Une manifestation sauvage dégénère et cause des dégâts considérables
Le but de la manifestation était d’occuper la rue de manière forte. Les casseurs ont pris le dessus, les dégâts sont considérables. Le monde culturel genevois condamne.
En lettres capitales sur fond noir et, au bas de l’affiche, le lieu du rendez-vous: une «Sauvage», ce samedi, à 22 h, dans le parc des Cropettes. Concert? Rassemblement? Manifestation? Les trois à la fois, assortis d’un mot d’ordre non-signé: «Nous prenons la rue car elle se passe volontiers des subventions qui servent maintenant à faire chanter les lieux de culture alternative.»
Les participants sont nombreux à venir au rendez-vous. Les premiers ont amené de la musique, les suivants arrivent en bande organisée avec du matériel pour repeindre la ville. Ils ont le visage masqué, leur propre service d’ordre et la présence des photographes n’est pas tolérée dans leur périmètre. Les tracts distribués sur l’herbe récapitulent les «conseils utiles à connaître en cas d’arrestation».
«On est vénère»
Malgré la sono embarquée, l’ambiance n’a rien de particulièrement festif. On pose la question: «Vous êtes qui?» Réponse: «Des gens en colère!» Elle se lit sur la banderole: «Culture de lutte, Maudet culbute». Elle se voit dans la démarche, déterminée et frondeuse. A 22 h 30, les manifestants se mettent en mouvement. Ils sont près de 500 à descendre vers la gare en empruntant le passage des Alpes. Les tagueurs ont sorti bombes et pochoirs. Ils se chauffent sur les murs, de chaque côté de la chaussée, avant de s’attaquer aux principales enseignes de Cornavin. En quelques minutes, la façade est relookée à hauteur d’homme et le mobilier urbain, aux abords des arrêts du tram, marqué au spray noir.
Les slogans ne cherchent pas la rime. «On est vénère» et cela se lit à chaque coin de rue. Une odeur de peinture fraîche permet de suivre à l’arrière la manif qui avance sans se retourner. Les déprédations montent d’un cran à l’approche de Bel-Air. On cible les banques, les bijouteries, les galeries; les vitres blindées sont négociées au marteau. La Corraterie en prend pour son grade, les alarmes effraction se déclenchent en plusieurs endroits.
Nulle présence policière jusque-là. Tout au plus un fourgon de gendarmerie à l’entrée des Rues basses, deux autres au bas de la Treille. Les accès à la vieille ville sont barrés. Pas le parvis du Musée Rath, encore moins celui du Grand Théâtre. En moins de deux minutes, la façade de l’opéra change de couleur. Noir, rouge et vert. Des projections de peinture en grande quantité. Le résultat est spectaculaire. Souillures XXL. Il faudra monter un échafaudage pour nettoyer ou déployer la nacelle à dix mètres du sol.
Les meneurs cherchent la confrontation
On approche de minuit. Les manifestants ont investi Plainpalais, remontent l’avenue du Mail jusqu’à la rue de l’École de médecine. Du monde partout. Et une détermination qui ne fléchit pas au moment de redescendre le boulevard Carl-Vogt en direction de l’Hôtel de police. La vitrine d’un magasin spécialisé dans la vente de matériel de sécurité ne résiste pas aux coups. Les présentoirs sont dépouillés de leurs accessoires, des mains se servent dans la coutellerie et un mannequin est démembré sur le trottoir.
En tête, les meneurs cherchent la confrontation. Ils la trouvent: les forces de l’ordre font barrage devant la maison de quartier de la Jonction. Ils ont sorti leur canon à eau antiémeute, ils font écran sur toute la largeur de la chaussée. Les ultras vont au contact, jettent des projectiles, certains inflammables, avant de battre en retraite en se repliant sur l’avenue Sainte-Clotilde.
La manif commence à s’essouffler. Elle signe ses derniers tags colériques sur les murs de la rue des Bains, brise une ultime enseigne, avant de se disloquer sur la place des Volontaires. Pendant 90 minutes, elle a occupé la rue, exprimant son ras-le-bol et son opposition dans un geste radicalement anarchique. «C’est la réponse nocturne à l’arrogance des politiques», lâche une participante qui soutient la cause à défaut de défendre la manière.
«Cette manière-là est la porte ouverte aux amalgames et aux réactions extrémistes», regrette par avance cet étudiant qui était venu avec son vélo, sans sac à dos rempli d’engins pyrotechniques. Le coût de cette «Sauvage» promet d’être très élevé. Bien supérieur à la dernière manifestation spontanée partie de L’Usine. Cette fois, le haut-lieu de la culture alternative n’est en rien l’instigateur de ce rassemblement. Il ne manquera pas de le faire savoir. Les communiqués vont tomber, de tous les côtés. Dimanche difficile en perspective.
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La Culture genevoise condamne les dégâts de la nuit
«La Culture Lutte condamne sans ambiguïté les déprédations commises dans la nuit du 19 décembre», commence le communiqué des artistes et acteurs culturels de Genève. Le Mouvement genevois a rapidement souhaité réagir à la manifestation de cette nuit. Et s’en distancier : il affirme ne pas savoir qui en sont les organisateurs et «réprouve avec la plus grande énergie les méthodes destructives employées, qui ne servent en rien la cause qu’ils prétendent défendre».
Le mouvement La Culture Lutte a été créé il y a plusieurs semaines pour regrouper la majorité des acteurs culturels genevois. Il affirme œuvrer dans le dialogue et la concertation et rappelle que leurs actions se sont toujours déroulées «dans un esprit constructif et créatif».
Tribune de genève, 20/12/2015 à 17h42
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Pierre Maudet se dit « furieux et scandalisé par ce saccage »
Chef de la sécurité du canton de Genève, Pierre Maudet a dit son indignation à La Tribune de Genève, dimanche matin. « Je suis furieux et scandalisé par ce saccage intolérable », a déclaré l’élu PLR. Et d’ajouter: « On a affaire à une bande de casseurs ‘professionnels’, à l’image de ce que Berne et Zurich ont récemment connu ».
Le conseiller d’Etat s’est rendu sur place tôt dimanche afin de constater les dégâts. « J’attends les explications de la police sur les circonstances de ce débordement inadmissible », a-t-il conclu.
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Genève craignait un acte terroriste. Le chaos est venu samedi soir d’une frange d’extrémistes suisses anarchistes et anticapitalistes animés par le désir de défier l’Etat. Leurs tags ont souillé une multitude de façades. Les banques n’ont pas seulement été visées. Les déprédations les plus spectaculaires concernent le Grand Théâtre, dont l’entrée a été maculée de peinture. Une vingtaine de vitrines ont été brisées, dont celle du commerce du député MCG Eric Stauffer, malmené sur place. Ces débordements vont coûter cher, et pas seulement en termes financiers. […]
Le bilan n’est pas définitif. Pour l’heure, deux policiers ont été légèrement blessés. Y aurait-il eu d’autres victimes, comme le suggère Eric Stauffer? Pas de confirmation officielle à ce stade de la part de la police. Celle-ci fera le compte ces prochains jours du nombre de plaintes déposées notamment pour déprédations. «Aux dernières estimations, une vingtaine de vitrines ont été cassées», indique en tout cas le porte-parole de la police, Jean-Philippe Brandt. «Les dégâts n’ont pas encore pu être chiffrés, mais ils se montent à plusieurs dizaines de milliers de francs.»