Pour identifier les collabos de la machine à enfermer et à expulser

Ci-dessous trois textes qui aident à identifier divers rouages des expulsions de sans-papiers, des entreprises et organismes qui font leur beurre sur la misère et assurent l’enfermement en CRA, centres d’accueil ou de séjour…  La solidarité avec les migrants passe aussi et surtout par cibler ses multiples collabos:

Enfermer les étrangers, ça rapporte !

Les centres de rétention administratives sont des lieux d’enfermement où les personnes étrangères sans-papiers sont placées sur décision d’un préfet, afin d’organiser leur expulsion du territoire. En 2015, près de 48 000 personnes y ont été enfermées. Une statistique déprimante quand on se bat pour l’égalité et la liberté de circulation… mais alléchante pour ceux qui investissent dans cette industrie xénophobe !

Le 19 août, un avis d’attribution de marché public annonçait le nom des entreprises retenues par la Préfecture de police de Paris pour intervenir au centre de rétention du Mesnil-Amelot. Un marché à 950 000 euros par an, à reconduction tacite pendant quatre ans.

Cet appel d’offre concernait la « réalisation de prestations multi-services et multi-techniques ». C’est large. Et pour cause : il s’agit de sous-traiter toutes les tâches nécessaires au fonctionnement d’un centre, et que les flics ne réalisent pas eux-mêmes : ménage, entretien des installations, gestion du linge, cuisine… Exactement comme le font les prisons. Et ça tombe bien, puisque les heureux gagnants de l’appel d’offre sont deux partenaires très réguliers de l’administration pénitentiaire.

Le premier vainqueur est Engie Axima, qui est comme son nom l’indique une filiale d’Engie (anciennement GDF-Suez). Ses spécialités ? Chauffage, climatisation, ventilation, sécurité incendie, portes automatiques… On comprend que les lieux d’enfermement constituent un marché juteux pour la boîte, contribuant à son chiffre d’affaires annuel : 1,3 milliards d’euros.

Le deuxième vainqueur est GEPSA, qui s’occupe notamment de restauration, de nettoyage et de blanchisserie. Comme son nom ne l’indique pas, GEPSA est une filiale de Cofely, qui est une filiale… d’Engie. Bien joué !

Les bénéfices dégagés se répartiront donc entre les différents actionnaires de la multinationale, à commencer par l’État français lui-même. Mais aussi le groupe Banque populaire-Caisse d’épargne, la Banque postale, et d’éminentes familles capitalistes comme Frère, Desmarais ou Boël… entre autres.

Alors bien sûr, ce contrat n’est pas une première pour les filiales d’Engie, déjà présentes dans de nombreux centres de rétention (Palaiseau, Plaisir, Calais, Lille, Toulouse, Nice, Sète, Rennes, Metz, Lyon…). Bien sûr, il représente une goutte d’eau dans les profits d’Engie ou de ses concurrents sur ce sordide marché, tels que Compass, Sodexo ou Vinci. Bien sûr, c’est un petit rouage de la grande machine raciste qui fiche, traque, matraque, enferme, expulse, tue ou laisse mourir… Mais il est toujours bon de rappeler que cette machine remplit des portefeuilles en même temps qu’elle broie des vies.

[Publié sur Paris-luttes.info, lundi 5 septembre 2016]

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Emmaüs : des profiteurs de la misère

Quatre personnes vont passer en appel de procès le 3 octobre à Paris, suite à ce qui s’est passé l’été 2015 dans un centre d’hébergement géré par Emmaüs, rue Pernety (XIVe), où des migrants, lassés du mépris de l’association qui profite de leurs situations, avaient décidé de bloquer l’entrée du hall avec quelques personnes solidaires. En bonne association caritative, Emmaüs a de suite appelé les flics, criant à la séquestration, et un migrant et trois personnes solidaires se sont retrouvés en garde-à-vue puis libérés sous contrôle judiciaire, et ont écopé en octobre 2015 de 4 mois de prison avec sursis et des amendes.

De fait, Emmaüs est l’entreprise qui règle pour la mairie de Paris la question des migrants, en s’appropriant les lieux que ces derniers investissent, en tentant ainsi d’endiguer toute lutte, les dispersant et les triant, voire parfois collaborant à leur enfermement en centre de rétention.

