête le logo de la municipalité münichoise a été affichée à l’entrée des bâtiments publics et des habitations aux alentours de la prison de Stadelheim, à Giesing.

Cette lettre indique qu’entre le 1er octobre 2014 et le 1er mars 2015, les services municipaux de la ville de Münich mèneront auprès des habitants des analyses radiophoniques et des collectes de données de mobiles dans un périmètre d’un kilomètre autour de la prison.

La mairie n’a pas tardé à réagir par l’intermédiaire de la presse, en tentant de « rassurer » la population que cette fameuse lettre était une fausse. Pas sûrs que les habitants du quartier soient vraiment rassurer, car le pouvoir tente chaque jour d’accroître et d’améliorer le contrôle (à l’extérieur comme à l’intérieur) et la répression sur la population. Courant 2015 sont prévues un nouveau palais de justice à Leonrodplatz, ainsi qu’une nouvelle salle de tribunal de haute-sécurité dans l’enceinte de cette gigantesque prison de Stadelheim.

Traduit librement de la presse allemande, 15/01/2015

NdT:

* quartier situé au sud-est de la ville de Münich. Il abrite l’une des plus anciennes et plus grandes prisons d’Allemagne: Mise en service à partir de 1894, la prison de Stadelheim s’étend sur près de 14ha et enferme plus de 1500 détenus.

[De Bordeaux à Bruxelles] La pub prend cher

Un mystérieux gang anti pub vandalise 45 panneaux publicitaires à Bordeaux et périphérie

L’entreprise Decaux, spécialiste de la publicité urbaine a porté plainte contre x. Elle a dû remplacer 90 vitres après les dégradations constatées vendredi matin. 

Sur les panneaux vandalisés on pouvait lire les inscriptions « stop à la pub » ou encore « laissez nous réfléchir »

AntiPubBordeaux panopub

Leur presse lobotomisée – Fr3 Aquitaine, 09/2/2015 à 16h25

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Uccle, la commune belge qui enregistre le plus d’abribus vandalisés

C’est une des communes bruxelloises les plus paisibles. Et pourtant! Uccle détient un surprenant record: celui du plus grand nombre d’abribus vandalisés ces dernières années. Clear Channel, une des sociétés qui gèrent ce type de mobilier urbain, lance donc une nouvelle campagne d’affichage, en collaboration avec les autorités communales uccloises. Objectif: faire comprendre aux vandales qu’ils dégradent du matériel utile à tous les usagers des bus publics… un matériel qui leur est donc également utile.

« Cet abri qui sert à vous protéger est trop souvent vandalisé. S’il vous plaît, respectez-le! » C’est le message que l’on peut lire sur les affiches apposées sur les abribus ucclois les plus touchés par le vandalisme. Une première campagne d’affichage avait déjà été lancée en 2012, à la suite de nombreux actes de vandalisme. « En 2012, nous avons enregistré 241 plaintes pour vandalisme contre nos abribus », affirme Jean Furnemont, responsable du développement pour Clear Channel-Belgique, section Bruxelles et Wallonie. « En 2013, Uccle enregistrait 184 plaintes. Un chiffre qui retombait à environ 100, l’an dernier ». Pour la société qui gère ces abribus, ces faits de vandalisme, bien qu’en diminution, restent trop importants. « Réparer une vitre nous coûte 280 euros », explique Jean Furnemont. « En 2014, nous avons dû remplacer 43 vitres, ce qui représente un budget d’environ 12.000 euros! Nous préférerions investir cet argent dans d’autres choses. »

Des bris de vitres, mais des tags aussi

Autre fléau pour la société: les nombreux tags qui salissent les abribus. « L’an dernier, nous en avons dénombré plus de 350 », affirme Jean Furnemont. « C’est également beaucoup d’argent pour les enlever. D’autant que certains sont faits à l’acide ». De nombreuses polices locales répertorient les tags et les signatures. Mais les enquêtes pour identifier les délinquants sont longues et difficiles; d’autant que les flagrants délits sont rares. Reste que les coupables s’exposent à des poursuites judiciaires, avec à la clé, de sévères amendes ou des travaux d’intérêt général. A ce triste hit-parade du vandalisme contre les abribus, Uccle devance Waterloo et Mons. La lutte contre ces incivilités passe sans doute aussi par l’éducation et la prévention. Un travail de longue haleine.

Leur presse – RTBF.be, 13/01/2015 à 17h13

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Namur : Terrorisme antipubs à répétition, la cascade Decaux

On s’en prend aux panneaux publicitaires de la firme Jean-Claude Decaux : en une semaine, 30 enseignes ont été vandalisées.

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La chose n’est pas anodine. Depuis une semaine, les panneaux publicitaires de la firme Jean-Claude Decaux sont volontairement ciblés. C’est tout le centre-ville qui est touché, depuis Salzinnes jusqu’au quartier des Casernes. Avec une gradation dans le temps, aussi : ce week-end, ce sont 13 panneaux qui ont été vandalisés sur deux jours. Difficile de croire à un hasard ou à la simple convergence de l’un ou l’autre individus. Non, la croisade est organisée.

Au sein de la société Decaux, on ne comprend pas vraiment le pourquoi de cette action. D’autant que les abribus, eux aussi sous le logo de la grande société française, leader mondial du marché et présente en Belgique depuis 1967, ne sont pas touchés. Non, ici, c’est à l’empire de la pub qu’on s’en prend, visiblement. Pas de campagne publicitaire sulfureuse pour le moment, pourtant. Pas d’images qui seraient susceptibles de choquer sur ces fenêtres marketing ouvertes sur la ville.

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Début de réponse ? C’est au business que l’on s’en prend. De manière systématique. « Nous n’avons jamais vu cela dans d’autres villes », indique Jérôme Blanchevoye, directeur chez J.-C. Decaux, qui indique que des actes de vandalisme sont malheureusement monnaie courante dans les centres-villes, mais que rare est ce genre d’acharnement.

CJDecaux rassure : toutes les mesures de sécurité sont prises pour éviter l’accident. Les panneaux pulvérisés en fragments de verre seront rapidement remplacés. Mais en attendant, on sécurise chaque périmètre pour éviter le petit souci quotidien. Mais la question reste pendante : Pourquoi ?

Une croisade rarement observée

Ce serait souvent des petits groupes d’excités qui joueraient du poing sur les panneaux. Ici, on s’acharne…

Jérôme Blanchevoie se veut rassurant : « Toutes les équipes J.-C. Decaux sont dans Namur, qui savent renseigner en permanence sur ce qu’il se passe, et intervenir pour les réparations. » J.-C. Decaux est un citoyen quasi officiel de la Ville de Namur : la société gère les panneaux publicitaires aujourd’hui visés, mais aussi les abribus et leurs ouvertures publicitaires, et est le partenaire de la Ville comme gestionnaire du réseau du Li Bia Vélo, les vélos partagés lancés en mars 2011 dans la capitale wallonne. Gérer, c’est bien. Mais réparer, c’est coûteux : 300€ le verre d’un panneau publicitaire. Faites fois 30 (si le chiffre s’arrête)…

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Comment interpréter les gestes d’aujourd’hui ? « C’est souvent le fait de petits groupes d’individus qui s’amusent… » Retour de guindaille, anarchie urbaine, vandalisme gratuit. Sauf qu’ici, c’est une croisade qui est menée. On n’a jamais vu cela…

Leur presse – Lavenir, mardi 13/01/2015 07h38

Retour sur la révolte de novembre 2005 en France

La révolte incendiaire de novembre 2005 en France et l’hypothèse insurrectionnelle

« Nous avons pu faire dans le passé – et nous l’avons réellement fait – de minuscules émeutes insurrectionnelles qui n’avaient aucune chance de réussir. Mais nous étions alors vraiment bien peu, nous voulions obliger les gens à discuter, et nos tentatives étaient tout simplement des moyens de propagande. A présent, il ne s’agit plus de s’insurger pour faire de la propagande. A présent que nous pouvons vaincre – et que par conséquent nous le voulons –, nous ne faisons de tentatives que lorsqu’il nous semble qu’on peut y réussir.
Naturellement, nous pouvons nous tromper et, pour des questions de tempérament, on peut croire que le fruit est mûr alors qu’il est encore vert. Mais avouons que notre préférence va à ceux qui veulent aller trop vite face aux autres, ceux qui veulent toujours attendre, ceux qui laissent même passer les meilleures occasions et qui, par peur de cueillir un fruit pas assez mûr, laissent tout pourrir »

E. Malatesta, Umanità Nova, 6 septembre 1921.

acorpsperduLorsqu’une révolte sociale d’une ampleur tout à fait inhabituelle éclate à côté de soi, comme ce fut le cas en novembre 2005, il n’est pas rare que nous manquions de mots précis. On peut ainsi facilement tanguer entre une apologie pure et simple, guidée par l’enthousiasme ou une volonté d’agitation immédiate, et une mise à distance ultra critique, guidée par la peur ou les expériences historiques (c’est-à-dire plus honnêtement par les échecs du passé). Face à la tentation de qualifier trop rapidement les faits, on se souvient aussi que nommer une réalité, c’est déjà la réduire, que la réduire c’est rapidement la trahir. Ainsi, tout comme l’Etat peut par exemple définir des actes ou des personnes comme « terroristes » en fonction de la relativité de ses intérêts, les révolutionnaires ont souvent tendance à plaquer leurs désirs et leur propre projectualité sur les révoltes en cours. Non seulement le langage n’est bien sûr pas neutre, mais il sert souvent à cacher les véritables enjeux de la question posée.

