Archives quotidiennes :

[Niort] Assignation à résidence – 8 décembre 2015

86621160_oJ’ai été arrêté mardi 8 au soir à Niort pour destruction de biens privés (des panneaux de pub pour la COP 21 auraient été pétés et taggués sur Niort). Les flics sont venus me cueillir chez moi et en ont profité pour faire une perquisition. Ils sont repartis un peu bredouille (quelques brochures sous le bras pour égayer leurs permanences de nuit) mais m’ont quand même gardé 12 heures en garde-à-vue. A ma sortie, on m’a annoncé que j’étais assigné à résidence jusqu’au samedi 12, c’est-à-dire pour 4 jours. Aucune poursuite, ni pour les dégradations que je n’ai pas reconnues ni pour l’ADN que je n’ai pas donné. Juste une assignation à résidence pour faire chier et faire peur. Courage à tou-te-s, surtout si vous êtes sur Paname en ce moment.

[Publié sur indymedia nantes, 12 décembre 2015]

La paix sociale est une chimère, même sous l’état d’urgence

Il est arrivé tranquillement

Il est arrivé tranquillement, un vendredi matin, et s’est dirigé vers l’ouest de Paris. Vers une zone saturée de poudre par un sommet international toujours en cours, et un état d’urgence en vigueur depuis bien trop longtemps déjà. Autour de lui grouillaient des hommes en uniforme, armes de guerre en bandoulière, et d’autres encore en civil, prêts à dégainer. Quelques dizaines de mètres plus loin, des ballets de berlines aux vitres fumées n’auguraient rien de bon pour tous les ennemis de l’intérieur.

Sur cette rue du Faubourg-Saint-Honoré, il n’y a pas de numéro 13, supprimé par la superstition bigote de l’Impératrice Eugénie, un ordre scrupuleusement respecté par toutes les Républiques suivantes, bien que l’Etat, la science et l’économie soient devenus les Dieux plus palpables des ordures qui en peuplent les sommets. Qu’importe, l’homme n’a cure de ces anecdotes, ce n’est pas avec l’histoire qu’il a rendez-vous, mais avec lui-même. Il poursuit son chemin jusqu’au numéro 72, encadré par deux petits sapins de Noël aussi faussement enneigés que ridiculement kitchs. Il sonne à une porte. On lui ouvre. Il sonne une seconde fois, et la deuxième porte réagit à l’identique. Quelques minutes plus tard, il marche à nouveau sur ce trottoir situé au coeur de la zone rouge la plus protégée d’un pays en guerre. Sa poche est un peu plus lourde. Légèrement plus lourde, mais lui seul peut s’en rendre compte. Il s’éloigne de ce quartier malfamé comme il était venu, tranquillement. Quelques mètres plus loin, les assassins assermentés de l’Elysée, de la résidence officielle de l’ambassadeur des États-Unis et du ministère de l’Intérieur continuent leur sale travail, imperturbables.

L’alerte est arrivée trop tard. Vers 11h, quatre vitrines de la bijouterie Chopard ont été délestées de leurs montres de luxe par un homme seul, « présentant bien » et « n’éveillant pas l’attention », au nez et à la barbe de tous les dispositifs de sécurité des rues alentours. Il y en a pour plus d’un million d’euros. Quelqu’un a allongé son bras – armé de détermination et d’audace – pour alléger une boutique de ses valeurs concentrées là en abondance. Des objets qui ne manqueront à personne, et font désormais de l’homme un des plus recherchés de la capitale, de cette capitale où rien ne doit plus se passer. Une semaine plus tôt, le pouvoir s’était vanté d’une baisse de 16% des vols et cambriolages en région parisienne depuis le 13 novembre. L’homme a peut-être souri en entendant ce chiffre. Ce n’est certainement pas lui qui contribuera à l’alimenter !

