[Zurich, Suisse] Récit de la petite manif au centre de rétention – Vendredi 7 Octobre 2016

Sur la petite manif à la prison

Vendredi soir dernier [7 octobre 2016, NdT], il y a eu une manifestation vers la prison de l’aéroport de ‘Kloten’, partie de la gare ‘Glattbrugg’. Elle a été appelée en même temps avec des affiches dans toute la ville – et aussi certainement sur internet. Manif vers le centre de rétention et d’expulsion, « Refugees welcome ».

Plus d’une centaine de personnes s’est rassemblée à la gare de ‘Glattbrugg’ et la manifestation a pu aller jusqu’à la prison sans intervention policière. Des groupes de six flics dispersés étaient certes de temps en temps visibles, mais ils se tenaient toujours à une distance de deux à trois cent mètres. Ceci était certainement avant tout dû au fait que les participant-es à la manif étaient en grande partie assez jeunes. La police a gardé de la distance et n’est pas intervenue, puisque gazer et agresser des personnes étant en grande partie probablement mineures d’un point de vue légal, aurait peut-être pu provoquer trop de désordre.

Désormais : en fin de compte, on ne fait que spéculer sur les raisons de la tactique des flics de ce soir. En tout cas, la manif a pu se dérouler sans encombre du début à la fin, ce qui a rendu possible quelque chose. Un trou a donc été fait par quelques personnes devant la section de la détention provisoire de la prison à la ‘Haag’, menant directement au parking sous les cellules des retenus. Quelques participants à la manif se sont introduits par le petit trou, ont fichu par terre un scooter, ont fracassé une camionnette garée (qui sert vraisemblablement aux transports des prisonniers) et ont peint des slogans et des (A) cerclés sur un abri et le sol – tout ceci sans qu’il n’y ait le moindre flic en vue. Les retenus enfermés ont hurlé par-dessus les murs même s’ils étaient quelque peu troublés quant au fait que seul des slogans pour les réfugiés ont été criés et ont en même temps incité les envahisseurs à incendier le scooter – ce qui n’a pas marché. Ensuite, la manif a continué devant la section de la prison où se trouve les personnes en attente d’expulsion en lançant des slogans, en tenant un discours et en inscrivant de nouveau des messages sur le sol. Aux abords de cette section, la caméra de surveillance qui en même temps filme une partie de la ‘Haag’ a été coupée – ce qui toutefois avait une signification davantage symbolique puisque derrière, une autre grille nous attendait.

Après, la manifestation a une nouvelle fois bougé et tout le monde a pu – comme je l’ai dit – s’éloigner sans problème et repartir. Il me semble, après coup, que cette intrusion sur le parking de la prison a pu nous montrer beaucoup de choses. Cela semble avoir été une chose spontanée menée par quelques-un-es. Et beaucoup d’entre nous ne semblent pas du tout avoir réfléchi auparavant à une telle chose (le fait de pénétrer à l’intérieur de la prison). Une chose qui, si l’on avait réfléchi plus longuement à la question, pourrait amener à une déduction logique.

Si je suis devant une prison, je dois toujours me rappeler de la question que je me suis sans cesse poser en prison – comme certainement beaucoup d’autres, j’espère la plupart – est la suivante : comment pourrais-je franchir ces murs, ces grilles, ces gardiens et ces portes. Escalader par-dessus, forcer le passage, se faufiler à travers, m’infiltrer. Cela reste une pure fantaisie. On sait que les prisons sont construites afin que ça reste toujours au stade de l’espoir – parce que les prisonniers désespérés sont problématiques. Lorsqu’on se rend désormais devant une prison pour souhaiter aux prisonniers force et courage et montrer qu’ils ne sont pas complètement seuls, reste à chaque fois le sentiment désagréable en repartant, en fin de compte, qu’il faut une nouvelle fois les laisser seuls. De ne pas être capables de simplement les faire sortir…

Hourriya, Libertad, Liberté, Freiheit – Tous sont des mots ayant une seule et même signification. Tous ces mots ont souvent été scandés ce soir. On a tenté de transmettre aux prisonniers qu’il y avait encore dans ce pays des gens qui désirent la liberté pour tous. Qu’ainsi, tous ne peuvent pas bien dormir lorsqu’ils savent que d’autres sont enfermés et aussi qu’ils seront ensuite bientôt expulsés vers la misère. C’est déjà quelque chose. Mais ce que j’espère, c’est non seulement qu’il y ait plus de personnes qui désirent tout simplement la liberté, mais avant tout que se propagent enfin la volonté et la motivation de réaliser des actes concrets de libération. En même temps, pourrions-nous peut-être justement donner aussi un peu d’écho aux actes de cette soirée… ?

[Traduit de l’allemand du journal de rue anarchiste « Dissonanz », Ausgabe Nr. 38, Oktober 2016]