Certes, lorsque l’Etat crée des catégories de révoltés, c’est pour mieux les isoler puis les réprimer, tandis que lorsque les anti-autoritaires tentent d’analyser une explosion en cours, c’est souvent mus par une volonté d’étendre la subversion. Si la démarche de ces deux ennemis irréductibles s’oppose entièrement – tant en terme d’objectifs que de sincérité –, l’opération revêt pourtant dans les deux cas un caractère politique lorsque la bataille rhétorique se réduit à une querelle de définitions. Ces dernières ne feront de toute façon qu’augmenter la séparation entre soi et la réalité de la guerre sociale. Les émeutiers deviennent ainsi des « racailles » ou des « jeunes prolétaires qui se trompent de cible », ils sont « irresponsables » ou « désespérés », « immigrés à expulser » ou « victimes post-coloniales », « destructeurs de voitures et d’écoles innocentes » ou « rebelles dont nous avons tout à apprendre ». Il ne s’agit pour nous ni de poser des labels, ni de se lancer aveuglément dans la bataille, pas plus que d’accomplir un quelconque devoir révolutionnaire. Nous pensons simplement qu’en participant à la conflictualité – a fortiori au moment où elle se développe –, on a bien plus de chances de comprendre ce qui s’y passe, afin d’y avancer ses propres perspectives d’un monde débarrassé de toute domination. La question brûlante n’est alors plus « qui sont ces gens ? » ou « de quel soutien ont-ils besoin ? », mais « quelles possibilités porte cette révolte » et « quels contenus souhaitons-nous y développer ? » 

Fausses questions

Lorsque novembre 2005 a explosé, les débats à chaud entre camarades sur les différentes interventions à mener nous ont souvent laissé l’impression d’une impuissance collective. Si on voit aisément ce qui rend l’Etat immédiatement hostile à ces événements, et sa nécessité de frapper juste et fort au nom de la préservation de l’ordre, on est par contre déjà plus embarrassé face à des camarades qui analysent dans les moindres détails ce qui se passe avant d’apporter leur contribution. On pourrait facilement mettre cette impuissance sur le compte de l’impossibilité ou du refus de formuler des hypothèses révolutionnaires, à part l’apologie du chaos et de la guerre civile. Mais elle a été plus largement produite par le sentiment d’extériorité posé à l’époque par l’ensemble du milieu anti-autoritaire : un milieu dont le rapport aux émeutes était alors plus spectaculaire que pratique, et qui était aussi englué dans une conception mouvementiste de la révolte, c’est-à-dire à la recherche de sujets auxquels se greffer. Comme si une révolte était figée dans le temps ou pétrifiée dans ses formes et ses objectifs immédiats, et surtout comme si elle n’était pas également le fruit de tous ceux qui décident de l’alimenter, loin de tout déterminisme qui serait quasi sociologique. Et comme si les complicités ne pouvaient pas également se nouer à l’intérieur de la conflictualité, chemin faisant.

Face à une situation de révolte sociale dont l’ampleur (par sa durée, sa diffusion ou ses formes) offrait des possibilités inédites, plutôt que de chercher à la cerner dans un rapport d’entomologiste (qui y participe, sur quelles bases, pour faire quoi ?), pourquoi n’était-il pas imaginable d’accueillir ce qui nous parlait en elle, ce dans quoi nous nous reconnaissions ? Non pas pour rejoindre acritiquement des « enragés » ou des « révoltés » mythifiés là où ils se trouvaient déjà, mais pour intensifier la rupture de la normalité et approfondir son expression, là où nous nous trouvions ? Et dans ce cas, qu’est-ce que nous voulions vraiment (au-delà des slogans classiques), et qu’est-ce que nous étions prêts à mettre en jeu, nuit après nuit, jour après jour ? Comment développer de l’intérieur de la révolte, sinon des espaces communs, au moins une dialectique riche de promesses et de complicités entre ceux qui la portent ? Voilà quelques-unes des réflexions qui n’ont que trop peu traversé les discussions entre camarades (au-delà des groupes affinitaires restreints), y compris quand il est devenu évident que le gigantesque incendie n’allait pas s’éteindre de sitôt.

Alors, si on n’est pas en quête d’excuses individuelles pour préserver un confort (théorique, pratique ou émotionnel), mais bien de pistes collectives pour subvertir l’entièreté de ce monde ; si ce n’est plus de mécanismes de représentation dans un milieu dont il s’agit, mais d’un saut dans l’inconnu du possible insurrectionnel, ce n’est qu’en se débarrassant de toutes les fausses questions de l’habitude militante qu’on pourra rencontrer quelques débuts de réponses.

…et quelques réponses

« Ce qui est « contre-productif » , ce n’est pas de cramer son quartier pourri, c’est de n’y voir que des actes manquant de « sens historique » , de « conditions objectives » et autres blas blas de marxistes de confort, bref de ne considérer ces événements que par le bout de la lorgnette médiatique ou d’une grille d’analyse obsolète »
L’essence de la révolte, tract de la Section Cosaques-Jabots de bois, Nantes, 18 novembre 2005

Les trois semaines (27 octobre-24 novembre) qui se sont illuminées nuit après nuit d’un feu contagieux à travers toute la France ont rapidement été perçues d’une manière qui indiquait trop bien d’où parlaient leurs auteurs.
Les organisations gauchistes ou libertaires y ont par exemple unanimement vu une « absence de conscience morale » (Lutte Ouvrière, 7 novembre), des « comportements irresponsables » (CNT-Vignoles d’Aquitaine), une violence qui « frappe au hasard » (Fédération anarchiste, 10 novembre), des actes « de désespoir » (LCR, 7 novembre) ou d’« autodestruction » (Coordination des groupes anarchistes, 9 novembre) inscrits dans une « logique suicidaire » (No Pasaran, 11 novembre). La Fédération anarchiste s’est de même associée le 13 novembre aux partis de gauche (Verts, PC, MJS), d’extrême-gauche (LCR, LO) et aux syndicats (CGT, UNEF, UNSA, Solidaires, Syndicat de la magistrature) pour signer un appel commun tentant de récupérer la révolte, au moment même où celle-ci commençait à marquer le pas. Toutes ces bonnes âmes préciseront que « faire cesser les violences, qui pèsent sur des populations qui aspirent légitimement au calme, est évidemment nécessaire » . Pour beaucoup de groupuscules gauchistes ou libertaires, si on feint d’oublier qu’ils étaient d’abord mus par l’hostilité et l’incompréhension face au caractère incontrôlé des événements, il aurait manqué une dimension politique de classe (c’est-à-dire, dans leur sale bouche, une « conscience » et une « organisation » ), et au moins le début d’une volonté constructive (soit des « revendications » ). Il n’est donc pas étonnant qu’aucun de ces professionnels de la politique n’ait témoigné de solidarité avec les émeutiers pendant de longues semaines, certains participant même à l’inverse à des rondes citoyennes pour s’interposer entre les flics et les révoltés, ou directement pour protéger la propriété privée, comme s’en est vanté le leader historique de la LCR.

Dans un deuxième temps, alors que les cendres n’étaient même pas tièdes, tout ce beau monde (et d’autres encore) s’est précipité pour exercer son habituel racket anti-répressif en réclamant une « amnistie » pour les émeutiers. Et c’est ainsi que beaucoup de ceux qui n’avaient au mieux pris part au conflit qu’en spectateurs, – au pire en pacificateurs –, ont décrété unilatéralement la fin des hostilités (rappelons que l’amnistie est le moment qui marque une défaite et qu’elle est accordée sous forme de grâce par le vainqueur en échange d’une reconnaissance de sa supériorité et de sa légitimité). Oubliant à dessein que ce qui s’était passé là n’était qu’un des épisodes d’une guerre sociale quotidienne, certes plus chaleureux qu’à l’ordinaire et ouvrant des possibles qu’ils ont soigneusement dédaignés sur le moment, ces cadavres tenaient une fois de plus à marquer que les révoltés ne les intéressent que morts ou embastillés.

L’orage sur le point de passer, certains camarades se sont engouffrés à leur tour dans le classique soutien militant aux emprisonnés, peut-être par dépit de n’avoir pas trouvé d’autres moyens pour participer à la révolte, mais en continuant surtout de maintenir un rapport d’extériorité avec elle. Le « comité de soutien aux prisonniers » de Toulouse, le « collectif état d’urgence » de Lyon, des individus à Grenoble ou l’assemblée réunie à la Bourse du Travail de Montreuil ont donc commencé à assister aux audiences des tribunaux. Au-delà des questions matérielles certes utiles, ils n’avaient souvent pas beaucoup plus à dire que : « la (votre) révolte est légitime » . Un texte distribué à l’assemblée de Montreuil suite à la manifestation du 3 décembre dans les cités de cette ville développera par exemple cette critique : « Je pense que l’existence de l’assemblée ne peut se fonder sur le seul mot d’ordre de Libération des prisonniers, ne serait-ce que parce que c’est la forme de solidarité coutumière et bien rodée sur laquelle nous nous replions faute de mieux, non pas dans le sens où nous n’aurions pas mieux à faire, mais plutôt parce que se mettre d’accord pour soutenir des révoltés interpellés semble parfois plus simple que de discuter ensemble des manières dont nous pourrions exprimer notre rage. C’est à mon sens cette position de soutien qui pose d’emblée les questions d’intériorité et d’extériorité entre un « eux » et un « nous » … Si c’est la rage qui s’est exprimée et ce contre quoi elle s’est exprimée que nous partageons, posons-nous la question de ce que nous pouvons en faire de manière offensive ». 

En face, l’Etat a mobilisé une grande partie de ses moyens policiers (dont sept hélicoptères équipés des dernières technologies à Lille métropole, Toulouse, Strasbourg, Rennes et en région parisienne) et décrété l’état d’urgence, en utilisant une loi d’avril 1955 datant de la guerre d’Algérie. Annoncé le 8 novembre par le chef de l’Etat, il entrera en vigueur le lendemain pour douze jours avec un couvre-feu dans 25 départements (sur simples décrets). Le 21 novembre, il sera prolongé pour trois mois suite à un vote au Parlement, et ce n’est que le 4 janvier 2006 qu’il sera levé.

Rappelons que la déclaration puis le vote de l’état d’urgence autorise notamment un grand nombre de mesures de police administrative (c’est-à-dire en dehors de toute procédure judiciaire), dont les perquisitions de nuit, les interdictions de séjour ou assignations à résidence de toute personne « cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics » , l’interdiction de toute « réunion de nature à provoquer ou entretenir le désordre » , la fermeture de lieux publics (y compris cafés, restaurants, salles de spectacle ou de débat), et l’interdiction de la circulation de personnes ou de véhicules dans les lieux et heures fixés par arrêté. Le recours à l’état d’urgence est venu rappeler qu’en cas de troubles sociaux persistants, le pouvoir dispose non seulement de ses hommes en armes, mais en permanence de tout l’arsenal législatif démocratique adapté pour museler, confiner et… interner tout civil « suspect » à grande échelle. Si cette mesure fut en réalité peu appliquée en dehors des couvre-feu, vu l’évolution de la révolte, elle était pourtant encore en deçà de ce que réclamaient de nombreux maires de toutes tendances (comme le socialiste Michel Pajon à Noisy-le-Grand ou le communiste André Guérin à Vénissieux), c’est-à-dire l’intervention directe de l’ensemble de l’armée !