Une radio locale passe la nouvelle de façon intermittente, sur un ton à la fois scandalisé et effrayé. De l’autre côté des ondes, nul doute par contre que plusieurs auditeurs se sont réjouis pour l’inconnu à la détermination intacte. Quelques-uns, avec la rage au cœur et la liberté pour passion, se sont peut-être même demandés, à voix basse : et si, plutôt que de rester sur une position défensive en protestant (vainement) contre un état d’urgence voué à s’éterniser, il n’était pas plutôt temps de braver le terrorisme d’Etat en continuant à développer (fructueusement) nos activités subversives malgré cet état d’urgence ? Parce qu’avec un peu de fantaisie et d’imagination, tout est toujours possible pour les individus qui ne se résignent pas.

Paris, vendredi 11 décembre 2015

[Publié sur brèves du désordre, 12 décembre 2015]

Nancy: un lundi matin pas comme les autres – 23 novembre 2015

title-1448280758En plein coeur du centre-ville de Nancy, un lundi en milieu de matinée. Un homme seul, pourvu d’une masse et d’un sac en plastique, n’a fait que passer au centre commercial « Saint-Sebastien ». Plus précisément, il a fait un détour par la bijouterie « Histoire d’or », située au 1er étage d’un des innombrables lieux où se concentrent le fric et la marchandise. Arrivé en voiture par le parking aérien, il est passé incognito, en empruntant les escalators du centre, calme et serein. Sauf qu’en à peine deux minutes, il pulvérise trois vitrines dans lesquelles sont entreposées des bijoux en or: il se sert au milieux des cris des quelques commerçants et CONSommateurs présents, effarés par tant de détermination et d’audace. « Des commerçants criaient, appelaient au secours mais ça ne le perturbait pas. On ne voyait pas totalement son visage à cause d’une sorte de cache-col qui lui arrivait sous le nez. Il n’a rien dit mais frappait, frappait… » Il est reparti en marchant, comme il était arrivé, c’est-à-dire « comme tout le monde » mais avec les poches pleines sans être passé par la caisse…

L’Est Républicain, ce ramasse-crotte et lèche-cul des flics et des bourgeois qui ressasse chaque jour la propagande militariste et consumériste en ces temps d’état d’urgence, est sorti de ses gonds devant ce vol méthodique et plein de sang-froid: « Comment un individu porteur d’un tel outil a-t-il pu passer entre les mailles du filet tendu par les vigiles aux différents accès du centre, à l’heure où tout le territoire est placé en état d’urgence après les attentats de Paris ? ». Le journaflic en question, Alain Thiesse – qui se la joue enquêteur de comptoir – cherche à susciter peur et résignation parmi la population, comme le font les gouvernants en déployant partout des uniformes armés jusqu’aux dents. Cette crapule va plus loin en parlant de « braquage », cherchant à faire rentrer dans la tête du citoyen que ce malotru a agi avec « violence ». On ne lui rappelera pas la définition du mot « braquage », qu’il connaît très bien. Pour lui, ce ne sont pas seulement les trois vitres pétées qui caractérisent cette « violence », mais avant tout le casse en lui-même et le contexte dans lequel il a été réalisé: l’expropriation d’une sérénité remarquable, en plein jour, de cette marchandise du luxe destinée aux bourgeois, à l’heure où les travailleurs retournent au turbin, dans une période où l’Etat inonde les rues de bleus et autres gardiens du capital depuis le 13 novembre dernier, où le pouvoir assomme la population de l’idéologie patriotique… Pourtant, le casseur a agi à un moment où personne ne l’attendait, a pris par surprise les garants de la sécurité.

Ce magnifique coup à la barbe de la domination peut donner des ailes à bien d’autres. Il existe des brèches au sein de ce quadrillage policier et militaire des villes et métropoles dans lesquelles les insoumis et révoltés peuvent s’engouffrer.

En solitaire, préparé et déterminé, cet homme a montré que l’urgence à dépouiller les bourgeois était plus forte que l’Etat et ses lois scélérates. En espérant que les flics ne lui mettent pas le grappin dessus !

trois-vitrines-sont-tombees-sous-les-violents-coups-de-masse-assenes-par-le-casseur-du-saint-seb-photo-patrice-saucourt-1448319087