Archives de catégorie : Critiques & réflexions

Tous en rang ?

1-160Pendant qu’en Italie les mass-médias se plaignent parce que quelques heures de rage contre des banques, des magasins et des voitures dans quelques rues de Milan auraient « détruit la ville » en ruinant l’inauguration d’une Expo où les responsables de la faim dans le monde —gouvernements et multinationales— se sont donnés rendez-vous pour discuter de comment combattre la faim dans le monde (par un suicide collectif des classes dirigeantes ?), en Belgique les journalistes ont commencé à sonner à leur tour l’alarme. Au début de la semaine, leurs lecteurs ont en effet pu apprendre qu’ « en ce moment, un groupe particulièrement actif sème la terreur à Bruxelles« .

Belle trouvaille, dira-t-on. Tout le monde sait que la capitale belge héberge le siège du Parlement européen. De là partent les lois pour contrôler et réprimer et exploiter. Mais non, ce n’est pas de cela qu’ils sont en train de parler. Les hommes de pouvoir en costard cravate sont bons, ils ne sèment que de la sympathie. Ah, ok, on a compris. Il s’agit de l’OTAN, dont le quartier général se trouve lui aussi à Bruxelles. De là partent les ordres pour envahir et bombarder et massacrer. Tu parles, ce n’est pas non plus de cela qu’ils sont en train de parler. Les hommes de pouvoir en tenue camouflage sont bons, il ne sèment que la démocratie.
Ben oui, le problème est ailleurs, disent-ils, bien plus terrible : « les anarchistes veulent créer la panique en Belgique« . Des gens terribles, vous savez. Ils protestent contre la construction d’une maxi-prison à Haren (prévue pour accueillir 1200 « hôtes », la plus grande du pays), et ils en ont même après « la police et autres symboles de l’Etat« . Les enquêteurs les soupçonnent de ne pas mendier des droits citoyennistes et de ne pas planter des patates zadistes, mais d’être les auteurs d’une longue série d’actions qui frappent depuis quelques années les entreprises qui se sont adjugées les appels d’offres pour la construire. Il paraît même qu’ils se désintéressent des ménagères et des mamans avec poussette, mais sont solidaires avec différents galériens, dont les plus célèbres braqueurs de banques du pays. Et il est dit qu’ils veulent rendre les quartiers les plus chauds de Bruxelles « incontrôlables » et pas plus tranquilles : plutôt que d’ouvrir des cantines ou des dispensaires populaires pour rassasier et soigner les pauvres —l’Etat ne peut pas penser à tous, il faut bien lui filer un coup de main !—, ils osent ouvrir des bibliothèques subversives et des points de rencontre pour les ennemis des prisons. Et qu’ils diffusent de toutes les manières possibles leur propres idées anarchistes singulières, plutôt que de répéter en choeur celles plus démocratiques. Et que comme des Franti (1), ils rient à la nouvelle de la mort d’un maton.

C’est contre ces canailles si irréductiblement différentes des personnes comme il faut que les journalistes belges sont en train de hurler, lâchés comme des chiens par leurs patrons engagés dans une partie de chasse. Il est probable qu’un jour ou l’autre on entendra les premiers coups de feu. Se perdront-ils dans l’ombre ou atteindront-ils la proie ? En Belgique, comme en Italie, comme dans le reste du monde, le parti de l’Ordre est en train de se mobiliser pour en finir avec tout souffle de liberté. Mais comme nous l’apprennent les anonymes saboteurs belges : « dessine des cages, récolte notre rage« .

Traduit de finimondo par brèves du désordre

NdT:
(1) Personnage du roman pour jeunes Cuore, de Edmondo De Amicis (1886). Franti est le mauvais élève de la classe issu d’une famille très pauvre, celui qui jette des cailloux dans les fenêtres et rit à la mort du Roi (« Uno solo poteva ridere mentre Derossi diceva dei funerali del Re, e Franti rise »).

[Publication] ‘Séditions’ n°2 – Mai 2015

Le deuxième numéro de ‘Séditions’ vient de paraître, exceptionnellement sous forme d’un huit pages. Il est disponible à prix libre à la librairie l’Autodidacte et à la SPAM (place Marulaz), au bar ‘Ze Muzic All’ (rue Rivotte) et lors de distributions spontanées dans la rue.