Sans détailler plus avant le reste de ses dispositifs, précisons tout de même que, conjuguant comme d’habitude la matraque avec l’ensemble de ses autres médiations, l’Etat a utilisé tout le reste de son arsenal : appels au calme venus aussi bien des partis de gauche que des autorités religieuses (comme cette fatwa lancée contre les émeutiers par l’Union des organisations islamiques de France le 6 novembre), quadrillage des quartiers par les médiateurs municipaux, grands frères et autres parents-citoyens, promesses d’augmentation de subventions aux associations locales, voire prises de position médiatiques de footballeurs ou de rappeurs « comprenant les raisons » de la révolte tout en condamnant bien sûr son expression même.

Quant à nous, après de nombreuses insomnies volontaires et la recherche parfois désespérée de complices, nous voulons revenir à présent sur cet épisode non pas pour le magnifier, mais pour tenter d’en tirer quelques expériences et réflexions sur le fameux possible ouvert ou pas à ce moment-là. 

Pacification et révolte hexagonales 

Pensant en particulier aux compagnons qui luttent ailleurs dans le monde [1], nous allons revenir rapidement sur le contexte français dans lequel cette révolte s’est s’inscrite, et développer quelques aspects de ces trois semaines. Peu de textes ont en effet été écrits ici sur le moment même, et surtout bien peu ont été rédigés par la suite, en tout cas dans une perspective anti-autoritaire. Cela témoigne d’une incapacité assez générale à penser les luttes auxquelles nous prenons part, et parfois de la facilité consistant à nous jeter dans la lutte suivante en une sorte de frénésie activiste – celle contre le Contrat Première Embauche a commencé dès le printemps 2006 –, sans prendre le temps du bilan de nos activités et de l’approfondissement. 

Sans aucune prétention d’exhaustivité, et en jetant un bref coup d’œil dans le rétroviseur, la décennie post-68 a été plutôt conflictuelle en France, même s’il elle n’a pas connu comme en Italie cette génération qui a voulu monter à l’assaut du ciel. Qu’on pense par exemple dans leur diversité au mouvement anti-nucléaire, à la grève nationale des loyers dans les foyers Sonacotra de 1976, ou encore à toute cette partie du prolétariat qui a refusé d’aller à l’usine comme ses pères et s’est débrouillée pour survivre autrement. Pourtant, il faut bien constater que cette décennie a ouvert les portes aux différentes alternatives socioculturelles ou écologistes comme autant d’outils d’intégration, et porté une nouvelle classe dirigeante au pouvoir avec l’arrivée de gouvernements de gauche à partir de 1981. La restructuration économique qui a suivi durant deux décennies sous le signe de la pacification sociale a été logiquement ébranlée par des embrasements circonscrits, mais au-delà des poches de résistance de certains secteurs ouvriers liquidés (comme les sidérurgistes lorrains et ceux de Vireux) ou restructurés (comme les grèves de cheminots en 1986 et 1995), les épisodes émeutiers et de perturbations sont surtout venus de franges de la population déjà déclassée. 

« Vaulx-en-Velin : l’émeute. Neuf ans après Vénissieux, la maladie des banlieues n’est toujours pas guérie »
Le Progrès de Lyon, 8 octobre 1990

Une des premières « émeute de banlieue » qui fera date après une exécution sommaire par la police remonte à 1979 à Vaulx-en-Velin (cité de la Grappinière), dans la région lyonnaise. Elle sera suivie de près par les événements d’octobre 1980 à Marseille, où les jeunes des quartiers nord affrontent la police et saccagent une partie du centre-ville à la suite du meurtre d’un des leurs par un CRS. En 1981, c’est à Vénissieux (cité des Minguettes), toujours près de Lyon, qu’éclate l’émeute qui créera le standard médiatique du genre, avec sa cohorte de journalistes embarqués filmant affrontements et voitures cramées. Les années 80 et 90 continueront aussi d’être marquées par les émeutes dans ces zones périphériques, souvent suite à d’autres assassinats policiers, cette forme désormais classique de gestion du territoire. Pour la deuxième partie de cette période, la chronologie classique retient par exemple celles d’octobre 1990 encore à Vaulx-en-Velin, de mars 1991 à Sartrouville (Yvelines), de mai 1991 à Mantes-la-Jolie (Yvelines), de 1993 à Paris-18e, de 1994 en Arles (Bouches-du-Rhône), de décembre 1997 à Dammarie-les-Lys, de décembre 1998 à Toulouse ou d’avril 2000 à Lille. Ces émeutes duraient souvent quelques jours, et chaque assassinat policier n’a pas trouvé chaque fois de telles réponses. Précisons également qu’à côté de ces mouvements spécifiques, celles et ceux à qui l’avenir radieux promis à travers la promotion par l’école et l’intégration par le travail apparaissait toujours plus illusoire ont aussi manifesté leur rage lors d’autres occasions ponctuées par de nombreux affrontements, incendies et pillages : en 1986 au prétexte d’une réforme universitaire, ou en 1994 contre un énième contrat précaire (dans les deux cas, les lycées techniques se sont particulièrement distingués).

A travers ces quelques exemples qui n’épuisent pas la réalité, nous n’entendons pas démontrer l’évidence de la continuité de la lutte de classe ou de la guerre sociale, mais que l’Etat français est habitué à gérer des émeutes de banlieues pauvres et d’une partie de la jeunesse. Il s’agit de formes de contestation qui, bien que « radicales » , font partie depuis longtemps du mode de régulation de la conflictualité sociale. L’histoire récente des conflits ouvriers (et parfois paysans), avec séquestration de cadres, incendies et saccage de stock, bagarres avec les flics, menaces de faire sauter l’usine à la bonbonne de gaz, mise-à-sac de sous-préfecture ou autre en témoigne plus généralement. De même, quand le conflit menace de bloquer sérieusement le pays, on peut rappeler que l’armée est déjà intervenue, comme l’hiver 1986 pour briser la grève du métro parisien et du RER (en transportant les « usagers » dans ses camions bâchés), ou en 1992 avec ses engins du génie pour dégager des péages les camions de routiers qui menaçaient de paralyser l’économie du pays.

Alors, quand certains s’extasient sur les formes collectives (émeutes, pillages, blocages, sabotages) que peut parfois prendre la contestation sociale ici, nous souhaitons tout simplement les réinscrire au sein de rapports sociaux où la forme ne présage a priori rien du fond. Ce qui fait souvent la différence, ce n’est pas tant la question des moyens qui vont être employés pour parvenir à ses fins, mais bien ces fins elles-mêmes. 

Le syndicalisme informel (le « droit à ») ou l’émeute revendicative de « mouvements sociaux à la française » , au même titre que le réformisme armé dans d’autres contextes, ont toujours buté sur les mêmes écueils. En faisant de l’Etat leur interlocuteur, ils lui offrent une porte de sortie pour faire cesser les troubles et négocier quelque chose. Ils se posent dans un rapport de demander plutôt que de prendre et, en formulant des revendications précises, ils commencent par parler la langue du pouvoir. Peu importe ensuite que ces formes résultent d’un jeu entre la base et les appareils syndicaux, ou qu’elles relèvent davantage d‘un processus d’auto-organisation (comme ce fut le cas avec les fameuses coordinations d’étudiants, de cheminots, d’infirmières) qui déborde les professionnels de la cogestion de la force de travail. Le rapport de force qui s’instaure entre deux adversaires qui se reconnaissent mutuellement et souhaitent parvenir à un accord repose là sur une logique très différente de celle d’un mouvement de rage ou de révolte qui pourrait déboucher sur une subversion des rapports sociaux en s’étendant.

Précisons enfin que ces mouvements démarraient généralement pour s’opposer à une mesure du pouvoir, et non pas pour arracher un peu plus que des miettes, voire pour contester des pans entiers de l’ordre social (ce qui avait pu être le cas en 1968). Bien sûr, les mobilisations collectives partent en général d’un quotidien, d’une situation matérielle concrète, et pas nécessairement de grandes idées sur le monde. Bien sûr aussi, on parle d’une période de forte restructuration où le compromis fordiste d’après-guerre qui consistait à obtenir des améliorations (salaire, conditions de travail, chômage ou congés) en échange de la paix sociale est fortement remis en cause au profit du capital. Il est donc clair que les mouvements sociaux sont plus enclins à tenter de sauver les meubles qu’à conquérir quelque chose de mieux. Ces différents éléments, qui expliquent à la fois le caractère globalement défensif de ces mobilisations et l’attachement à l’Etat comme médiateur illusoire du conflit capital/travail, ne devraient pas faire passer la forme (parfois « radicale » ) pour le contenu.

Juxtaposer volontairement les explosions des banlieues et les émeutes de fractions de la jeunesse avec les mouvements de grèves et d’affrontements de divers secteurs salariés, permet d’emblée d’évacuer une quelconque spécificité « radicale » qui serait réservée à une catégorie particulière de protagonistes de la guerre sociale. Mais cela permet surtout de souligner une tension autrement plus intéressante : à côté de ce mouvement revendicatif de salariés qui tendait essentiellement à préserver ses conditions de survie contre une dégradation constante, et qui aspire encore à une gestion de gauche du capitalisme, s’est en effet développé un autre mouvement, plus diffus, et qui a également pu croiser le premier.

Il est lié aussi bien à une rage contre un sort de misère sans fin (la figure souvent ressassée du fils d’immigrés de banlieue ou d’ouvriers de zones désindustrialisées promis à des emplois subalternes et précaires alternant avec le chômage), que plus généralement à une révolte contre un existant rétréci et carcéral. Certains ont en effet compris petit à petit sur leur propre peau qu’ils sont face à une guerre totale qui ne s’en prend plus uniquement à un aspect ou l’autre des conditions de vie, conditions qu’on pourrait encore changer ou réformer (chômage, racisme, éducation, police). Que c’est désormais le fait même d’exister qui est attaqué, le fait de faire partie de cette masse de pauvres superflus pour le processus productif et destinée à pourrir sur place.

Ce mouvement est redevenu plus visible à partir des années 90 et s’est beaucoup affirmé ces dernières années, mais il ne va pas non plus sans antagonisme entre ceux qui attendent encore quelque chose du pouvoir (un bon travail et une formation adaptée, une police respectueuse et une justice équitable) ou luttent avec ses catégories et limites (revendications, collectifs représentatifs, délégation), et les autres. Un antagonisme qui traverse également chaque individu, et fera que si la rage reste toujours présente, la révolte, elle, pourra selon les cas s’acheter contre des miettes ou conduire derrière les barreaux. 

