Archives par étiquette : Ni police ni charité

[Besançon] Action de soutien aux migrants

abattonslesfrontieresEntre samedi à dimanche, nous sommes passé.e.s chez deux responsables de la machine à expulser.

D’abord, nous avons fait un tour au local PS, où les tags « Solidarité avec les migrants » et « No borders » ont été inscrits sur les murs et la façade aspergée d’huile de friture. C’est bien sûr une réponse à leur politique migratoire, qui s’est dernièrement illustrée par exemple lors du « démantèlement » de la jungle à Calais ou de l’évacuation des migrants de « Stalingrad » à Paris.

On n’a pas oublié que les uniformes qui gèrent les expulsions ne sont pas tous bleus. C’est donc logiquement que nous avons repeint les vitres du local de la Croix-Rouge par « Collabo des rafles » et « Remballez votre charité ». Rappelons juste qu’elle gère un grand nombre de centres de rétention en Italie et organisent les rafles aux côtés de la police à Vintimille.

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[Paris] Emmaüs contre la solidarité : procès en appel le 3 octobre

EmmausCes derniers jours plusieurs personnes ont été convoqué-es ou ont reçu des convocations au commissariat à la suite de manifestations de solidarité avec les migrants. Depuis le début de la lutte des migrants, en juin 2015, l’État cherche à invisibiliser et disperser les migrant-es tout en réprimant la solidarité. De nombreuses personnes solidaires en ont fait les frais que ce soit à la frontière italienne, à Calais ou à Paris.

Au cours de l’été 2015, à Paris, après de nombreuses évacuations de campement, de plus en plus de migrant-es se retrouvent dans des centres d’hébergement gérés par des associations humanitaires, Emmaüs, Aurore, France Terre d’Asile… Très vite, les migrant-es se voient confrontés à de nombreux problèmes : absence de suivi de leur demande d’asile, de nourriture, de transport, interdiction des visites et parfois, personnel raciste et méprisant. Dans ces centres, les personnes sont totalement dépossédées de leur vie et privées de toute autonomie.

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[Allemagne] Attaques contre l’AWO, collabo notoire de la gestion et des expulsions de sans-papiers

Ce qui suit sont deux communiqués d’attaque qui se sont déroulées ces derniers jours à Berlin et à Brême. Parmi les cibles de ces actions directes, il y a une entreprise qui s’enrichit sur le dos des prisonniers et de leur enfermement. Mais ces deux textes (et ces deux attaques) sont surtout dirigés contre un organisme, l’AWO, qui gère l’hébergement des migrants en Allemagne et participe activement à la machine à expulser. « Arbeiterwohlfahrt » est une association caritative qui fournit divers services à domicile, gère des écoles maternelles, des camps de vacances, des hôpitaux psychiatriques, des centres d’accueil, des foyers d’hébergement….

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[Paris] Sans-papiers ? Réfugiés ? Contre le tri et le dépotoir humain

Contre le tri et le dépotoir humain

arton4697-83ef7Vous avez déjà entendu parler du fait qu’il y a à peu près 4000 personnes arrivant actuellement en Europe par jour. Vous avez peut-être déjà aperçu les campements à La Chapelle, à côté de la Gare d’Austerlitz, au Jardin d’Éole, à la Halle Pajol et en d’autres lieux de Paris. Si vous y regardez attentivement, vous avez peut-être pris conscience des expulsions menées par la Mairie de Paris, par ses flics, avec toute l’aide indispensable de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (l’OFPRA), d’Emmaüs, de France Terre d’Asile, des Verts et des autres qui ont pour but d’humaniser le tri des êtres humains que le pouvoir prend pour des déchets. Si votre sens de l’empathie n’est toujours pas éteint face à la poubelle qui nous est attribuée dans ce dépotoir qu’on appelle le capitalisme, peut-être vous vous en êtes indignés, peut-être avez vous même bougés votre cul pour amener de la bouffe, des vêtements ou des médicaments pour ces gens qui n’ont pas tout à fait terminé leur voyage vers l’inconnu, poussés par le désir de fuir un enfer bien familier… On ne peut que saluer la volonté de briser l’indifférence qui côtoie chaque enfermement et chaque expulsion, toujours plus ou moins violents. Dans une telle ville, ou personne ne vaut plus que sa soumission déguisée en « sympathie », on ne peut qu’appuyer toute tentative d’affirmer qu’il s’agit d’individus qu’on laisse pourrir dans la rue. Et pourtant, l’affaire se renverse lorsqu’on apprend à l’exprimer dans la langue du pouvoir…