Voici une rapide présentation des thèmes qui y seront abordés:

  • Le seul terroriste, c’est l’Etat (aperçu des dernières lois anti-terroristes adoptées en France)
  • Les « 408 », en guerre contre le pouvoir et ses outils de contrôle
  • Besançon: une ville sous occupation policière et militaire
  • Quand « prévention » rime avec gentrification
  • « Bien Urbain » ou l’art de la gentrification
  • Opérations répressives en Espagne (Pandora et Pinata): affiche en solidarité avec les compagnon-nes anarchistes séquestré.e.s et arrêté.e.s

Si vous souhaitez le recevoir chez vous, n’hésitez pas à écrire à l’adresse seditions[at]riseup[point]net.

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[Reçu par mail]

Pour rappel, le premier numéro. L’édito ici.

[Publication] Des Cinq de Haymarket à Sacco et Vanzetti : Tous innocents, tous martyrs?

Les anarchistes, des idéalistes inoffensifs ? C’est l’image qu’en donnent certains (dont des anarchistes) à travers une réécriture de l’histoire qu’ils ponctuent de mythes et de figures de martyrs, innocentés comme des martyrs chrétiens. Mais tout cela ne peut se faire qu’au prix de la dissimulation, entre autres, de certains aspects de la vie et de la pensée de ces mêmes compagnons, et donc la trahison de leurs idées. Dépeindre les cinq compagnons exécutés suite aux événements d’Haymarket à Chicago ou Sacco et Vanzetti comme de simples idéalistes, doux rêveurs inoffensifs, presque pacifistes ou syndicalistes, est une insulte à leur mémoire et à leurs vies passées à combattre le pouvoir avec les idées, mais aussi avec les armes. Dans ce petit recueil réalisé à l’occasion d’une discussion à Paris, tentative est faite de réhabiliter leur mémoire, loin de toute « innocence » ou « culpabilité » que nous laissons aux juges et historiens, et plus proche de nos perspectives révolutionnaires ou insurrectionnelles, que ces compagnons revendiquaient tous.

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Cette brochure est éditée en collaboration avec la bibliothèque anarchiste La Discordia à Paris, à l’occasion d’une discussion le mercredi 20 mai 2015 à Paris.

Ravage Editions

[Publication] Chroniques sur les révoltes anti-police dans le Missouri et à travers les Etats-Unis (Août 2014/Mars 2015)

Beaucoup d’entre nous ont pu entendre parler de la révolte incendiaire d’août 2014 à Ferguson dans le Missouri, à travers les articles de presse, médias sociaux ou autre. La plupart du temps à travers des gros titres tels que « Emeutes raciales à Ferguson, petite banlieue de Saint-Louis ». Evidemment, les médias ont tenté de réduire cette révolte en des affrontements communautaires, en une irruption de rage marginale limitée à une petite localité.

Il s’agit pourtant bel et bien d’un climat insurrectionnel qui a émergé des rues de Ferguson et de Saint-Louis (Missouri) en ce mois d’août 2014 pour s’étendre à de nombreuses localités des Etats-Unis durant les 6 mois qui ont suivi. Les textes de cette brochure, dont une partie sont des résumés des articles de la presse US, sont pour la grande majorité écrits par des anarchistes de Saint-Louis présent-e-s dans les rues et retracent la chronologie des événements à Ferguson, des critiques contre la demande de justice, contre l’innocentisme et des réflexions au sujet des raisons qui poussent les gens à descendre (ou pas) dans la rue après certains assassinats policiers…

Aux Etats-Unis (comme sous le joug de tout Etat), la liste des morts sous les coups (de feux) de la police s’allongent chaque jour, et pour la plupart du temps passent comme un fait d’une sinistre banalité auprès de la population. Et souvent, personne ne réagit, ou alors par une marche blanche qui relève davantage d’une commémoration funèbre que d’une protestation contre des agents protecteurs d’une société basée sur l’oppression et l’exploitation.
Bien sûr, il existe toujours l’imprévu d’une situation (si la personne tuée est connue/aimée du quartier, si la scène du meurtre est filmée et/ou assistée par des témoins…) Mais ces multiples meurtres aux Etats-Unis ne sont pas le fruit d’exceptions ou d’un mauvais travail de la part de la police: c’est l’une des faces violentes de ce système d’oppression et de domination.