« L’avenir semblait sombre et l’on était loin d’imaginer que le réveil viendrait des lycéens. On percevait cette génération comme sage et conformiste avant l’âge, coincée entre technologie et mode, respectueuse de l’autorité et qui, lors de mouvements passés, avait l’air soucieuse de demander « plus de crayons et plus de pions pour étudier dans de bonnes conditions » , sans remettre en cause les institutions. Bien obligé de reconnaître qu’on s’est gourré. Le mouvement lycéen dure depuis trois mois »
Quatre pages de Alertez les bébés, juin 2005

Autour de novembre 2005, il faut bien avouer que quelque chose a changé. Ou plutôt, comme dans une histoire qui avancerait par bonds, que des pratiques se sont à nouveau répandues : mobilité sauvage, affrontements sporadiques, diffusion de groupes affinitaires, une certaine complémentarité entre les modes de manifester. Comme si le mouvement des enragés s’était étendu, ou avait désormais contaminé une partie de ceux qui, jusqu’alors, n’avaient pas encore pris acte que bien peu parviendraient à se faire une place au soleil. Au cours de cette période, des espaces se sont réouverts en offrant, au-delà des formes spécifiques, un nouveau partage possible : que la rage commune devienne révolte.

Dès le printemps, soit quelques mois à peine avant novembre, l’ensemble du mouvement lycéen contre la loi Fillon développait des modes d’expression moins encadrés (manifestations sauvages en petits nombres, blocages mobiles d’axes routiers ou de gares), permettant à beaucoup de se et de s’y retrouver, mais aussi de créer une diversité de pratiques au-delà des occupations de lycées ou des pillages, comme à Gare de Lyon. Plus généralement, ces rencontres – ou plutôt cette cohabitation encore confuse entre une quelconque revendication et une rage qui n’a d’autre objectif que de foutre le bordel –, se sont depuis multipliées : en plus du mouvement lycéen du printemps 2005, on pourrait aussi bien citer les mois du printemps 2006 dans de nombreuses villes contre une énième réforme de l’enseignement, ou les jours d’affrontements de mai 2007 suite à l’élection présidentielle de Sarkozy.

Si la révolte de novembre 2005 marquera alors plus qu’avant la réouverture de nouvelles possibilités, ce ne sera pas tant au regard d’une perspective insurrectionnelle (vu sa limitation dans le temps et l’espace, ses limites en terme d’implication de catégories plus larges, et surtout celles liées à son absence de perspective en positif), que de l’intensification de la guerre sociale dans un contexte particulier. Il est temps à présent d’entrer un peu plus dans le détail. 

Une révolte généralisée des banlieues ? 

Tout le monde se souvient peut-être que la révolte est partie de la périphérie parisienne, à Clichy-sous-Bois, suite à la mort de Zyed et Bouna (17 et 15 ans) le 26 octobre 2005. Poursuivis par la police, ils se sont réfugiés dans un transformateur électrique, où ils ont été fulminés. Metin, caché avec eux, s’en est sorti malgré de graves brûlures. Cet événement n’a rien d’exceptionnel dans ces zones quadrillées par des flics qui n’hésitent pas à harceler la population à coups d’humiliations, de contrôles, de fouilles, de tabassages ou de tirs de flash-balls. Et la suite aussi aurait pu se dérouler comme à l’ordinaire : des voitures brûlées et des jets de pierres contre la police du coin, une marche organisée par les proches et forcément silencieuse (il paraît qu’en se taisant, on respecte les morts… et pas en les vengeant bruyamment), une éventuelle rencontre avec les autorités, quelques promesses à la famille (un boulot, un appartement) en échange d’un appel au calme. Et la vie de relégation qui continue comme si de rien n’était. 

OutOfControlPresque tout cela a eu lieu, mais l’histoire n’en est cette fois pas restée là. Les trois premières nuits, des centaines de personnes de Clichy affrontent les flics avec des pierres et des feux d’artifice, s’en prennent à la mairie ou à la Poste, aux voitures et aux abribus. La deuxième nuit, les CRS se font même tirer dessus. Dès la quatrième, les jeunes de la ville voisine de Montfermeil incendient le garage de la police municipale en solidarité, et dès la cinquième des voitures brûlent dans tout le département de Seine St Denis, tandis qu’éclatent des affrontements avec les flics. Au bout de dix jours, on ne compte plus les banlieues de toute l’Ile-de-France puis de tout le pays, du nord au sud (à commencer par Bègles, Orléans, Rouen, Roubaix, Evreux, Perpignan), qui rejoignent peu à peu le mouvement. Cette extension géographique se poursuivra tout au long de ces trois semaines. Le gigantesque incendie qui allait déchirer ces longues nuits est donc clairement parti de certaines banlieues dans un mouvement en spirale qui part de Clichy vers les villes voisines, puis s’étend au département et à la région, avant de toucher d’autres cités de France, et même des quartiers de Belgique ou d’Allemagne. Toutefois, simplement réduire ce mouvement à une « révolte des banlieues » serait une erreur, certainement liée à l’impression qu’ont laissée les premiers quinze jours. 

La banlieue n’est que le nom générique des quartiers périphériques des grandes villes. Il inclut donc aussi bien des banlieues de riches que de nombreuses zones pavillonnaires qui n’ont suivi la révolte qu’à la télévision, ou parfois dans la rue, mais souvent pour y effectuer des rondes citoyennes et empêcher l’arrivée d’hypothétiques « hordes de barbares » . Précisons aussi, pour les camarades étrangers, que les banlieues ne sont pas toujours à l’image de celles de la grande couronne parisienne, avec ses immenses barres concentrant des dizaines de milliers d’habitants isolés géographiquement au milieu de nulle part, et enfermés entre voies express, autoroutes et réseau ferroviaire. Des enragés ont ainsi pu profiter du fait que certaines cités ne sont pas toujours repoussées très loin des villes, comme à Lille ou à Toulouse, et qu’elles peuvent même s’inscrire dans une continuité urbaine qui offre de nombreuses possibilités incendiaires (comme dans le Nord ou en proche banlieue parisienne).

A l’inverse, de nombreuses banlieues de pauvres n’ont pas participé à la fête. Ce qui pose notamment question, c’est que des quartiers qui défraient régulièrement la chronique n’ont pas jugé bon (ou quasi pas) d’alimenter cette révolte, même à ses moments les plus intenses, et lorsqu’il était clair qu’elle allait durer. On pense ici à la deuxième ville du pays, Marseille, alors que beaucoup d’autres métropoles régionales étaient désormais concernées (Lille, Toulouse, Strasbourg, Nîmes, Lyon, Pau, Grenoble,…), et à un certain nombre de cités de la banlieue parisienne. Les tentatives d’explication relèvent certainement du cas par cas, bien qu’on puisse citer en vrac la prégnance de rapports mafieux liés à la gestion municipale ou aux différentes formes d’illégalismes, et de réelles difficultés pratiques, comme dans le cas de Paris intra-muros, où elles étaient littéralement blindées de keufs. Un autre élément, est qu’il existe également des zones où les émeutiers étaient trop isolés et trop connus d’un voisinage immédiatement hostile pour participer pleinement aux événements : si beaucoup d’habitants ont été clairement solidaires malgré les fameuses voitures qui partaient en fumée – sans quoi cette révolte n’aurait pu tenir aussi longtemps dans beaucoup d’endroits –, il ne suffit pas d’être pauvre pour être révolté, ou simplement partager la pratique de l’incendie volontaire, sinon on le saurait depuis longtemps. 

Enfin, et c’est là un des aspects fondamentaux de ce qui s’est passé en novembre 2005, elle s’est étendue au-delà des banlieues. Les journaux, bien inspirés par les comptes-rendus quotidiens des préfectures de police, avaient bien entendu intérêt à se focaliser jour après jour sur ces zones, afin de pointer la monstruosité de l’antagonisme. Une mise à distance rendue possible par la figure du sujet fantasmé de la révolte, une sorte de barbare hyper violent, sans rationalité, d’origine immigrée et… banlieusard. Pourtant, y compris à travers ses bilans quotidiens (en particulier dans la presse régionale), on trouve trace de nombreux incendies dans des villages ou des petites villes sans banlieues. De même, les compagnons noctambules dans des endroits excentrés ne sont pas rares à avoir croisé d’autres petits groupes au cours de leurs déambulations.

Car, en fin de compte, vu que le port de la casquette n’est toujours pas indispensable pour pouvoir se servir d’un briquet, qu’y aurait-il de si étrange à ce qu’une partie de la population s’approprie cette méthode universelle d’exprimer sa colère : le feu ? Et puisqu’aussi bien la pratique du sabotage sur les lieux de travail est une arme traditionnelle de la lutte de classe, ou que certains ouvriers n’ont pas hésité par le passé à incendier (ou à menacer de le faire) le fameux outil de production (Moulinex, Cellatex, ACT,…), qu’y aurait-il de si étonnant à ce qu’une partie d’entre eux se soit à son tour saisi de l’occasion ? D’ailleurs, parmi les personnes ayant malheureusement été condamnées pour avoir incendié des entreprises, plusieurs étaient, ou avaient été, employées de ces établissements. Et n’oublions pas non plus la somme de vengeances personnelles contre l’édile du village, le facho du coin, ou des services sociaux toujours plus chiches.

Au final, il est clair que les près de 10 300 véhicules incendiés (dont beaucoup appartenaient à des services publics, plus des bus cramés par parking entiers, des voitures d’entreprises de location ou de concessionnaires) et les centaines de bâtiments touchés (dont 233 bâtiments publics et 74 privés détruits) dans plus de 300 communes, selon des chiffres officiels certainement minimisés, n’ont pas concerné exclusivement des banlieues, ni été le fait exclusif d’incendiaires vivant dans ces zones. Si la révolte y a débuté, elle commençait à partir de la troisième semaine à s’enrichir de façon quelque peu intéressante de nouveaux complices. 

Un langage commun : la destruction 

« Ca a été les hélicoptères autour de nos têtes la nuit, le couvre-feu et pourquoi pas l’armée. Pour finir la guerre. Ou alors balancer du fric à toute la clique associative, des boulots de larbins pour faire patienter. Mais on ne quémande pas un boulot, c’est la vie entière que l’on veut bouffer »
C7H16, revue à numéro unique, 2006

Le dépassement des médiations traditionnelles et l’absence de revendication dans cette révolte a manifestement pas mal perturbé les spécialistes stipendiés pour disséquer la parole des autres. Certes, les micros ont bien trouvé ici ou là des bouffons, si possible labellisés « banlieue » , prêts à exposer leur idée sur ce qui pouvait bien motiver ce grand incendie apparemment sans queue ni tête. Mais leur réponse a souvent été si dérisoire que personne ne pouvait sérieusement y accorder quelque crédit. Ce qui a échappé à tous ces récupérateurs orphelins de mots est précisément ce lent mouvement qui courait depuis deux décennies, alimenté par l’existence croissante de pauvres qui non seulement ne se font plus d’illusions sur ce que ce monde peut leur offrir – expérience oblige –, et qui portent aussi en eux une rage et un dégoût qu’aucun mot ne suffit à contenir.