Car aujourd’hui on nous apprend que si l’on veut être sympa, il faut « accueillir les réfugiés ». Mais que veut dire « réfugié » ? Selon la Convention de Genève de 1951, c’est une personne protégée par l’État accueillant, à cause de la crainte, avec raison, d’être persécuté dans son pays natal. Et qui c’est qui décide si l’on a raison ou non d’avoir peur ? Bah l’État ! Pour obtenir ce qu’on appelle « le droit à l’asile », il faut donc être en danger, et être capable de le prouver avec des documents l’attestant. Donc pour l’être avec raison, il faut que le pouvoir donne sa bénédiction. Même si on dort sous le claquement des armes, il n’y a pas de guerre avant que les Nations Unies ne le décident. Même si tu es à deux doigts de mourir, il faut en avoir une preuve convaincante. Et si l’on crève, il est préférable de le faire en grands nombres pour impressionner les puissants aussi bien que l’opinion publique dont ils dépendent (ou pas).

Mais même si ta misère a fait une bonne impression aux puissants, on va te faire ramper à genoux. Car l’État et les marchands qu’il sert ne balancent pas des « cadeaux » pour rien. C’est un échange, tu vois. Il y a tout un tas de boîtes qui t’attendent à bras ouverts, et ton taf pour trois fois rien va certainement booster l’économie. Et si t’en es pas content, on te fera goûter à nouveau à ton enfer natal, à côté de celles et ceux qui sont triés comme des déchets, parfois recyclables, parfois non. Et il y en aura tant qu’il y aura des frontières. De ceux qui, aux yeux de l’État, ne méritent pas d’être accueillis et qui n’ont donc pas le dit « droit » de ne pas crever sur un barbelé, de ne pas crever sur une autoroute à Calais, de ne pas se noyer dans les eaux turques, grecques ou italiennes comme du bétail négligeable.

Face à la « crise des migrants », pendant laquelle les autorités Européennes se sont décidées, obligées par l’opinion publique, à accueillir un certain nombre de réfugiés, la France, et notamment l’OFPRA, a déjà commencé le tri entre ceux qui sont « en urgent besoin de protection » et ceux qui, selon eux, ne le sont pas ou pas assez, sur une échelle de menace quantifiable en fonction des intérêts géopolitiques du pouvoir et du cours du baril de pétrole. Pour ces derniers, les conséquences sont claires, ça va sans dire. Récemment, pendant une occupation qui a lieu au lycée Jean-Quarré, dans le XIXe, la Mairie a demandé aux migrants de lui livrer une liste de noms distinguant les demandeurs d’asile des sans-papiers (à jamais, on peut supposer), et tout ça en échange d’un hébergement d’urgence (pas pour les sans-papiers, on peut le deviner…).

Malheureusement, en se déclarant solidaires des « réfugiés », on est implicitement complices de cette division et de tout ce qui va avec. On perpétue le tri qui justifie le harcèlement, les rafles, l’enfermement et l’expulsion de ceux qui n’ont pas leurs papiers en règle. En se proclamant solidaires avec une catégorie qui ne peut être définie que par le pouvoir, on est forcement complice de la chasse à l’homme qu’il mène contre les « habituels » sans-papiers et les exclus du « droit d’asile ». « Réfugié » n’est donc pas un synonyme de « migrant ». C’est un terme qui a pour but à la fois de cacher et de justifier la terreur contre les migrants qui ne sont pas sélectionnés par l’État pour devenir ses précieux réfugiés. C’est un terme du pouvoir pour diviser les exploités entre eux, fabriquer des figures de « gentils » (réfugiés, aisés dans leurs pays, de préférence chrétiens, etc.) pour expulser tranquillement les « méchants » (sans-papiers, misérables d’ici comme de là-bas, qui viennent manger le pain de « nos » lardons). Dans un monde qui n’a plus aucun sens, où chacun se recroqueville sur sa petite parcelle d’identité, crever de faim n’est plus un critère suffisant pour recevoir hospitalité et solidarité. Et quelques larmes devant des photos sensationnelles ou la signature d’une pétition suffisent à se donner bonne conscience pendant que la machine à expulser continue son business de mort aux coins de nos rues. Car la misère de ceux qui errent sur cette terre n’est pas une question « humanitaire » ; elle est consciemment produite par l’État et ses marchands, et rendue acceptable par ses gestionnaires pour qui il s’agit d’un business comme un autre. C’est ce que nous appelons « machine à expulser ».