Selon des compagnon-nes anarchistes outre-atlantique, une telle explosion de rage insurrectionnelle comme celle vécue dans les rues de Ferguson en ce mois d’août 2014 n’avait pas été expérimentée aux Etats-Unis depuis les émeutes des années 70.
Cependant, toutes ces révoltes anti-police ne surgissent pas de nulle part et sont aussi la suite logique de l’agitation anarchiste qui a été menée depuis plusieurs années dans certaines régions (Oakland et la baie de San Francisco, Seattle, Durham…).

A l’heure où une révolte de grande ampleur éclate à Baltimore faisant suite à un énième meurtre policier, il est important de retracer cette conflictualité croissante contre la police, qui n’attend rien de la justice mais qui vit le présent par l’expropriation de la marchandise, par l’attaque contre les milices des riches et de l’Etat, ainsi que contre ses pacificateurs.

Cette brochure a pour objectif d’apporter des éléments afin d’approfondir la critique sur la nécessité d’en finir avec la police et son monde.

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[Olympia, Etats-Unis] Perturbation d’une conférence sur « le projet des prisons durables » – 22 avril 2015

Les prisons sont les nouvelles plantations: résumé de la perturbation d’une conférence sur « le projet des prisons durables »

Les 22 et 23 avril 2015, le Evergreen State College à Olympia a accueilli une conférence sur le thème de « projet de prisons durables » (SPP), une tentative dégoûtante de rendre l’esclavage moderne acceptable à ceux qui sont superficiellement préoccupés par n’importe quelle connerie verte éco-durable. Une prison qui recycle ou possède un jardin, ou des prisonniers y réhabilitent des tortues et ont un arbre dans leurs cellules reste une prison. C’est toujours une forme d’esclavage et de torture et un instrument de l’Etat et de la suprématie blanche.

Le 22 avril 2015, environ 20 personnes se sont pointées pour perturber la conférence. Il y avait une banderole qui disait « Feu aux prisons » et une autre qui disait « Les prisons sont les nouvelles plantations – Nique le SPP (‘Sustainable Prisons Project’) ». Pas mal de gens ont apporté des pots, casseroles, baguettes de tambour et d’autres trucs pour faire du bruit. Le groupe a tenté d’entrer par les portes principales de la conférence au quatrième étage de la bibliothèque. mais a été empêché par des amoureux de la taule qui gardaient les portes. Ainsi, les ennemis de la prison sont retournés à l’extérieur, ont sauté quelques grilles, ont traversé le toit jusqu’à une cour à l’extérieur de la salle de conférence. Hilares, les flics ont été incapables de sauter par-dessus la clôture. Peut-être que la gravité agissait de manière un peu plus forte sur eux.

Nous avons frappé sur les portes et les fenêtres de la salle de conférence, tenu les banderoles à la hauteur des fenêtres, crié et chanté. Deux ou trois amoureux de la taule sont sortis et ont tenté de dialoguer et de nous convaincre que nous faisons partis de la même équipe. Sous pressions, ils ont admis cependant qu’ils ne voudraient pas être enfermé seul, même s’il y avait une arbre dans la cellule.

Les participants à la conférence ont baissé les stores des fenêtres dans le but qu’ils ne nous voient plus mais tout le monde a envahi l’intérieur de la salle, en continuant à frapper et à crier. Quelqu’un a saisi le micro devant et a courru à travers la salle en criant « Fuck prisons » jusqu’à ce que le micro soit coupé. Nous avons crié et fait du bordel pendant quelques minutes, puis les flics pathétiques du campus se sont ramenés. Les porcs sont plutôt restés tranquilles et étaient incapables de contrôler la situation et ont eu recours en essayant de s’emparer des cuillères et baguettes de tambour des mains des gens. A ce moment, nous avons avons décidé de partir de notre propre initiative. Une grosse pile de tracts a été jetée en l’air en sortant. Voici ce que disaient les tracts :

« Les prisons maintiennent rien d’autre qu’elles-mêmes.