On nous a ainsi dit que les révoltés ne parlent pas, et pourtant leur révolte s’est répandue comme une traînée de poudre en quelques jours, parcourant des milliers de kilomètres. On nous a dit que les révoltés n’entendaient et ne comprenaient rien, et pourtant ils ont réussi à mettre en échec la police de villes entières nuit après nuit. Le langage du feu a donc été plus clair que cent paroles, et a été compris par des dizaines de milliers de personnes. Ce que novembre 2005 a alors montré de façon éclatante, c’est que lorsqu’existe un sentiment commun (même négatif) lié à une condition similaire, il n’est nul besoin de mots d’ordres (pas même un consensuel et démagogique « Sarko dégage ! » ) ou d’organisation collective formelle pour attaquer efficacement ; c’est que le langage peut très bien se passer de revendications pour se transformer en actes, et même en actes très ciblés et répétés à grande échelle.

Faute de le comprendre, certains sont allés à la pêche aux causes supposées de la révolte – baisse des subventions aux associations à tel endroit, manque d’embauche de personnes de la cité dans les zones franches, difficultés dans l’approvisionnement en cannabis, etc. –, sans pouvoir imaginer que les objectifs visés par les révoltés en disaient long : c’est l’ensemble des structures étatiques (commissariats et écoles, mairies et perceptions, centres culturels et Poste, transports et ANPE) et privées (zones franches et entrepôts, centres commerciaux et permanences politiques) qui ont été livrés aux flammes de façon continue.

Pendant ces trois semaines, il y avait quelque chose de bien plus fort que des revendications : l’affirmation sociale qu’il n’y a plus rien à améliorer dans ce monde, plus rien à réformer, mais tout à détruire. Que rien de ce qui nous est « offert » (le gymnase comme l’école, l’entreprise comme le supermarché) n’est à préserver, n’en déplaise à tous ceux qui refusent par exemple de voir l’oppression dans les « services publics » de l’Etat. Le rapport social qui s’est matérialisé à cette occasion était on ne peut plus clair : dans leurs pérégrinations, les dizaines de milliers de révoltés ne se sont de fait pas attaqués à une injustice ou à une inégalité particulières (l’urbanisme pénitentiaire, les assassinats policiers ou le racisme et l’exclusion des banlieusards), mais à tout ce qui produit leur condition même d’individus superflus, c’est-à-dire à l’ensemble d’un monde désormais placé sous le règle de l’atomisation et de la massification. 

Et si ce rapport a pu sembler radical, tant il ne recherche rien « en positif » (du moins pas sur la courte durée de cette révolte), ce ne fut ni par son degré de « violence » , ni pour ses conséquences sociales. Dans un monde basé sur la violence de l’exploitation et de la domination, on ne peut en effet pas vraiment dire que le degré de « violence » des révoltés soit un critère de radicalité. Quant aux conséquences sociales, sans préjuger du futur (c’est-à-dire des fruits et des rencontres acquis lors de cette expérience), c’est plutôt à l’isolement partiel de tous les révoltés de novembre auquel on a assisté. Son caractère radical, c’est plutôt la dimension générale qu’il a soulevé qui le lui a donné : celle d’une critique impitoyable de ce qui fait ce monde, une critique basée sur la destruction (non pas sur l’autogestion par exemple), et portée par la condition réelle de larges franges de la population pauvre, sans illusion. C’est même d’ailleurs ce qui a permis à des milliers d’autres de s’y retrouver, même si leur nombre est resté limité.

On notera aussi dans ce sens que malgré les nombreuses occasions qui se sont présentées, peu de commerces et d’entreprises ont finalement été pillés, et bien que cela puisse être une pratique banale dans la normalité de la survie quotidienne. La plupart ont été livrés aux flammes. Tout en se gardant d’interpréter cela avec des lunettes d’idéologues pour y voir un peu rapidement une franche critique de la marchandise (« le passage de la consommation à la consumation » comme disait l’autre à propos des émeutes de Watts de 1965), il n’en demeure pas moins que cette tension entre pillage et incendie a largement basculé en faveur du second au cours de ces trois semaines… L’existence même de cette tension, et sa conclusion provisoire éminemment pratique, en dit également assez long sur la critique sociale élaborée à ce moment-là, sans concertation, par l’ensemble des révoltés. 

Groupes affinitaires et incendie volontaire 

Le dernier point qu’il reste à aborder est donc justement celui des formes d’auto-organisation à l’intérieur de ce mouvement. Si nous parlons de révolte, et pas simplement d’émeutes classiques, c’est d’abord parce qu’elle a dépassé une zone et une fraction précise de la population, et ensuite parce que son contenu a dépassé l’opposition à quelques aspects limités de la domination pour s’en prendre à une condition d’existant plus générale. Mais c’est aussi parce que si l’émeute s’incarne traditionnellement dans des formes collectives comme de grands affrontements en face-à-face avec les flics ou des pillages et saccages de masse sur un territoire donné, force est de constater que se sont plutôt d’autres formes qui ont prévalu cette fois. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il y a eu relativement peu de flics blessés, à peine 224 sur les 11 700 déployés, et par contre beaucoup d’incendies. Et même là où ces affrontements ont eu lieu (Clichy/Montfermeil, Toulouse, Grigny, Lyon, Aulnay,…), il ne s’agissait plus tant de tenir un endroit pour affirmer la force de son quartier face aux autres ou pour prendre le temps de s’organiser, mais de développer une « guérilla urbaine » dont l’objectif principal était de blesser un maximum de bleus (guets-apens, tirs d’armes à feu). L’exemple le plus abouti en la matière se déroulera deux années plus tard à Villiers-le-Bel suite à deux nouveaux morts (15 et 16 ans), lorsque 118 flics seront blessés par 81 tirs d’armes à feu en à peine deux nuits (25 au 27 novembre 2007).

Ces autres formes se sont développées en s’adaptant d’un côté aux maigres possibilités laissées par l’ennemi dans les quartiers mêmes (le déploiement policier de nuit et l’occupation permanente de jour suite au couvre-feu), et de l’autre en fonction de l’emplacement des objectifs choisis par la plupart des révoltés. Une fois détruit tout ce qui pouvait l’être immédiatement (c’est-à-dire pas grand chose dans ces zones là), des voitures aux rares commerces et matériel urbain, et ne pouvant tenir frontalement face à des uniformes qui gagnaient en agilité comme en supériorité numérique et matérielle nuit après nuit, l’intelligence collective s’est en effet spontanément orientée vers la mobilité et la multiplication des groupes autonomes. Si on a déjà vu comment cela a pu modifier la teneur des affrontements lorsqu’ils se sont produits, la conséquence principale de ces pratiques fut que les centaines de groupes qui ont délaissé la défense quasi militaire et centralisée de leur territoire (à laquelle voulaient les acculer les flics) sont partis répandre l’incendie à des kilomètres de là : dans les zones franches peuplées d’entrepôts et dans les zones commerciales, dans les parties accessibles des petites villes avoisinantes et dans les cités administratives.

Si ces formes sont bien sûr restées collectives, elles ont été généralement plus organisées autour de petits groupes diffus d’individus mobiles que par vagues d’émeutiers concentrés. Groupes alors logiquement plus volontiers auto-organisés par affinités (comme copains de bahut ou de foot) que par « bandes ethniques » , selon le cliché raciste en vogue. Lorsqu’il s’agit de porter l’attaque plus loin de ses bases, ce qui était souvent le cas des plus âgés des révoltés (les petits s’exerçant à l’inverse à multiplier les incendies de véhicules et les dégradations), les rapports de confiance, d’amitié et d’expérience commune dépassent rapidement ceux de simple cohabitation forcée ou de fausse appartenance. Ajoutons à cela que d’autres groupes et individus d’âges divers, plus isolés ou habitant simplement des zones différentes, ont à leur tour alimenté un peu partout le débat en cours en arpentant des endroits plus inattendus (des lieux de production – comme ce studio de production télévisuelle abritant les décors de TF1 à Asnières/Seine –, à ces voitures de police garées dans l’enceinte du palais de justice de Bordeaux). 

Avec son armada de CRS et de gendarmes pour « saturer le terrain » , ses mesures administratives (état d’urgence, couvre-feu pour les mineurs, interdiction de la vente au détail de carburant et sans pièce d’identité) et ses unités mobiles de BAC pour serrer les émeutiers en action, le premier bilan de la répression ne pouvait qu’être pesant : en octobre 2006, le ministère de l’Intérieur revendiquera près de 4 700 arrêtés en « flagrant délit » , plus 1 300 dans le cadre d’enquêtes judiciaires après les événements. Celui de la Justice se vantera de 1 328 incarcérations (dont 108 mineurs, plus 494 présentés à un juge pour enfants).

Pour donner quelques exemples de peines, de types de délits et de la diversité des villes, voilà un triste tableau qui parle de lui-même : 2 mois ferme plus 6 avec sursis pour des jets de projectiles à Bobigny le 31 octobre, 8 mois ferme pour jets de projectiles à Toulouse le 7 novembre, plusieurs condamnations de 8 à 12 mois ferme pour violence volontaire à Evreux le 7 novembre, deux condamnations à 8 mois et 1 an ferme pour fourniture d’essence à des mineurs à Nanterre le 8 novembre, deux condamnations à 4 mois ferme pour l’incendie d’une voiture à Nancy le 8 novembre, deux condamnations à 3 et 4 mois ferme pour fabrication et transport d’un molotov à Nantes le 8 novembre, 13 mois ferme pour jet d’un engin incendiaire contre un tram à Grenoble le 10 novembre, 1 an ferme pour incendie d’un transformateur EDF à Vallauris le 10 novembre, 2 ans ferme et deux fois 18 mois ferme pour trois incendiaires d’un bâtiment public à Caen le 14 novembre, 4 ans ferme pour incendie de deux grands magasins (But et St Maclou) à Arras le 15 novembre, 3 ans ferme pour destruction au molotov de trois bus à Vienne le 17 novembre, 2 ans ferme et 1 an avec sursis pour l’incendie de treize voitures à Cholet le 18 novembre. D’autres procès liés à la révolte de novembre 2005, souvent encore plus pesants, se dérouleront plusieurs années après. Un des cas le plus emblématique des peines distribuées par la suite dans l’indifférence générale est peut-être ces émeutiers du quartier de Pontanézen, à Brest, dont trois seront condamnés à 6 ans, 2 ans et 18 mois en appel le 31 mars 2009, accusés d’avoir tirés sur des flics le 7 novembre. Un quatrième, en fuite, prendra quant à lui 4 ans ferme dans la même procédure pour l’incendie d’une école maternelle.