« Réfugié » est donc un mot du pouvoir qui n’a qu’un seul but : séparer les exploités, leur faire croire que leurs intérêts ne sont pas les mêmes, et créer des classes parmi les « méchants » sans-papiers, au-dessus desquels triompherons les « gentils » réfugiés, que la France prendra en charge à perte comme à profit, avec l’humanisme triomphant de la patrie des droits de l’homme et du barbelé. Et quel sort réservera-t-on à ces « sans-papiers » qui ne sont pas éligibles à l’asile ? Le même que d’habitude : Misère, exploitation, centres de rétention et expulsion. Survivre, ça se mérite !

Le problème, ce n’est pas un manque de papiers ou de titres à donner. Non, le problème, c’est qu’on délègue la décision quant à qui les mérite. Car tant qu’il y aura des papiers, il n’y en aura pas pour tout le monde. Tant qu’il y aura des frontières, il y aura ceux qui périront en essayant de les traverser. Tant qu’il y aura des États, cette chasse à l’homme effectuée par ses larbins continuera.

Notre lutte n’est donc pas pour les réfugiés – même s’il ne s’agit en aucun cas de culpabiliser ceux et celles qui en ont obtenu le titre. Notre lutte est contre tous les États et contre leurs frontières qui ne peuvent que mutiler, enfermer et tuer. Un titre de séjour est une manière comme une autre de se démerder dans un monde de merde, mais il n’est pas ce à quoi on aspire. Dans un monde où des papiers équivalent le droit d’exister, imaginer des « papiers pour tous » est impossible. C’est pourquoi nous luttons pour un monde où ils n’auront plus aucune valeur.

Vous nous reprochez d’être trop peu réalistes ? Bien, en l’occurrence, être « réaliste » consiste à perpétuer le massacre tout en cachant ses véritables raisons. Face à une telle réalité on préfère agir tout de suite pour que nos rêves d’aujourd’hui s’en emparent demain.

Liberté pour tous et toutes, avec ou sans papiers.

Pour un monde sans frontières, sans flics et sans gestionnaires de la misère.

Sabotons la machine à expulser !

septembre 2015,

Des anarchistes.

Lire / Téléchager le tract au format PDF

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[Tract trouvé dans les rues de Paris, septembre 2015.]

 

Ni Etat ni charité : solidarité active avec tous les sans-papiers !

Ci-dessous un tract qui a été diffusé à près de 200 exemplaires lors du rassemblement intitulé « Refugees Welcome » samedi 12 septembre, durant lequel les orgas et partis d’extrême-gauche se sont ramenés vendre leurs idéologies…

Ni Etat ni charité :
solidarité active avec tous les sans-papiers !

Dans ce monde, nombreux sont ceux qui fuient les conditions de misère, de guerre, de persécutions religieuses de toutes sortes engendrées par le capitalisme, le nationalisme, la religion et les Etats.

Si le pouvoir met actuellement sur le devant de la scène médiatique le soi-disant « accueil » réservé aux « réfugiés » syriens et kurdes fuyant les assassins de Daesh, c’est pour mieux cacher à la population le sort qui attend ici tous les autres sans-papiers: rafles, expulsions, détentions dans les CRA avant l’expulsion vers leurs pays d’origine.

Pourtant, l’opération de comm’ de la gauche concernant « l’accueil » de migrants est une vaste fumisterie. Sa politique oscille entre la carotte et le bâton : entre ceux qui pourraient bénéficier – de manière aléatoire et selon les quotas en vigueur – de « l’asile politique » et du statut de « réfugiés » car originaires d’un pays en guerre et les autres qui, faute de papiers, seront livrés à la clandestinité, à la police ou aux organismes de charité (Croix-Rouge, Emmaüs…) qui gèrent leur misère, leur enfermement et leur expulsion.