Ainsii aujourd’hui nous avons l’esclavage, bien que l’esclavage ait été aboli. Les structures de la société qui requièrent des esclaves sont restés intactes. Et dans 100 ans, les prisons pourront avoir été abolies  mais nous aurons toujours des prisons aussi longtemps que le capitalisme restera intacte! Pour un monde sans cages (A) ! « 

Dans l’ensemble j’ai été agréablement surpris du niveau d’antagonisme et de nouveaux visages à la perturbation. Si vous voulez en savoir un peu plus directement de la bouche des porcs sur la façon dont ils justifient l’esclavage greenwashing, il y a leur site web: dot sustainabilityinprisons dot org

Traduit de pugetsoundanarchists.org

Pour rappel:  Plusieurs actions anti-carcérales dans la région de Seattle

[Paris] Discussion autour de la solidarité internationale à partir du cas des 5E3 au Mexique – Mercredi 13 mai à la Bibliothèque Libertad

Mercredi 13 mai se déroulera à la Bibliothèque Libertad une discussion à partir de l’histoire des trois compagnonNEs arrêtéEs à Mexico le 5 janvier 2014, suite à une attaque incendiaire contre le Ministère des transports et de la communication et contre un concessionnaire Nissan. Après plusieurs procès, Amélie, Carlos et Fallon sont sortis de prison en mars 2015 pour accomplir le reste de leur condamnation (deux ans et demi) en liberté surveillée.

Lors de leur incarcération, tous trois ont toujours maintenu de manière vivante la question de la solidarité révolutionnaire, ne faisant pas de compromis sur leurs idées au nom de l’urgence ou de la convenance, mais conservant au premier plan le désir de continuer à lutter en prison.

A partir des perspectives et des difficultés qu’elles/il ont rencontrées dans ce contexte particulier, nous avons souhaité saisir l’occasion pour relancer une discussion qui touche toutes celles et ceux qui affrontent les coups répressifs de l’Etat : comment continuer à lutter lors de ces moments de répression, aussi bien dedans que dehors ?

Cette soirée débutera par l’intervention d’une anarchiste qui a pu visiter les trois compagnonNEs lors de leur période de détention au Mexique ainsi que de discuter et d’analyser ces questions avec eux.

Mercredi 13 mai 2015, 19h30 Bibliothèque anarchiste Libertad 19 rue Burnouf Paris-19e (M° Belleville ou Colonel Fabien)

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Reçu par mail, 27 avril 2015

[Publication] Contre la guerre, contre la paix

Contre la guerre, contre la paix

Eléments de lutte insurrectionnelle contre le militarisme et la répression
8 pages, Printemps 2015

Certains pourraient nous accuser d’un maximalisme peu digeste, mais nous ne pouvons pas avaliser la thèse qui sépare le temps et l’espace entre des périodes de guerre et des périodes de paix. Et c’est d’ailleurs cela qui se trouve à la base de l’antimilitarisme anarchiste : contre la guerre, contre la paix, pour la révolution sociale.

  1. Guerre et paix
  2. Restructuration, révoltes et guerre
  3. Le projet répressif : massacre, militarisation et enfermement
  4. L’usine de la répression
  5. Contours d’une projectualité anarchiste contre la guerre et contre la répression
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[Publié sur Cette Semaine, 24 avril 2015]

[Paris] Inauguration de La Discordia – Bibliothèque anarchiste

Inauguration de La Discordia – Dimanche 10 mai 2015 – 18h

Venez découvrir la Discordia, en savoir plus sur le projet et discuter. Vous pouvez amener, si vous le souhaitez, à boire et à manger.

Le programme de mai 2015 est consultable ici

Le programme de mai 2015 est consultable ici

Présentations :

La discorde est une forme profonde de désaccord, un dissentiment violent qui oppose des personnes entre elles et les dresse les unes contre les autres. Ce que nous souhaitons encourager, c’est qu’elle les oppose plutôt à ce vieux-monde et à ses défenseurs, comme cela se manifeste déjà, ça et là, par de nombreux actes de révolte et d’insoumission. Il n’est pas question pour nous de jeter de l’eau sur les braises de ces révoltes, mais au contraire de jeter, comme la déesse Discordia, la pomme de discorde au milieu de cette société où les rapports marchands et répressifs semblent avoir pris le dessus sur l’entraide, la solidarité et la recherche d’une vie que l’on aimerait vivre. Aussi contre cette résignation diffuse et la recherche du consensus à tout prix –même au prix de l’apathie.