Quant aux fameux étrangers, dont Sarkozy agitait l’expulsion en cas d’arrestation le 9 novembre, ils seront 83 à être incarcérés (soit la même proportion qu’ils représentent dans la population, 6 %) et quelques uns finiront pour l’exemple baîllonnés et menottés à l’arrière d’un avion, dont un Malien de 22 ans le 3 février 2006, et un Béninois de 20 ans le 25 février. Cela n’empêchera pas toute la propagande de continuer à se déchaîner, jouant volontiers sur diverses catégories d’ennemis intérieurs créés à dessein, pour continuer d’assimiler « racaille » à banlieusard, banlieusard et immigré, et pour boucler la boucle, immigré à terroriste en puissance. 

Novembre 2005 et la question de l’insurrection 

« Si la violence devait seulement nous servir à repousser la violence, si nous ne devions pas lui assigner des buts positifs, autant vaudrait renoncer à participer en anarchistes au mouvement social, autant vaudrait se livrer à sa besogne d’éducationniste ou se rallier aux principes autoritaires d’une période transitoire. Car je ne confonds pas la violence anarchiste avec la force publique. La violence anarchiste ne se justifie pas par un droit ; elle ne crée pas de lois ; elle ne condamne pas juridiquement ; elle n’a pas de représentants réguliers ; elle n’est exercée ni par des agents ni par des commissaires, fussent-ils du peuple ; elle ne se fait respecter ni dans les écoles ni par des tribunaux ; elle ne s’établit pas, elle se déchaîne ; elle n’arrête pas la Révolution, elle la fait marcher sans cesse ; elle ne défend pas la Société contre les attaques de l’individu : elle est l’acte de l’individu affirmant sa volonté de vivre dans le bien-être et dans la liberté »
La revue anarchiste, 1922.

A l’aune de tous ces éléments, un constat s’impose : ce mouvement de révolte ne correspond plus au vieux mouvement ouvrier et à la vision passée de l’insurrection. Dans nos classiques anarchistes, on avait en effet d’un côté la théorie d’une classe qui devait à la fois s’affirmer pour se confronter au capital, tout en étant obligée de se nier en tant que telle pour l’abolir, et d’un autre côté des individus qui s’organisaient en son sein pour lancer des insurrections en profitant de rapports de force moins défavorables, comptant y parvenir à travers leur côté exemplaire et le partage de leurs objectifs. Le langage y tenait une part importante (propagande orale et écrite, armée ou non), et les terrains susceptibles de mener au point de rupture restaient divers : radicalisation de revendications ouvrières, agitation autour de la vie chère, fraternisation de la troupe avec des révoltés, prise de territoire,… Or, à présent que les révoltes qu’il nous est donné de vivre ici et qui portent un contenu radical (et non pas uniquement des formes) sont plus mues par une rage ou un dégoût, bref par une négativité, que par une aspiration commune qui ferait de la destruction du vieux monde un moment d’ouverture (nous ne parlons bien entendu pas de l’horreur d’un programme), peut-on encore les analyser de la même manière ?

Si on suit l’esquisse de définition de la présentation du dossier de ce numéro, ce qui différencierait une révolte généralisée d’une insurrection serait notamment le fait de porter « un rêve révolutionnaire » , le rêve d’un monde autre, de développer une critique sociale qui contienne les germes de la société future. Si on pense par exemple en partie aux insurgés de 1848, à ceux de la Commune de Paris en 1871, aux Espagnols de 1936 et d’avant, aux partisans dans de nombreux pays en 1944/45, ou encore aux insurgés de Budapest en 1956, il est clair que c’est aussi en positif qu’ils se battaient : on pourrait dire que c’était pour un monde d’égalité et de liberté, de partage et justice pour reprendre leurs mots. Ce qui a changé depuis, ce n’est certainement pas la domination, qui continue de semer la misère et la mort aux quatre coins de la planète au nom du profit de quelques uns. Ses derniers développements techno-industriels l’ont même conduit à pénétrer nos corps et à ravager la terre de manière irréversible, tout en faisant planer une menace de catastrophe majeure permanente, avec par exemple la multiplication d’installations nucléaires.
Alors ? Ce qui a changé dans les paradis marchands de la démocratie occidentale, c’est non seulement le degré d’aliénation et d’adhésion à ce système, produisant une relative pacification sociale, mais c’est surtout la difficulté à imaginer un monde différent : il n’y a par exemple plus de communautés paysannes ou de classe ouvrière, c’est-à-dire de commun, pour en poser les bases. Il ne reste que le négatif, l’opposition à la communauté du capital à partir d’elle-même, c’est-à-dire détruire tout ce qui nous fait exister en tant qu’exploités. Expression de ce négatif à l’œuvre, le mouvement de novembre 2005 nous en montre à la fois des limites et des possibles. Car s’il n’a pas été un classique mouvement de banlieues, bien qu’il en soit parti, il n’a pas été non plus un mouvement pré-insurrectionnel. Il a plutôt été une révolte sociale diffuse qui s’est épuisée faute de participants, de temps et d’espace. 

Sa courte durée n’a d’évidence pas permis à bon nombre de personnes de rejoindre cette révolte, ni d’y développer d’autres formes que la destruction incendiaire nocturne. Un dépassement de ses composantes sociales initiales (jeunes de périphéries urbaines, chômeurs, révoltés) était certes en germe, mais quelques semaines semblent manifestement un laps de temps encore trop court pour qu’une partie de ceux qui pouvaient partager ses raisons ne se décident à l’investir. D’autre part, cette même limite qui n’était évidemment pas du fait des révoltés, a aussi explosé à la face de tous ceux qui, tout en ne se retrouvant cette fois pas dans les formes développées en novembre, n’ont pas réussi à y apporter des contributions par d’autres moyens (manifestations, grèves, occupations, sabotages, perturbations). En fin de compte, cela ne reflète que trop clairement la profondeur du désastre de l’atomisation (avec qui prendre des initiatives ?) et de la perte d’autonomie (comment organiser quelque chose, et quoi ?), qui sont une des marques de notre dépossession.

Cette dimension temporelle comporte également un second aspect, qui n’est pas immédiatement réductible la durée : la transformation du temps social en un moment de rupture, afin qu’il cesse d’être uniquement celui de la concurrence, des obligations et de l’ennui, et qu’il devienne – même provisoirement – celui d’une liberté qui permet l’imagination pratique et l’enthousiasme projectuel, la discussion et l’auto-organisation. Pour disposer de ce temps différent, il faut l’arracher aux impératifs sociaux. Par exemple, même sans penser que la grève sauvage générale est encore un préalable nécessaire, on ne peut négliger qu’elle a permis en mai 1968, volens nolens, à des millions de personnes de rompre avec la routine de la survie et de commencer à « être au-dessus de soi-même » . Lorsqu’on parle de briser le cours de la normalité pour créer ce temps nécessaire, cela signifie donc d’abord provoquer une rupture avec le rythme quotidien du capital, celui du salariat, de l’école ou de la télévision.

Les transformations et restructurations de l’appareil productif conjuguées au progrès de la domestication éloignent désormais toujours davantage les possibilités d’une paralysie, même partielle, par la grève générale illimitée. Par contre, vu que des masses de pauvres ne sont plus tant liés ici par leur concentration dans de vastes bagnes industriels ou sur leurs territoires attenants, il n’est pas étonnant que la piste du blocage (des rues, des gares, des axes de contournement des villes ou des zones marchandes) se voit réexplorée dans les luttes un peu partout à travers le monde, des piqueteros argentins aux paysans grecs. Si peu de révoltés se sont attaqués en novembre 2005 à la circulation des marchandises et aux infrastructures qu’elles impliquent, on verra par contre cette pratique se développer juste après, lors du mouvement du printemps 2006, dont le blocage de l’économie était d’ailleurs devenu un des axes de lutte. 

Un autre aspect crucial qui a manqué à cette révolte pour qu’elle déploie toutes ses ailes, a été l’émergence d’un nouvel espace social, qui seul peut commencer à briser les séparations, les rôles et les hiérarchies. Il serait ainsi vain de cacher une limite de ce mois de novembre 2005, qui fut la reproduction des rôles sociaux. Bien sûr qu’une grande partie des zones concernées sympathisait avec la révolte (pour offrir protection, ravitaillement ou mobilité aux émeutiers), mais cela eut lieu sans que les rôles hommes/femmes, parents/enfants ou grands/petits frères soient par exemple beaucoup remis en cause. De la même façon, les séparations artificielles créées, alimentées et reproduites entre les exploités ont été peu dépassées, ce qui a largement permis au pouvoir d’isoler les protagonistes initiaux de la révolte en jouant de tous les clichés et de toutes les peurs. Surtout, cela a empêché nombre d’exploités critiques de se reconnaître dans cette révolte, malgré la clarté des cibles visées.

L’irruption d’un nouvel espace social, compris comme terrain d’expérimentations et de rencontres inattendues, et pas uniquement comme espace physique lié à une libération de territoires, est d’importance cruciale. Si on part en effet du constat précédent du « négatif » où la seule communauté qui reste est celle du capital, le signe de tout début d’émancipation effective sera dans l’amorce du bouleversement de ces rôles et séparations, c’est-à-dire à travers une subversion des rapports sociaux. Même si chacun part forcément de ce qu’il est, l’extension de la révolte signifie non seulement que nombreux sont celles et ceux qui s’y reconnaissent au-delà des catégories, mais aussi que s’instaure une dialectique réelle entre ces différents révoltés. Et pour que cette dernière se produise, au-delà du temps arraché qui permet auto-organisation et début de projectualité, il y a nécessité d’un espace de confrontation. Si on a souvent entendu que, dans un monde totalisant, attaquer un de ses nœuds revient immédiatement à toucher l’ensemble, la rupture du cours de la normalité en offre un exemple supplémentaire : dès le commencement d’une révolte, le blocage des transports routiers et ferroviaires, ou la perturbation des transmissions électriques (des commerces, administrations, entreprises), numériques et aériennes (des radars, téléphones, radios/télévisions) offre aux insurgés à la fois la possibilité d’accélérer le temps historique et de provoquer l’ouverture de cet espace qui lui sont vitaux.