Ca fait déjà des mois qu’à Paris les migrants et leurs soutiens sont en proie à la répression policière, à laquelle les partis de gauche participent en diffusant la pacification et leurs promesses de politicards, se font expulser à chaque occupation de bâtiments vides ; qu’en Seine-Saint-Denis les municipalités PCF expulsent les camps de Rroms et de sans-papiers ; qu’à Calais des barrières métalliques recyclés du dernier sommet de l’OTAN ont pour but de repousser les migrants qui souhaiteraient passer outre-Manche par tous les moyens possibles au péril de leurs vies (11 sont morts depuis juin dernier) ; qu’entre Vintimille et Menton la police rafle et expulse les sans-papiers avec la collaboration matérielle et logistique de la Croix-Rouge (italienne) ; qu’à Besançon la mairie envoie depuis plusieurs années ses flics municipaux pour expulser les Rroms qui tentent de survivre dans le parc de la gare Viotte, pour chasser les gens du voyage du terrain de la ‘Malcombe’, etc …

Il faut donc que circule dans les médias et sur les réseaux sociaux la photo d’un enfant migrant retrouvé mort sur une plage pour que s’émeut le citoyen. Pourtant, plus d’un millier de migrants ont péri dans la Méditerranée rien que cet été. Tout cela n’a rien d’un problème humanitaire. La mort des migrants aux frontières de l’Europe et de ses Etats fait partie d’un quotidien qui ne peut être toléré. Ici, nombreuses sont les entreprises et institutions qui les exploitent (dans la restauration, le nettoyage, etc..), qui les balancent aux flics (BNP Paribas, La Poste, Pôle Emploi…), qui collaborent à leur enfermement dans les centres de rétention (SODEXO, COFELY GDF SUEZ, DE RICHEBOURG, …), qui les expulsent (Air France, SNCF…), etc…

Le cœur du problème se trouve dans l’existence de ce monde de fric, d’Etats et de leurs frontières, de leurs flics et de leurs prisons. Alors cessons de nous larmoyer. Révoltons-nous !

Le tract a été traduit en anglais également

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Quelques affiches vues en août et en septembre de cette année

[Reçu par mail]

Rien à mendier et à aménager. Tout à prendre et à détruire !

Réflexions au sujet de la récente loi contre le gaspillage alimentaire adoptée à l’assemblée et les diverses illusions gauchistes qui foisonnent dans nos milieux.

expropriationEn mai 2015, l’assemblée nationale a voté et adopté une loi contre le gaspillage alimentaire, concernant essentiellement les grandes surfaces de supermarché [1]. Celle-ci interdit aux patrons des grandes enseignes de jeter aux ordures les denrées alimentaires « périmées » (mais pour la plupart encore comestibles). A première vue, on pourrait s’arrêter à l’aspect positif d’une telle loi. Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la totalité de la nourriture est destinée aux marchands de misère [2] des associations caritatives, tels que Emmaüs, la Croix-Rouge, le Secours Populaire/Catholique… Comme pour toute loi, l’Etat en tire des intérêts considérables, principalement celui de laisser le soin aux associations humanitaires de gérer la misère.

La première idée qui pourrait nous venir à l’esprit est celle que la récup’ serait rendue davantage difficile par l’acheminement rapide des denrées « périmées » dans les camions frigorifiques de ces organismes. Mais il serait naïf de penser que la criminalisation de celles et ceux qui vont récupérer de la bouffe s’estompera avec cette nouvelle loi car c’est l’acte d’auto-détermination qui est puni par l’Etat. Confier la distribution aux organismes caritatifs lui permet de leur déléguer une mission précieuse : la gestion et le flicage des pauvres. Mais l’action humanitaire de ces associations a pour but principal de mettre un pansement sur les saignées que nous infligent cette société et ainsi calmer les pauvres et assurer la paix sociale. Le travail de sous-fifre de la police par ces organismes (Croix-Rouge, Emmaüs, France Terre d’Asile…) est désormais connu, notamment en matière de fichage des indésirables dépourvus de papiers (comme cela a récemment été le cas lors de l’expulsion d’un camp de sans-papiers de La Chapelle à Paris). Ces mêmes organismes humanitaires qui gèrent les camps pour sans-papiers ont également pour but de hiérarchiser les demandes d’asile et ainsi diviser les migrants. Mais revenons au sujet.