Hors de tous dogmes, et avec une perspective anarchiste, La Discordia est une bibliothèque qui entend nourrir un projet révolutionnaire par certains de ses aspects fondamentaux : la lecture, le débat, la théorie, l’écriture, le papier, la discussion. Un lieu où se retrouver pour partager des informations sur l’actualité du mouvement révolutionnaire et anti-autoritaire à travers le monde, pour confronter des idées, en découvrir, en creuser ; un lieu où la discussion n’est pas forcement synonyme de consensus, et n’est pas réservée à des spécialistes. C’est aussi un lieu physique pour sortir du tout virtuel, avec des débats de vive voix, en face à face et dans le partage. C’est des livres, journaux, tracts, brochures, affiches et autres documents, des archives d’aujourd’hui et d’hier pour contribuer à la transmission de l’histoire des luttes individuelles comme collectives. Tout ce qui pourra favoriser le développement des idées, en rupture avec l’État, la politique et le Capitalisme. Si Discordia a causé par son geste provocateur la Guerre de Troie, nous souhaitons par le notre modestement contribuer à la guerre contre toute autorité, en ajoutant du carburant pour sa pensée.

La Discordia est une bibliothèque autonome (et déficitaire), qui dépend aussi de votre soutien et de votre participation. Installée dans le Nord-Est de Paris, il s’agit de rendre plus visible et accessible une présence anarchiste encore discrète mais continue dans ces quartiers depuis plusieurs années.

N’hésitez pas à consulter le programme et le catalogue, et surtout à y passer pour emprunter des livres, travailler au calme sur des archives, y découvrir de nouveaux textes et brochures, fouiller la distro, déposer des publications, discuter, proposer quelque chose ou simplement passer quelques heures en dehors de la résignation généralisée.

Des livres, pas des flics !

ladiscordia(at)riseup.net

ladiscordia.noblogs.org

[Reçu par mail]

Pour en finir avec le Prisonnier Politique

Cela fait quelques années que l’on voit réapparaître le terme de « prisonnier politique ». Un terme que l’on croyait disparu depuis plusieurs décennies, du moins dans les sphères antiautoritaires.

arton3875-69fadUn terme devenu la chasse gardée des diverses sectes marxistes ou maoïstes, d’Amnesty International ou des opposants politiques bourgeois à des régimes autoritaires comme la Russie, la Birmanie ou l’Iran ; ou encore dans le cadre des luttes dites de « libération » nationale, du Pays Basque au Kurdistan en passant par la Palestine ; mais aussi à l’extrême-droite. C’est en partie pourquoi nous nous inquiétons de voir refleurir ce terme ici ou là, dans la bouche de compagnons à travers le monde. Et si nous désirons en finir aujourd’hui et pour toujours avec ce terme, ce n’est pas uniquement parce qu’il va à l’encontre de toutes nos perspectives antipolitiques, contre tous ceux qui veulent nous gérer, nous représenter et nous dominer à travers l’arme de la politique. C’est aussi parce qu’il y a derrière cette résurgence la conséquence malsaine, consciente ou inconsciente, de créer des distinctions entre les prisonniers en ne se basant que sur les « crimes » qu’ils sont accusés d’avoir commis par l’Etat, avec la loupe de son code pénal. Cela crée une hiérarchie selon la vertu supposée des actes incriminés, entre ceux qui méritent le plus d’être libérés ou soutenus, et les autres. Réduisant au néant toute la critique anticarcérale séculaire des anarchistes et antiautoritaires. Ainsi, il s’agit de n’exprimer sa solidarité qu’à des prisonniers incarcérés à cause de leurs idées, au détriment du reste de la population carcérale, complètement oubliée ou juste utilisée pour valider un discours sur son dos.

Mais un prisonnier politique, c’est quoi au juste ? Voyons du coté de la domination : pour le Conseil de l’Europe par exemple, un détenu doit être considéré comme un prisonnier politique si la détention a été imposée en violation de l’une des garanties fondamentales énoncées dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, en particulier « la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression et d’information et la liberté de réunion et d’association ». Mais aussi si la détention a été imposée pour des raisons purement politiques sans rapport avec une infraction quelle qu’elle soit. Mais ce genre de palabres démocratiques concernent-elles des anarchistes ?

