[Fin août, Dilma Roussef, aux commandes de l’Etat brésilien pendant près de six ans, a été destituée par le Sénat. Elle a été remplacée par Michel Temer, qui était déjà vice-président du pays sous Roussef. S’en est suivi plusieurs journées de protestations (en grande majorité citoyennistes), réclamant le départ de Temer. Toutefois, ces manifs ont montré une conflictualité qui a débouché sur des émeutes dans de nombreuses villes brésiliennes (Curitiba, Sao Paulo, Porto Alègre, Florianopolis, etc…). Des anarchistes ont bien sûr pris part activement à ce climat de révolte, se traduisant par des attaques de banques, de commerces, de concessionnaires automobiles, etc… C’est dans ce contexte que s’inscrit le texte qui suit]
Pourquoi des anarchistes sont dans les rues (même si personne ne nous a appelé…)
Un point-de-vue sur le vandalisme, les black bloc et les parties de « casse-casse » …
Ca devrait être clair que nous ne descendons pas dans la rue pour défendre un gouvernement, ni Dilma, ni un-e autre. Nous ne manifestons pas contre « le coup » [comprendre la destitution du sénat, NdCNE], sans parler de défendre la démocratie. Nous sommes dans les rues parce qu’aujourd’hui, comme n’importe quel jour, nous luttons contre le Capital, l’État et leurs tentacules. En laissant libre-cours à la violence indocile et libératrice et en contaminant ceux qui veulent être contaminé. Nous sommes dans les rues pour rencontrer d’autres asociaux et créer des complicités au milieu du bruit des vitres cassées et la chaleur de poubelles en feu …
Nous savons que les changements politiques (et pas uniquement dans ce territoire) visent à une répression toujours plus forte et à une violence cynique contre ceux qui ne se conforment pas à la réalité sociale qu’ils nous imposent. Nous sommes aussi conscients que ceux qui se font le plus baiser par le gouvernement actuel sont également ceux qui se font baiser depuis plusieurs années (si ce n’est pas des siècles)
Nous ne nions pas le fait qu’il y ait des différences entre un gouvernement et un autre, mais nous pouvons voir qu’il y a avant tout des continuités. En fin de compte, les principes du gouvernement Temer [ancien ont été appliqués par le gouvernement PT-PMDB et Dilma, de fait par les réformes répressives qu’ils ont adoptées: les UPP [Unités de Police et de Pacification] dans les favelas, PEC 215 [proposition de l’amendement constitutionnel reconnu comme tel, visant à s’accaparer les terres des rares peuples indigènes qui survivent au Brésil], la loi anti-terroriste, etc… Ce que nous expérimentons maintenant sont le résultat du gouvernement PT (Parti des Travailleurs de Dilma Roussef] et leurs alliances avec leurs « ennemis » actuels: des militaires en uniforme dans les rues, le roi du soja [Blairo Maggi] au ministère de l’agriculture, de plus en plus de tortionnaires au Congrès… PT, PSOL, PMDB, PP, PSB, PCB, etc…, pour que tous continuent à exister, ils doivent « faire des alliances », reculer sur leurs propres principes, leurs propres promesses, afin de prendre le « pouvoir »… Une vraie bataille pour le trône. Tous les gouvernements et tous les partis politiques sont d’une grande hypocrisie.
Mais, hormis tout ceci, qui aime être commandé? Qui aime être gouverné, dirigé, opprimé? Tous les partis politiques sont les sbires et les rouages de cette même machine de domination.
Nous vandalisons, oui, contre le capitalisme, la bourgeoisie et la domination. Et nous en sommes fiers.
Nous détruisons des banques, des magasins, des voitures parce que nous nous rappelons chaque attaque que n’importe quel gouvernement a commis contre la population. Parce que quand une vitrine se brise au milieu de la nuit, il y a un morceau de la hiérarchie, de l’autorité, de la propriété et de la domination qui tombe avec elle … Chaque pierre jetée, chaque feu d’artifice qui éclate, chaque poubelle renversée est un acte de vengeance contre la violence d’Etat que nous vivons chaque jour…
Les fenêtres brisées des agences bancaires de ‘Bradesco’ sont un rappel des millions de reais [monnaie brésilienne, NdT] qui ont été investis dans les Jeux Olympiques; parce que nous n’avons pas oublié.
Nous détruisons des banques parce qu’elles symbolisent le capital et les institutions qui perpétuent le désastre social et « environnemental » dans lequel nous vivons.
Chaque pierre jetée est l’expression de révolte de chacun d’entre nous, fatigués d’être utilisés, manipulés et dominés par ceux qui nous gouvernent, par les médias, les multinationales, Une brique est remplie de rage, de frustration, et plus que jamais de liberté et de désobéissance, de mépris envers la propriété. Une brique dans une vitrine, c’est l’expression de l’insoumission de ces instincts qui n’ont pas été et ne seront jamais domestiqués et pacifiés. C’est la capacité à surmonter les marges de la protestation citoyenne vers le chemin sans limite de la rébellion. Une brique transmet tout le courage de quitter la maison et d’abandonner le rôle de spectateur devant un écran, de sortir en courant dans les rues afin de les transformer en un champ d’action politique.
Les rues, là om nous nous rencontrons, n’appartiennent à personne sauf à la révolte. Les rues ouvrent la voie pour reprendre possession de nos vies, elles ouvrent la voie à l’insoumission et à la dignité. Elles ouvrent des portes afin que chaque personne puisse être responsable d’elle-même sans dépendre d’aucune institution, elles ouvrent des chemins « Nique l’Etat » et de l’autonomie… et nous sommes là parce que notre rage s’étend, contre l’ordre social, pas contre la marionnette qui porte le titre de « président », mais contre la sucture de l’Etat dans sa totalité… Parce que pour nous, il est évident que les rues crient bien plus que « Dehors Temer ».
Depuis les rues, nous sommes incontrôlables, nous sommes plus forts en complité avec les capuches, et nous pouvons vivre intensément dans des espaces où les banques ne peuvent pas être quelque chose à défendre mais des institutions qui profitent des inégalités, qui arrachent des vies à coups de cartes e crédit et d’intérêts financiers. Là où la voiture de bourges n’est pas un rêve, mais un symbole de vanité; où un magasin vend des privilèges et pas seulement des vêtements… où nous sommes en capacité d’attaquer les structures matérielles de la domination.
Que la répression interne menée par des candidats et des affiliés aux partis politiques ne mette pas fin à notre colère, qu’elle ne mette pas fin aux actions directes…
Nous en avons assez d’être gouvernés…
Nous ne demandons rien, nous allons tout péter…
Pour un soulèvement incontrôlable, pour la révolte, pour l’anarchie
Source (+photos): Cumplicidade (8 septembre 2016)
A Porto Alègre:
[Traduit de l’anglais de contrainfo]