Dans les cercles militants, il n’est pas rare d’entendre que la récup’ est différente du vol car les produits récupérés seraient « invendus », « gaspillés » (cheminement logique de la production au sein du système capitaliste) et que ça ne s’attaquerait finalement pas directement aux porte-feuilles des patrons (ce qui en soit montre une certaine forme d’hypocrisie et de lâcheté quand la personne en question se dit être « anti-capitaliste »). Pourtant, la récup’ est pour le capitaliste la même chose que du vol. De son magasin jusqu’à sa poubelle s’étend sa propriété.

A l’heure actuelle, alors que les préoccupations de nos militants anticapitalistes et libertaires sont de monter des AMAP, de faire des jardins potagers [3] et ainsi cultiver l’alternative dans un monde qui nous écrase, la nouveauté du moment est la récup’ dans les poubelles : c’est ce à quoi aspire le collectif ‘Foodsharing’, créé en 2012 en Allemagne et qui trouve écho du côté de Rennes [4]. Leur principe est de mettre en relation des gens pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Présenter ça comme quelque chose de révolutionnaire, fallait oser ! Pire, ce collectif se vante de collaborer avec les commerçants, ces « camarades » bien connus de nos luttes. Voici les termes qu’il emploie : « C’est avant tout un travail que l’on fait avec les commerçants et pas contre les grands méchants capitalistes. L’opposition binaire manichéenne commerçants/glaneurs n’a pas toujours lieu d’être, et c’est plus efficace de saisir le problème à bras-le-corps collectivement. Avec l’émergence de ce concept-là, il devient clair que chacun est concerné par le gaspillage alimentaire, autant le consommateur que le revendeur, lui-même consterné de devoir légalement jeter chaque soir ses propres produits en quantités grotesques. ». En mettant en avant les problèmes techniques de l’application de cette loi, ce collectif de « sauveurs de bouffe » (et de l’existant) a comme objectif de faire concurrence à l’Etat et ses organismes humanitaires et donc de venir au secours de la domination.

Un exemple pour le moins significatif s’est produit au niveau local :
Fin décembre 2014 à Besançon, le petit milieu militant s’est indigné du fait que deux SDF se sont retrouvés face au taser du patron d’un ‘Casino Shop’ au moment de se servir dans sa poubelle, ce qui lui a valu de finir en garde-à-vue chez les flics. Cette récup’ s’étant passée en pleine période de Noël – propice à la fois à la consommation de masse et à la charité chrétienne, le tract-affiche de solidarité [5] qui a circulé juste après visait à condamner l’attitude du commerçant, de ses protecteurs armés de la BAC et gratte-papiers de la presse locale avec un ton cherchant à susciter l’indignation citoyenne, mais aussi sur le fait qu’au fond, il n’y avait rien de mal à aller récupérer des produits jetés à la poubelle. Comme si voler dans les rayons des supermarchés était un acte marginalisé qu’il ne faudrait surtout pas encourager. Du coup, nos chers libertaires, si attachés à la morale, défendent les bons pauvres qui fouillent humblement dans les poubelles, mais qu’en est-il pour ceux – les mauvais pauvres – qui volent dans les rayons ou attaque le vigile [6]? Pour notre part, la solidarité doit s’exprimer envers chaque acte allant dans le sens de l’auto-détermination et de la révolte quel qu’il soit.

L’Etat lutte bel et bien contre le gaspillage alimentaire – thème si cher à nos partisans de la récup’ – et redistribue aux pauvres les restes des riches par l’intermédiaire de ces charognes humanitaires, rouages utiles du pouvoir.

Cette loi est somme toute sociale et finalement bien digne d’un Etat social-démocrate: Etat dans sa volonté de contrôler les pauvres – qui peuvent être imprévisibles – et gérer la misère sociale que l’économie et l’Etat créent eux-mêmes, dans un contexte toujours plus propice à l’expropriation; Social-démocrate dans sa bonté caritative qui parcoure les mythes du gauchisme radical. Et au fond paternaliste, c’est à dire toujours aussi autoritaire mais qui tente de faire participer les exploités à leur propre exploitation.

Pour le code pénal, la récup’ dans des poubelles et le vol s’équivalent. Pourtant, la première est socialement acceptée (même si, comme on l’a vu, il subsiste des exceptions), vu que ce sont les surplus, autrement dit les miettes que les riches laissent aux pauvres. En nous donnant quelques miettes, le pouvoir garde justement sous contrôle la pression de la cocotte minute sociale. Mais pour nous, en tant qu’anarchistes, le but est exactement que celle-ci explose.