Dans un monde qui pousse sans cesse à la guerre civile, une grande partie de la population se raccroche encore à l’Etat dans l’espoir de préserver le peu qu’il lui reste. En novembre 2005, les rencontres permises par l’intensification de la guerre sociale et qui peuvent aboutir à une révolte généralisée se sont peu produites. En décembre 2008 en Grèce, elles se sont cherchées. Dans les deux cas, on a assisté à une explosion de rage qui est devenue révolte, mais l’extension sociale de cette dernière s’est à chaque fois heurtée à ce même manque de temps et d’espace, oxygène indispensable pour une subversion des rapports sociaux. Ce qui a peut-être manqué dans les deux cas est alors ce petit rien qui n’a guère trouvé de partisans, malgré la quantité d’incendies volontaires : la rupture avec la routine de l’exploitation pour une grande partie de la population, suite au sabotage conséquent d’infrastructures de transport et de communication. 

Une question reste toutefois encore en suspens : le passage de révoltes généralisées à l’insurrection, c’est-à-dire le dépassement du seul négatif contre certains aspects de la domination, et « le rêve d’un monde autre » .

Exceptés quelques contextes spécifiques où une continuité du mouvement révolutionnaire et une histoire particulière des luttes rendent encore cette aspiration possiblement diffuse, les seuls projets critiques « en positif » semblent désormais être plus du côté de la réaction : le retour à un Age d’Or (incarné dans des formes communautaires précoloniales ou précapitalistes qui n’ont jamais eu un goût très prononcé pour la liberté des individus), ou une restauration de la peste religieuse (véhiculée par certaines sectes protestantes comme par les tenants d’un islam radical).
Face à cela, certains pourraient se rassurer en se disant que le problème de la révolte de novembre 2005 a plus concerné sa généralisation que son contenu (bien que limité), et que c’est donc dans cette direction qu’il faut creuser pour chercher un « positif » commun et émancipateur. Cependant, on ne peut pas dire que nous nous trouvions en France dans une période d’intense conflictualité – les années 70 sont loin –, et cette révolte reste pour l’heure assez exceptionnelle.

On peut bien aussi affirmer qu’une des questions à soulever n’est pas tellement « pourquoi ça a explosé ? » mais plutôt « pourquoi ça n’explose pas plus souvent ? » , il demeure que la domination prend toujours plus d’avance sur l’antagonisme, ce qui lui permet par exemple de multiplier les mesures préventives (extension de la vidéosurveillance, formes d’incarcérations toujours plus diversifiées et massives, pénalisation plus lourde d’ « incivilités » et création de nouveaux délits, augmentation incessante de gardiens de paix sociale, préparation à des interventions conjointes police/armée). Qui plus est, expérience historique et lucidité sur les expressions contemporaines de rage obligent, on sait bien que la tension guerre civile/guerre sociale traverse toute la société, mais aussi chaque individu : dans une situation d’émeute, le meilleur comme le pire peut se produire, et une même personne peut accomplir l’un comme l’autre en fonction des moments et des situations.

La révolte de novembre 2005 en France ne nous laisse pourtant pas tout à fait orphelins, y compris si l’observation de la conflictualité – au moins en Europe – nous porte plutôt à parier sur une dissémination d’émeutes, c’est-à-dire sur un antagonisme privé de projectualité qui peut exploser dans n’importe quelle direction. Elle offre même une hypothèse précieuse aux analystes du réel les plus pessimistes : le négatif de la révolte n’a pas été entièrement rattrapé par ce que d’aucuns réduisent au nihilisme de la domination. Mieux, si l’explosion de novembre n’était pas l’exception qui confirme la règle mais l’expression encore balbutiante du retour d’une critique sociale radicale de tous les aspects de l’existant (le rêve en moins), il reste sérieusement envisageable, au moins ici, de penser œuvrer au sein du négatif en vue de maintenir et de partager nos rêves. Ce n’est pas le retour des Cosaques, mais un horizon qui reste accessible : celui d’une révolte diffuse qui pourrait peut-être se transformer en une forme d’insurrection encore inédite, si elle parvient à rencontrer suffisamment d’espace et de temps. Un espace et un temps que les anarchistes peuvent certainement contribuer à approfondir s’ils ne renoncent ni à leur éthique individuelle face à des situations de révolte toujours plus ambiguës, ni à leur projectualité au nom de la complexité des formes actuelles de la domination.

[Paru dans A Corps Perdu, revue anarchiste internationale, Paris, août 2010.]

Notes

[1] Où les informations ont certes manqué, mais où la déformation produite aussi bien par le prisme télévisé que par certains textes disponibles n’a pas aidé. Nous pensons notamment à l’Espagne avec les fantasmes de Miguel Amorós (La cólera del suburbio in Golpes y contragolpes, ed. Pepitas de calabaza & oxigeno, Logroño, décembre 2005, pp. 83-95) et à l’Allemagne avec les inepties journalistico-sociologiques parues dans Banlieues. Die Zeit der Forderungen ist vorbei, Assoziation A, Berlin/Hambourg, septembre 2009, 280 p.

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Deux poids, deux mesures

De l’onanisme en milieu militant

Avec la même unanimité que l’on peut voir aujourd’hui pour encenser les emeutiers grecs, après les émeutes urbaines de 2005 en France, un cortège de communiqués ont condamné les violences. Les émeutiers, ici, sont des « irresponsables », des « inconscients » qui « se tirent une balle dans le pied » et se mettent « les leurs » à dos. Les leurs ? Voici le meilleur moyen de souligner la séparation entre « les militants » qui pondent leurs analyses tranquillement installés dans leurs sièges au coin du feu et ceux, que beaucoup d’entre eux s’amusent à appeler « les masses », qui elles s’insurgent en foutant le feu.

Suite à la mort de Bouna et Zied, la révolte était au mieux « compréhensible », mais ce n’était pas la « bonne » révolte, LA révolte « politisée » (celle qui aboutirait à la Révolution Sociale), et les cibles n’étaient pas les bonnes non plus ; foutre le feu oui, mais pas à l’école primaire de la ville, pas aux associations de « grands frères » chargées d’assurer la médiation, pas à la voiture du voisin prolétaire, pas à la bibliothèque du quartier, pas aux entreprises qui amènent « l’égalité des chances » dans les banlieues parce que faire « cela » revenait à un suicide politique.

Mais était-ce vraiment le choix des cibles qui démangeaient nos révolutionnaires franchouillards ? On se pose la question quand on voit les réactions de ces mêmes personnes lorsque le même type d’événements a lieu en Grèce , mais cette fois, lorsqu’ils sont « produits » par des personnes qui ajoutent un A cerclé et autres signes de reconnaissances tribaux sur les murs (comprenez : « par des gens déjà conscientisés »).

Dans le premier cas, il s’agit « d’irresponsabilité », dans l’autre, c’est « l’insurrection qui vient ». Ce qui semble cristalliser l’attention de nos révolutionnaires dans ces émeutes à l’étranger, c’est le folklore militant.
En effet, la France est un des pays où ont lieu le plus d’émeutes urbaines, et ce depuis le début des années 80 (depuis Vaulx en Velin en 79). Encore il y a peu, Vitry-le-francois, Roman-sur-Isere, Villiers-le-Bel, Grigny, La Courneuve, Les muraux etc. ont explosé. Mais personne aux balcons, finalement, c’est devenu si commun de se révolter dans les banlieues…
Seulement, dans ces milieux, l’exotisme règne. La France, ses banlieues pourries, ses « racailles obsédées par l’argent facile et le bizness » et sa « jeunesse dépolitisée » contre la Grèce, son soleil, ses îles fleuries et ses black blocs photogéniques.

Ces « analyses » militantes créent donc une hiérarchisation entre les explosions de rage régulières des banlieues et celles, plus sporadiques, comme à Oaxaca ou en Grèce. Ils reconnaissent donc à certaines populations le privilège d’être le ou les « sujets révolutionnaires », tandis que d’autres restent, à mot couvert, des avatars modernes du lumpenprolétariat, incapables d’aller au delà de la révolte. Car les révoltes, dans leurs esprits, ne sont bonnes qu’à être le prélude du Grand Soir, ou d’un hypothétique processus révolutionnaire, ce qui revient au même.

Une étrange compétition semble alors s’installer, entre ceux et celles qui ne feraient « que » cramer la voiture de leur voisin, l’école de leur petit frère ou le bureau de poste de leurs parents, et ceux qui ont déjà tout compris, ceux qui s’en prennent directement aux symboles du Pouvoir. Pourtant, les cocktails Molotov sont de même facture, et une école qui brûle reste une école qui brûle, d’Ithaque à Aubervilliers.

Il est bien plus facile pour un libertaire, un trotskiste ou n’importe quel autre gauchiste de s’identifier à un étudiant de classe moyenne, déjà actif dans les mouvements sociaux et surtout, affublé des mêmes symboles folkloriques qu’à un individu qui n’a pas la même « culture politique » et qui d’ailleurs n’a pas forcément attendu de lire l’intégrale de Bakounine pour foutre le feu à ce monde. La rage spontanée des pauvres, elle, n’a rien de folklorique ; elle n’est ni esthétique ni pompée d’un manuel commercialisé à la Fnac.

Dans les divers commentaires à propos des révoltes en Grèce, on a pu lire que le Pouvoir se chiait dessus, qu’il était à deux doigts de vaciller, que l’insurrection se propageait à vitesse grand V, et autres projections fantasmées. Faux, la révolte était somme toute balisée, elle est restée dans un cadre « classique », connu par les forces de l’ordre, et ce , quelque soit le nombre de banques cramées. Si l’insurrection venait vraiment, ce ne serait pas des grenades lacrymogènes que l’Etat enverrait, mais l’armée.
En 2005 par contre, peu après les premiers tirs en direction de la police et le relatif retour au « calme », une note interne des renseignements généraux décrivait la situation comme « insurrectionnelle ». En effet, dans cette note de huit pages de la D.C.R.G. nommée « crise des banlieues : violences urbaines ou insurrection des citées ? » on pouvait lire : « la France a connu sous forme d’insurrection non organisée avec émergence dans le temps et dans l’espace, une révolte populaire des citées, sans leader et sans proposition de programme » et ce, en totale contradiction avec leur ministre de tutelle de l’époque. La note rajoute : « aucune manipulation n’a été détectée, permettant d’accréditer la thèse d’un soulèvement généralisé et organisé ». Cette fois-ci, la France s’est véritablement chiée dessus, dans des proportions incomparables avec d’autres crises « politiques » comme le CPE. Le déploiement des hélicoptères de surveillance et les mesures de couvre-feu en témoignent. Le 8 novembre, De Villepin décrète l’Etat d’urgence, autorisant ainsi les préfets à mettre en place des mesures « exceptionnelles », alors même que le « calme » était peu à peu en train de revenir.