Pour être clairs, nous affirmons que la plupart des incarcérations, aujourd’hui comme toujours, sont bien plus liées à des contextes et des raisons politiques qu’à des infractions précises. Car même si dans un procès les accusations sont presque toujours appuyées sur des faits, ce sont bel et bien l’Etat et son système judiciaire qui décident dans quelle mesure réprimer tel ou tel acte spécifique, telle ou telle partie de la population. Car la répression de tous les actes dits « illégaux » est clairement impossible techniquement. Que ce soit en raison du trop grand nombres de lois, des effectifs policiers et autres raisons techniques, ou politiquement, car la tolérance zéro engendrerait des risques de révolte accrus. La répression de l’illégalité (dont l’incarcération est un des moyens) obéit donc à une stratégie et un agenda politique.

N’incarcère-t-on pas pour faire monter ou baisser des chiffres qui serviront aux ambitions électorales de politiciens, pour démontrer un discours ou pour jeter de la poudre aux yeux ? N’incarcère-t-on pas principalement des indésirables que l’on ne souhaite pas voir ailleurs dans la société, des indésirables qui sont la plupart du temps confrontés aux institutions répressives en raison de leur pauvreté et donc de leur incapacité à se défendre avec les outils que la justice prétend leur « garantir », comme des avocats qui ne travaillent que quand on les paye cher ou des garanties de représentation, un luxe pour la plupart des détenus. Tout est fait pour que les prisons soient remplies de pauvres, et elles le sont à n’en pas douter.

Alors si la justice ne peut être qu’une justice de la bourgeoisie contre les pauvres indociles (ou non), une justice de classe, alors quel prisonnier n’est pas un prisonnier politique ? Si la prison a de réelles fonctions politiques et sociales, comme le maintien de l’ordre et la paix sociale, alors quel prisonnier n’est pas un prisonnier politique ? Pour le dire plus simplement, la prison étant un outil politique, alors tous les prisonniers sont des prisonniers politiques. Et dans ce cas là, autant jeter ce terme dans les oubliettes de la politique, justement. Car elle n’est pas chose que nous revendiquons, mais chose que nous voulons détruire jusqu’à sa dernière manifestation.

De plus, on peut questionner également ce terme sur ses aspects « innocentistes ». En effet, il est souvent utilisé pour qualifier le caractère « injuste » d’une incarcération, comme souvent avec Mumia Abu-Jamal, Georges Ibrahim Abdallah ou les Pussy Riot, pour utiliser des exemples parmi les plus célèbres ou médiatiques aujourd’hui. Cela se manifeste souvent par cette insistance à vouloir démontrer que l’on est « innocent » puisqu’enfermé uniquement pour ses idées : réclamer un statut de prisonnier politique revient à réclamer la liberté d’expression (ou son respect dans les pays où elle est déjà officiellement et théoriquement reconnue). Avec l’effet pervers de justifier par ailleurs l’incarcération pour de « vrais » délits ne relevant pas de cette liberté d’expression. Dans le cas où les prisonniers ont de toute évidence commis les actes dont ils sont accusés et les reconnaissent, les définir comme « prisonniers politiques » revient à vouloir prouver que ces actes n’étaient qu’une réponse à des lois « injustes » ou « illégitimes », comme si certaines autres étaient « justes » et « légitimes » (celles pour lesquelles sont enfermés les autres prisonniers). Finalement, dans les deux cas il s’agit d’affirmer leur innocence en les rendant irresponsables, d’une manière ou d’une autre, ou en essayant de rendre leurs actes légitimes aux yeux de l’ennemi. Une démarche qui ne conviendrait pas, par exemple, pour des braqueurs, et qui de toute façon n’a rien d’anti-carcérale ou de révolutionnaire. Qu’il s’agisse de réclamer la « liberté d’expression » ou de protester contre l’« injustice » d’une loi, ces deux manœuvres ne sont que des demandes à l’Etat visant à le réformer, améliorant ainsi sa domination sur nos vies.