Pourquoi mendier auprès des humanitaires  ou adopter une démarche citoyenne? Autant se servir directement dans les magasins et si cela n’est pas possible, aller prendre la bouffe là où elle est.

Cependant, nous savons bien que voler dans les magasins (qu’il soit individuel ou collectif), tout comme le fait de squatter [7], sont insuffisants dans une perspective révolutionnaire: ce n’est qu’une façon de se débrouiller et de survivre dans ce monde de merde .

exproQuelques expropriations collectives de supermarchés ont eu lieu en France lors de grands mouvements sociaux, sans vraiment attaquer la propriété et la marchandise qui va avec. Mais celles qui se sont déroulées ces dernières années en Grèce (ou ailleurs), avec dans la foulée des distributions dans les quartiers alentours marquent une rupture révolutionnaire avec cette pratique expropriatrice la plupart du temps appelée ‘auto-réduction’. En juin 2010, on se souvient que l’une d’elles s’était soldée par la destruction incendiaire de l’argent stocké dans les caisses et le sabotage des caméras de surveillance de l’enseigne. Piller et détruire est une phase supplémentaire dans notre volonté concrète de rompre définitivement avec cette société. Mais nous avons encore en tête les images de centres commerciaux en flammes lors de la révolte urbaine de novembre 2005. Alors impulsons dans ce sens, plutôt que de promouvoir une quelconque forme de misérabilisme, de charité et d’alternative.

Pour la destruction de ce monde et l’auto-détermination de nos vies !

Des anarchistes.

Notes:

[1] Les petites et moyennes surfaces semblent sortir de ces « obligations ». Leurs poubelles seront donc toujours aussi remplies…

[2] Pour citer – un fait qui vient directement à l’esprit – l’incendie du foyer d’immigrés du boulevard Auriol (XIIIème arr.) à Paris en 2005, faisant 17 morts. Cet immeuble de plusieurs logements, anciennement réquisitionné par le DAL, était au moment de l’incendie géré par l’association ‘France Euro Habitat (Freha)’, affiliée à Emmaüs. L’Etat avait confié la gestion à cette association caritative et les travaux de rénovation ont été assurés par l’entreprise ‘Paris Banlieue Construction (PBC)’. L’organisme de charité se faisait du fric sur la misère des familles immigrés, qui ont fini par périr dans l’incendie de ce bâtiment vêtuste (qui n’avait pas été remis aux normes).

[3] La mode du moment est à l’AMAP pour Besançon, aux jardins-potagers pour Dijon. (L’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est le quartier des Lentillères à Dijon, où les terres sont occupées et cultivées depuis environ cinq ans contre un projet d’éco-quartier de la municipalité. En somme, c’est une reproduction de l’idéologie zadiste avec tous ses travers (préserver l’existant et ne surtout pas s’en prendre à l’existant). D’ailleurs, ce n’est pour rien que ces militants ont très mal accueilli la manif émeutière qui a secoué Dijon après la mort de Rémi Fraisse, ou lorsque des tags décorent régulièrement les murs du quartier…) C’est faire le choix de l’alternative quand les villes se transforment en prison, de délaisser les luttes contre l’Etat et le capital qui oppriment nos vies. Au passage, ces pratiques qui s’apparentent plus à des « services » sont déjà utilisées par les bobos qui s’installent dans les quartiers autrefois prolétaires. A la différence près que ceux-ci n’entendent aucunement lutter contre ce monde d’oppression et d’exploitation.

[4] Ce texte, intitulé « La révolution des poubelles » est consultable ici : https://nantes.indymedia.org/articles/31858. Décidément, ce genre de textes citoyens abondent sur les indymedia. Celui de grenoble nous a pondu une perle : https://grenoble.indymedia.org/2015-08-12-Les-vieux-reacs-memes-aux-pieds-de (mais le commentaire qui se finit par « Mort au gauchisme, vive l’anarchie ! » en dessous le critique suffisamment pour y consacrer quelques lignes.

[5] On peut aller le consulter ici : https://cntbesancon.files.wordpress.com/2015/02/soutien-glaneur.pdf

[6] Pour exemple, encore à Besançon. Lundi 3 février 2014, un SDF est pris en flag’ de vol d’une bouteille d’alcool à Monoprix. Ce dernier ne se laisse pas faire, menace le vigile avec un couteau et revient quelques minutes après avec une bombe lacrymo et lui asperge la gueule. Il est envoyé en taule pour 4 mois le lendemain en comparution immédiate.

