Depuis les tueries exécutées le 13 novembre au nom d’un foutu ordre religieux et de sa loi islamique, la loi de la République pèse aussi d’un nouveau poids sur nos épaules et au-dessus de nos têtes : celui de l’état d’urgence déclaré le soir même et prévu pour durer.
La « nouveauté » c’est que l’Etat profite de l’occasion pour saturer l’espace d’uniformes en armes, y compris kaki. C’est aussi qu’il donne officiellement une large carte blanche à tous ses chiens de garde pour défoncer les portes, arrêter, assigner à résidence,pour interdire et empêcher sur le champ tout regroupement sortant de la communion autour du drapeau. Car l’unité nationale et patriotarde exigée au nom de la guerre contre les ennemis extérieurs et intérieurs vient légitimer les nouvelles mesures, en même temps qu’elle vise à étouffer les antagonismes sociaux jusque dans les esprits.
Cependant cette accélération dans la mise au pas de l’ensemble de la société ne peut faire oublier que l’Etat n’a pas attendu que l’un de ses concurrents sème sa terreur pour déchaîner le panel de sa violence institutionnelle contre celles et ceux qui troublent, contestent et combattent la normalité de l’ordre démocratique marchand.
Les dispositifs de surveillance à large échelle, la brutalité quotidienne des interventions de flics, la traque des indésirables, l’enfermement de masse font partie de la routine de la domination. Nous n’oublions pas non plus que tous les jours le pouvoir, quel qu’il soit et sans avoir besoin de la déclarer officiellement, mène la guerre à l’extérieur, à l’intérieur et aux portes des territoires sous sa botte. En témoignent les millions de vies brisées et anéanties par les opérations militaires, par l’implacable avancée du rouleau compresseur capitaliste, par l’existence même des frontières.
Opposer le cours normal des choses au chantage de la peur revient donc à prêcher pour le maintien d’un ordre qui repose sur l’exploitation, la domination et le massacre.
Pour affronter et contrecarrer la volonté d’écrasement de la liberté, y compris au nom d’une pseudo sécurité, il ne peut y avoir qu’une réponse : le combat contre l’autorité et la révolte individuelle et collective contre les lois et les normes qu’elle tente de nous imposer.
Une compagnonne, Lucile, vient d’être condamnée à 3 mois de prison pour ne pas avoir accepté sans broncher l’un des multiples contrôles d‘identité qui menacent les sorties « suspectes » dans la rue depuis bien avant la mise en place de l’état d’urgence. Tout comme elle ne s’est pas soumise au bon vouloir des flics, elle continue à garder la tête haute face à la justice et à l’intérieur de la taule. Ce genre de gestes et d’attitudes viennent rappeler que le misérable quotidien auquel les puissants prétendent nous assigner en nous dépossédant de tout choix sur notre vie ne rencontre pas qu’obéissance, fatalisme et résignation.
Cet exemple parmi tant d’autres rappelle aussi que la solidarité peut aussi consister à trouver des manières de saboter, en solo ou à plusieurs, de jour comme de nuit,les plans guerriers et répressifs du pouvoir,pour continuer à porter haut et fort des perspectives d’émancipation, sans Etats ni frontières,sans dirigeants ni dirigé-e-s, sans préceptes religieux, ni codes moraux, ni codes pénaux.
Liberté et Révolution sociale ? !
[Publié sur nantes indymedia, 6 décembre 2015]