Mais Emmaüs est aussi connu pour ses autres «activités de charité». Elle gère un grand parc HLM en île de France, et là aussi elle se fait remarquer pour sa propension à enfoncer les pauvres encore plus dans la misère au nom du profit. Expulsions de locataires, augmentations de loyers … les méthodes habituelles des spéculateurs. Ceci dit, on connaît l’association surtout pour ses «Communautés» où elle exploite des personnes à la rue, les «compagnons», leur proposant l’hébergement et le repas comme tout salaire. Des règles très strictes sont établies, et les «compagnons» peuvent se faire jeter à la rue en plein hiver s’ils s’avèrent qu’ils ne les respectent pas. Rajoutons que les boutiques Emmaüs, qui dépendent du travail des «compagnons», font tout simplement du profit en revendant à des pauvres des objets donnés et récupérés.

Pour toutes ces raisons Emmaüs mérite de rejoindre le club des charognards de la misère, comme la Croix Rouge, France Terre d’Asile, l’Armée du Salut, et toutes les autres associations humanitaires qui prospèrent sur le dos des pauvres.

[Tiré de Blasphègme, bulletin mural anarchiste de Paris et de sa région]

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La charité, parfait alibi de la machine à expulser

Les guerres et les conditions de merde qu’infligent le capital et les États poussent des milliers de gens sur les routes de l’exil. Beaucoup d’entre eux fuient les persécutions religieuses et étatiques vers les pays d’Europe, dans l’espoir d’obtenir le statut de réfugié ou l’asile. Pour les autorités, il s’agit de les ficher (notamment à travers le recours à une base de données génétiques mise en place par le règlement Eurodac, qui fait partie de la loi Dublin II) de les maintenir sous contrôle, de les parquer en attente de renvoi. Les plus diplômés peuvent « gagner » le droit de rester, puisqu’ils sont directement exploitables par l’économie. Mais pour la grande majorité d’entre eux qui parviennent à arriver vivants sur le territoire national, c’est l’enfer qui les attend, autrement dit une « vie » de peur et d’angoisse permanentes de se faire arrêter par les flics, de finir enfermés en CRA pour ensuite être expulsés vers leur pays d’origine (ou leur premier pays « d’accueil » européen, selon le règlement Dublin III).

Pour ficher, trier, enfermer et expulser les sans-papier, l’État a recours à de multiples associations caritatives, qui en échange se font arroser généreusement de subventions. Les plus notoires sont : la Croix-Rouge qui s’illustre actuellement en épaulant les flics à la frontière entre Menton et Vintimille pour renvoyer les migrants qui cherchent à venir en France vers les CIE (centres de rétention italiens), dont elle a la gestion ; Emmaüs, l’association de l’abbé Pierre, qui trie les sans-papiers à Paris afin de faciliter le travail policier, gère des centres d’accueil ; L’ordre de Malte et France Terre d’Asile, qui s’occupent pratiquement de l’ensemble des centres de rétention en France ; La CIMADE, qui intervient dans les CRA soit-disant pour le droit des réfugiés mais qui en réalité cherche à rendre leur enfermement « plus humain », c’est-à-dire plus acceptable. Elles jouent le rôle idéal que l’État attend : celui de pacificateur social. Mais ces gros organismes caritatifs (les plus connus) qui se partagent le gâteau sur le marché de la misère des sans-papiers sont loin d’être les seuls à intervenir. On avait déjà évoqué dans le 6ème numéro le rôle de La Vie Active à Calais, puisque cette association a remporté la gestion du méga-camp de rétention ultra-sécurisé.

A Besançon comme dans de nombreuses villes de l’hexagone, une nouvelle méthode de flicage des sans-papiers a été expérimentée par l’État durant l’été 2016, dans le cadre de la nouvelle réforme du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) votée le 7 mars de la même année  : l’assignation à résidence, qui est présentée comme une alternative à l’enfermement. Élargir les murs en dehors des prisons rentre dans la logique actuelle du pouvoir. Que ce soit pour les prisonniers (dépendant du ministère de la justice) comme pour les migrants (dépendant du ministère de l’intérieur), l’État tente de désengorger les prisons et les centres de rétention en infligeant des peines alternatives à l’incarcération, telles que le port du bracelet électronique, les contrôles judiciaires et diverses obligations de se rendre régulièrement chez les flics ou chez les juges, etc…