[7] La récup’, le vol comme le squat sont des pratiques de la « débrouille ». Squatter ne signifie pas lutter contre l’Etat et le capital. Ca montre surtout une volonté de ne pas se résigner à subir la misère dans laquelle la domination nous jette quotidiennement. Bon nombre de squats cultivent  l’entre-soi, restent cloisonnés à leur contre-culture. Leurs principales activités se limitent la plupart du temps à organiser des concerts de soutien ou des bouffes, de Paris à Marseille.

[Zürich] Quand les chiens de garde de l’Etat dorment …

leurs niches s’enflamment.

Chaque jour, des personnes sont exposées à la face répressive de l’Etat, souvent mortelle. Ca fait 16 jours que plus de 950 réfugiés ont été entrainés vers la mort dans la mer méditerranée par les frontières militarisées de l’Europe. La compassion hypocrite des politiciens a été du théatre amateur inégalé. Car ce sont eux qui contraignent structurellement les gens à fuir leurs pays d’origine et à mettre leur vie en jeu pour les pressions capitalistes. La lutte annoncée contre les groupes de passeurs est une autre farce humanitaire hypocrite qui logiquement n’amorce pas la racine du problème qu’est le pouvoir.

Cette cause n’est pas simplement abstraite, elle saute aux yeux chaque jour dans toutes les parties du monde à travers l’exploitation et l’oppression de la nature, de l’animal et de l’individu. Pour imposer ce pouvoir, l’Etat a besoin de ceusx qui exécutent la violence, qui contôlent, surveillent, humilient, enferment. Concrètement, ce sont les flics, les , les entreprises de sécurité privée, les contrôleurs de tickets, les gardes-frontières, FRONTEX , les militaires, etc…
Ils sont les chiens de garde de l’Etat et responsables des noyades en mer méditerranée, des suicides en prison, comme fin avril à l’aéroport de Zürich ou il y a quelques jours à Zürich. Des quartiers entiers sont militarisés le 1er mai [1], de sorte que l’absurdité perdure chaque jour.

Il est donc important de désigner ces bâtards d’autoritaires et mettre fin à leurs activités ! Le 4 mai, le feu a été bouté au comico de la 6ème circonscrition à Zürich, afin de les toucher quand ils ne s’y attendent pas.

Solidarité avec les réfugiés, pour que les frontières de l’Europe soient abattues !

Solidarité avec les prisonniers, pour que les murs soit définitivement détruits !

Traduit d’indymedia switzerland

NdT:
[1] En marge du cortège officiel du premier mai, une manifestation s’est tenue à Helvetiaplatz. Les 200 manifestantEs ont été encercléEs dés le départ par un immense contingent de flics anti- émeute, les empêchant de déambuler dans les rues du centre-ville. Les keufs se sont faits bombardés de peaux de banane, de pétards et de bouteilles. 58 personnes ont été détenues brièvement le temps d’un contrôle d’identité.

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Deux agences bancaires attaquées à la peinture lors de la manif du 1er mai à Zürich

Contre la charité – Une critique du « Food not bombs »

par Feral Faun, USA (date inconnue)

charityFnBDans de nombreuses villes des États-Unis, des anarchistes ont organisé des repas « Food Not Bombs ». Les organisateurs de ces projets expliqueront que la nourriture doit être gratuite, que personne ne devrait jamais avoir à souffrir de la faim. Certes, un sentiment honorable… auquel les anarchistes répondent de la même manière que les chrétiens, les hippies ou les gauchistes – en montant un organisme de charité.

On nous dira, cependant, que « Food Not Bombs » est différent. Le processus décisionnel utilisé par les organisateurs est non hiérarchique. Ils ne reçoivent aucune subvention du gouvernement ou des entreprises. Dans de nombreuses villes, ils servent leurs repas comme un acte de désobéissance civile, au risque de se faire arrêter. De toute évidence, « Food Not Bombs » n’est pas une bureaucratie humanitaire à grande échelle, en fait, c’est souvent un effort très boiteux… mais c’est une oeuvre de charité – et cela n’est jamais remis en question par ses organisateurs anarchistes.