En tant qu’anarchistes, nous ne souhaitons pas entrer dans un débat politique (avec ou sans le pouvoir) pour définir ce qui est moralement juste et vertueux et ce qui ne l’est pas. Profanes, nous laissons cela à leur justice et à leurs églises de toutes sortes. La seule chose qui nous intéresse concernant la prison, c’est sa destruction totale et définitive, sans négociation et sans transition. Et ce n’est que par la lutte et la révolte à l’intérieur comme à l’extérieur que nous y arriverons.

Nous ne disons pas ici que tous les prisonniers méritent notre solidarité inconditionnelle. Car nous ne voyons pas la solidarité comme une dette ou un devoir, mais comme une arme de réciprocité dans la guerre contre l’existant. C’est pourquoi notre solidarité va à tous les prisonniers révoltés qui, sans médiations, luttent contre la condition qui leur est faite, sans distinction particulière. Car si nous ne partageons pas la pensée ou les actes de tous les prisonniers, parfois même nous pouvons les mépriser entièrement, il nous faut être clairs sur une chose : nous nous opposons à l’enfermement sous toutes ses formes, et nous ne le souhaitons pas même à nos pires ennemis. Ainsi, la relation que nous entretenons avec le prisonnier révolté est une relation intéressée, car il s’agit d’une rencontre entre des intérêts qui convergent, ceux de la révolte et/ou de l’insurrection. Il n’est pas question de martyrs ou de grands abnégateurs… Il n’est pas question d’altruisme, il n’est question que de compagnons, et donc de complicité, à ne pas confondre avec la charité.

Bien sûr, il est plus facile pour nous de donner notre solidarité à des compagnons qu’à des inconnus sans histoire commune, car les tenants et les aboutissants nous sont plus facilement et rapidement accessibles et identifiables, mais la solidarité ne doit pas faire preuve de fainéantise, elle doit dépasser les frontières identitaires des petits milieux pour s’élargir à tous les prisonniers de la guerre sociale et viser la liberté de tous, sinon cette solidarité n’a rien de révolutionnaire, elle est seulement un signe de reconnaissance creux entre personnes averties, qui ne vaut pas plus que n’importe quelle autre forme de solidarité communautaire et identitaire.

A partir de là, lorsque nous entendons des révolutionnaires antiautoritaires se déclarer « prisonniers politiques », ou pire encore, en réclamer le statut à l’ennemi, nous déplorons cette façon de se distinguer des autres prisonniers. Quelle volonté derrière sinon de faire valoir l’« illégitimité » de leur incarcération ou de demander à l’ennemi un traitement différencié, des privilèges ou une amnistie ?

Nous comprenons bien l’intérêt qu’il y a à l’intérieur d’être regroupés entre révolutionnaires, le quotidien y est plus fluide et les prisonniers pourraient probablement s’y entendre mieux (mais pourquoi au juste ?). Mais d’un autre côté, est-ce vraiment une bonne idée pour un agitateur révolutionnaire, de se séparer des autres détenus, comme beaucoup le font déjà dehors en s’enfermant dans des modes de vie communautaires, à l’intérieur de centres sociaux et contre-culturels dans des milieux sclérosés de consanguinité ?

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, comme on peut le voir en Grèce ou en Italie, l’Etat a plutôt tendance à regrouper les prisonniers anarchistes entre eux, séparés des autres détenus. Il s’agit bien d’empêcher leurs idées et leurs pratiques de révolte et de lutte de se répandre parmi la population générale, d’éviter l’infection. Il s’agit d’assurer la paix et l’ordre en séparant ceux qui rassemblés pourraient faire suer encore plus les administrations.

Nous refusons donc cette distinction entre « prisonniers politiques » et « prisonniers de droits communs » car elle devient forcément justification du système carcéral. Parce qu’il n’y a pas de prisonniers politiques, ou alors tous les prisonniers sont politiques, donc aucun.

Solidarité avec les prisonnier/es de la guerre sociale, Liberté pour toutes et tous.

Des anarchistes antipolitiques et antisociaux pour l’infection.

[Extrait de Des Ruines, Revue anarchiste apériodique, Numéro 1, Janvier 2015. Publié également en annexe d’un recueil sur la lutte contre les prisons de type C en Grèce.]

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