Le but de ce texte n’est pas de minimiser une révolte ou d’en maximiser une autre, mais de mettre les militants face à leurs contradictions. Pourquoi eux se permettent-ils de maximiser ou de minimiser, et selon quels critères ? Nous nous foutons des symboles, la seule chose qui importe dans une émeute, c’est la rage qui la guide, et non les « capacités pré ou post-révolutionnaires » de ceux qui la font [1]. Mais se réfugier dans le fantasme exotique d’une insurrection en Grèce permet de ne pas trop se mouiller ici, et de redorer un blason terni par des actes manquants. Pour nous, condamner une émeute de banlieue -sous un prétexte fallacieux ou un autre- équivaut à condamner une grève sauvage, une attaque de keufs ou l’incendie d’un centre de rétention ; c’est nier la révolte qui anime les enragéEs, en faisant d’eux des objets d’études sociologiques qui, pour se faire, doivent nécessairement adopter un point de vue extérieur et distant, voir condescendant. Assis au coin du feu, le révolutionnaire a tout le loisir de pondre d’imposantes réflexions qui feront autorité et montreront la voie à ceux qui eux, n’ont pas que ça à foutre.

Solidarité avec les incarcérés de 2005 comme de 2008.

Lundi 29 décembre 2008

Notes

[1] Il est évident par ailleurs que nous ne serons jamais solidaires d’une émeute conduite par des ennemis, ou par n’importe quel groupe ayant l’intention de s’emparer du pouvoir ou de commettre des massacres, cela va sans dire.

Textes publiés sur non-fides.fr

 

[Besançon] Raquer pour se déplacer dans cette ville-prison ? Y’a pas moyen !!

[Cette affiche est apparue dans les rues de Besançon début février 2015 alors qu’une pétition lancée par des comités de citoyens circule depuis plusieurs semaines contre cette nouvelle hausse de prix et la dégradation générale des services des transports (péri)urbains depuis l’arrivée du tramway. Il ne sera pas question ici de faire pression sur ceux qui administrent nos vies pour un « service de meilleure qualité » ou « la gratuité des transports », car ce serait s’en remettre à la délégation et au pouvoir. D’autant plus que derrière la mise en circulation du tramway en septembre dernier, ce même pouvoir transforme petit à petit cette ville en prison à ciel ouvert et en centre d’attraction pour riches et touristes. Optons plutôt pour l’auto-organisation et l’action directe contre tous les promoteurs de ces projets nauséabonds.]

YapasmoyenRaquer pour se déplacer dans cette ville-prison ? Y’a pas moyen !!

Au 1er janvier 2015, les tarifs des lignes urbaines de transport GINKO, exploitées par Besançon Mobilités (filiale de TRANSDEV) ont augmenté de 10%, faisant passer le ticket «1 aller» de 1,30 à 1,40 euros.

Parallèlement à cette énième hausse, l’entreprise a lancé une campagne contre la fraude, multipliant affichages et annonces sonores aux stations et à l’intérieur des trams. Pour les bus, la direction peut compter sur ses chauffeurs qui obéissent aux doigts et à l’oeil à ses ordres, soit en empêchant l’accès, soit en appelant directement les contrôleurs. Bientôt, les policiers municipaux viendront s’ajouter aux contrôleurs, en patrouillant dans les bus et les trams.

Pourquoi refuser de payer ?

Parce qu’on n’a pas à payer pour se déplacer !

Parce que subvenir à nos besoins vitaux (manger, se loger, s’habiller…) nous coûtent déjà bien assez cher !

Parce que Besançon Mobilités peut retracer dans le détail nos déplacements, étant donné qu’une puce est désormais placée à l’intérieur des cartes d’abonnement nominatives !

Parce que la mise en circulation du tramway a permis au pouvoir de bâtir petit à petit une ville-prison, mais également de chasser les pauvres du centre-ville. La restructuration urbaine qu’a « nécessité » le chantier du tram a d’une part permis de faciliter le travail aux agents de la répression : intensification de l’éclairage de l’espace urbain; destruction des zones franches, surveillance accrue du fait de l’omniprésence des caméras aux abords du tracé… D’autre part, cela a été un bon prétexte pour embourgeoiser le centre-ville, notamment du fait de l’augmentation des loyers situés à proximité, de l’expulsion des populations indésirables à ce monde de fric par le biais de l’installation de mobilier urbain anti-squat et de la prolifération de magasins et restos chics, ainsi que des logements haute-gamme en construction: pour exemple, rien que sur l’avenue fontaine argent – qui est entièrement désservie par le tram – sont prévus l’immeuble luxueux « Dôme Impérial », géré par le promoteur immobilier SEGER (le bureau de ventes est situé en face au n°19; l’agence au 2, rue Larmet) et le « Domaine St-Vincent » (entre le n°23 de l’avenue et la rue Chopard) qui est construit et géré par le groupe DE GIORGI (on peut le trouver au 128, rue de Belfort)

Esquiver la répression et/ou y répondre…

Depuis la rentrée 2014, « Infos controles – Ginko Besançon » permet de localiser en temps réel les contrôleurs lorsque l’on se déplace dans les transports. Le seul souci, c’est qu’il faut avoir un portable connecté à internet et un compte facebook, mais si vous en avez un, n’hésitez pas à rejoindre le groupe ! Les contrôleurs sont identifiables de par leurs tenues et se déplacent dans un véhicule blanc de type berlingo floqué du sigle ‘Ginko’. Les reconnaître et les signaler quand ils pointent leurs sales tronches, c’est se donner des armes pour résister ! Les distributeurs de tickets, présents à chaque arrêt de tram, restent vulnérables face à notre imagination… Avec de la colle, de la mousse expansive, de la peinture… Ou toute substance qui pourrait enrayer l’économie de cette entreprise et la contraindre momentanément à la gratuité.

Reçu par mail le 4 février 2015

[Hambourg] Chaque expulsion a son coût !

Chaque expulsion a son coût ! Attaque à la peinture de l’agence de „Bauverein Reiherstieg“ in Hambourg- Wilhelmsbourg !

tacheLe 26 janvier 2015, Heiko a été expulsé de son domicile au Otterhaken 10 dans le quartier Wilhelmsbourg* à Hambourg. Il était depuis bien longtemps un obstacle pour la société de logements « Bauverein Reiherstieg » en raison de sa mobilisation contre la hausse des loyers et pour plus d’implication des locataires. Puisque Heiko a payé son loyer en retard à plusieurs reprises, il devait maintenant partir.

Près de 200 personnes solidaires ont tenté d’empêcher cela. L’expulsion a été retardé de 90 bonnes minutes. Malheureusement, les flics ont réussi ensuite à passer par la porte à l’arrière du bâtiment avec l’aide de BFE, et la cage d’escalier avait été bloquée par les soutiens qui ont ensuite été violemment expulsés. Tout cela au nom de la « Bauverein Reiherstieg ».

Le 26 janvier, l’agence commercial avait été fermée pour des raisons de sécurité. Des jours avant et après l’expulsion, des gardiens se relayaient devant. Depuis quelques jours, il a probablement été estimé que plus aucune protection de la propriété soit nécessaire, mais ce fut rien. Dans la nuit du mardi 3 février au mercredi 4 février 2015, nous avons embelli la façade de l’agence «Bauverein Reiherstieg eG» (Georg-Wilhelm-Straße 127a à Wilhelmsburg) avec six boules de peinture.

Nous souhaitons montrer par cette action notre solidarité à Heiko et à tous les autres qui sont / ont été / seront visés par l’expulsion !

Chaque expulsion doit être empêcher à tous les niveaux par tous les moyens !

Nous espérons que le « Bauverein Reiherstieg » ne mènera plus d’expulsion, sinon nous reviendrons !

Groupe Anti-expulsions

Traduit de linksunten, 4 février 2015 à 16h13

Note:

* Dans ce même quartier d’Hambourg, le ministère du développement urbain et de l’environnement, situé au Neuenfelder Straße 19, avait été attaqué avec le même procédé dans la nuit du mardi 26 au mercredi 27 août 2014. En plus des tâches de peinture sur le bâtiment, « Combattons le capitalisme » avait été tagué sur la porte d’entrée du bâtiment. Le communiqué de l’action, revendiqué par « des opposants à la gentrification autonomes », évoque l’embourgeoisement croissant du quartier Wilhelmsburg, qui est en voie de se transformer en un « nouveau quartier tendance ». Et rappelle que la gentrification et la rénovation urbaine qui a eu lieu pendant des années dans le secteur d’Altona a principalement touché la quartier Schanzenviertel.

[Besançon] Les aménagements de la mairie pour rétablir la surveillance aux ‘408’…

ELECTRICITÉ – APRÈS LES COUPURES SAUVAGES EFFECTUÉES SUR LE RÉSEAU D’ÉCLAIRAGE PUBLIC

408: une solution lumineuse

OutOfControlDEPUIS LA DERNIÈRE coupure d’électricité, qui a affecté la circulation du tramway, en milieu de semaine dernière, le calme règne dans le quartier de La Grette. Depuis des mois, les incidents étaient pourtant quasi quotidiens. Ces coupures sauvages effectuées sur le réseau d’éclairage public étant destinées à plonger dans le noir les caméras de vidéosurveillance qui gênent le trafic de stupéfiants. Si la police a fort à faire avec la grosse poignée d’énergumènes qui se livrent à ces dégradations, la Ville ne reste pas les bras croisés. Après avoir étudié toutes les possibilités pour mettre fin à ces exactions à répétition, il a été décidé de reconfigurer l’éclairage public du secteur.

Déjà, depuis quinze jours, plusieurs projecteurs ont été installés sur les immeubles, rendus ainsi inaccessibles, et alimentés en courant par une autre voie. Ce programme va se poursuivre avec l’installation de poteaux d’éclairage en bétons de douze mètres, alimentés en aérien, sur une source différente que celle alimentant le quartier. Ce qui devrait au moins rendre infiniment plus délicat, toute tentative d’intervention délictueuse sur le réseau.

source: est répugnant, Fred Jimenez (03/02/2015 à 05h00)