Les oeuvres de charité sont une partie nécessaire de tout système économique et social. La rareté imposée par l’économie crée une situation dans laquelle certaines personnes sont incapables de satisfaire à leurs besoins les plus élémentaires par les voies normales. Même dans les pays dotés de programmes de protection sociale très développés, il y a ceux qui passent à travers les mailles du système. Les oeuvres de charité prennent le relais là où les programmes d’aide sociale de l’Etat ne peuvent pas ou ne veulent pas aider. Des groupes comme « Food Not Bombs » sont donc une main-d’oeuvre bénévole aidant à préserver l’ordre social en renforçant la dépendance des pauvres à des programmes qui ne sont pas de leur propre création.

Peu importe à quel point le processus décisionnel utilisé est non-hiérarchique, la relation est toujours autoritaire. Les bénéficiaires de la charité sont à la merci des organisateurs du programme et ne sont pas libres d’agir selon leurs propres termes dans cette relation. Cela peut être vu dans la façon humiliante dont on reçoit la charité. Les repas de charité comme ceux de « Food Not Bombs » exigent que les bénéficiaires arrivent à un moment qu’ils n’ont pas choisi, afin de faire la queue pour recevoir une nourriture qu’ils n’ont pas choisie (et le plus souvent mal faite) dans des quantités distribuées par un bénévole qui veut faire en sorte que chacun reçoive une part équitable. Bien sûr, c’est mieux que d’avoir faim, mais l’humiliation est au moins aussi grande que celle de faire la queue au supermarché pour acheter de la nourriture que l’on veut réellement et que l’on peut manger quand on veut. L’engourdissement que nous développons face à une telle humiliation – un engourdissement mis en évidence par le cas de certains anarchistes qui choisissent de manger aux repas de charité tous les jours afin d’éviter de payer pour la nourriture, comme s’il n’y avait pas d’autres options – montre à quel point notre société est imprégnée de ces interactions humiliantes. Pourtant, on pourrait penser que les anarchistes refuseraient de telles interactions dans la mesure où cela relève de leur pouvoir de le faire et de chercher à créer des interactions d’un autre genre, afin de détruire l’humiliation imposée par la société. Au lieu de cela, beaucoup créent des programmes qui renforcent cette humiliation.

Mais que dire de l’empathie qu’on peut ressentir pour un autre qui souffre d’une pauvreté qu’on ne connaît que trop bien, du désir de partager la nourriture avec les autres ? Des programmes comme « Food Not Bombs » n’expriment pas l’empathie, ils expriment la pitié. Distribuer de la nourriture ce n’est pas le partage, c’est une relation hiérarchique et impersonnelle entre un rôle social de « donneur » et un rôle social de « bénéficiaire ». Le manque d’imagination a conduit des anarchistes à faire face à la question de la faim (qui est une question abstraite pour la plupart d’entre eux) de la même manière que les chrétiens et les gauchistes, en créant des institutions qui sont parallèles à celles qui existent déjà. Comme on peut s’y attendre quand les anarchistes tentent de faire une tâche intrinsèquement autoritaire, ils font un travail mauvais comme la pisse… Pourquoi ne pas laisser le travail de charité à ceux qui n’ont pas d’illusions à ce sujet ? Les anarchistes feraient mieux de trouver des moyens de partager individuellement si ils sont si émus, des moyens qui encouragent l’auto-détermination plutôt que la dépendance et l’affinité plutôt que la pitié.

Il n’y a rien d’anarchiste dans « Food Not Bombs ». Même le nom est une demande faite aux autorités. C’est pourquoi les organisateurs utilisent si souvent la désobéissance civile – c’est une tentative de faire appel à la conscience de ceux qui sont au pouvoir, pour les amener à nourrir et héberger les pauvres. Il n’y a rien dans ce programme qui encourage l’auto-détermination. Il n’y a rien qui puisse encourager les bénéficiaires à refuser ce rôle et commencer à prendre ce qu’ils veulent et ont besoin sans suivre les règles. « Food Not Bombs », comme toute autre oeuvre de charité, encourage ses bénéficiaires à rester des récepteurs passifs plutôt que de devenir des créateurs actifs de leurs propres vies. La charité doit être reconnue pour ce qu’elle est : un autre aspect de l’humiliation institutionnalisée inhérente à notre existence économisée, qui doit être détruit afin que nous puissions vivre pleinement.

Traduction publiée dans la revue anarchiste apériodique Des Ruines n°1