Dans la capitale du Doubs, l’association qui gère le « centre d’accueil pour réfugiés » (hébergement de nuit) de l’hôpital St-Jacques est l’ADDSEA, l’Association Départementale du Doubs de Sauvegarde de l’Enfant et de l’Adulte, située au 23, rue des Granges. Son personnel, et notamment ses médiateurs, en véritables flics, exercent un contrôle accru sur la vie des migrants, notamment en leur imposant le couvre-feux (21h). Au cas où ils ne rentrent pas au bercail, ils se font radier de tous les services sociaux (repas, fournitures diverses, argents de poche, etc) et n’ont d’autre choix que la « démerde ». On leur fait payer le minimum de solidarité qu’ils pourraient recevoir, ne serait-ce qu’un plan pour dormir dans un environnement moins hostile, cafardeux et misérable que ces « centres d’accueil ». De plus, les migrants sont contraints de se rendre chaque jour au commissariat pour signifier leurs présences. S’il y a un quelconque écart au règlement du centre, l’association les excluent, prévient la police pour qu’elle se mette à leurs trousses, les embarque et les expulse. Ce flicage, qui ne met en aucun cas les migrants à l’abri d’une expulsion, les force à accepter le contrôle pour bénéficier d’un minimum vital pour survivre. Pour les flics, c’est aussi un avantage car ils savent où les trouver en vue de leurs expulsions. C’est pourquoi certains sans-papiers décident de couper court à ce chantage répugnant et désertent les services de l’État et de la mairie, au risque de se faire prendre, de se faire enfermer en CRA et d’être expulsés manu-militari.

Il existe des moyens considérables d’exprimer l’entraide et la solidarité envers les sans-papiers (comme en ouvrant des squats ou en récoltant denrées alimentaires, habits…) Cependant, une grande partie des personnes solidaires et révolutionnaires ont tendance à oublier que la solidarité pratique peut se réaliser par le sabotage des innombrables rouages de la machine à expulser qui, si l’on ouvre grand les yeux en se baladant, se trouvent partout : les banques qui balancent les sans-papiers aux flics (comme La Poste, BNP Paribas, LCL), les compagnies aériennes qui réalisent les vols telles que Air France, des sociétés de nettoyage qui entretiennent les CRA comme par exemple Derichebourg, ou ces fameuses associations charitables qui collaborent à la politique migratoire des États).

Encart:

Une ordure nommée Jean-Philippe Setbon

un-nouveau-secretaire-general-1433506190-247x300Cet été à Besançon, les expulsions ont battu des records. Quelques jours avant la rentrée scolaire, les flics sont venus embarquer à l’aube la famille Feraj, originaire du Kosovo, pays dans lequel elle est menacée de mort, alors qu’elle dormaient au centre d’hébergement St-Jacques (voir ci-dessus). La mère, prise d’un malaise au moment de la rafle, a été transférée à l’hôpital Minjoz, tandis que le père et les quatre enfants, tous menottés, ont été incarcérés au CRA d’Oissel à côté de Rouen. Le lendemain matin, ils ont été embarqués de force dans un vol spécial vers le Kosovo. Il s’avère que cette expulsion – parmi tant d’autres – a été menée par Jean-Philippe Setbon (photo ci-contre), sous-préfet de l’arr. de Besançon et secrétaire général de la préfecture du Doubs depuis fin décembre 2014. Cette ordure a un lourd passé en matière d’expulsions de familles sans-papiers. Pendant l’été 2011 à Poitiers, alors secrétaire de la préfecture de la Vienne, cette pourriture avait déjà à l’époque justifié et assumé publiquement les rafles et expulsions en cours. Expulser des personnes et familles vers la mort, ce salopard qui ressemble étrangement à Eric Zemmour en est fier ! Sa sale besogne pendant près de quatre ans aux côtés du préfet Tomasini avait été mis au grand jour par le biais d’affiches placardées partout dans Poitiers, qui appelait la population à la révolte. Il paraît que Setbon se balade souvent dans Besançon, et notamment dans le quartier Battant. Il ne reste plus qu’à l’empêcher de dormir sur ses deux oreilles…

[Publié dans Séditions n°8, journal anarchiste apériodique de Besançon et de ses environs]