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[Publication] Bien que les ennemis de la liberté en remettent une couche …

birdsCes derniers jours, on a pu entendre que deux nouveaux camps ou prisons doivent être réalisés dans Bâle ou ses environs. A Muttenz, un centre d’identification de migrants doit d’ores et déjà être mis en service début 2016 et y interné jusqu’à 900 migrants, ce qui en fera le plus gros centre fermé de Suisse. Les personnes doivent séjourner dans le centre au maximum 3 semaines afin d’y être ficher, avant qu’elles ne soient répartis dans les cantons pour l’étude de leur demande d’asile. Le camp de Bässlergut, qui sert aussi bien à expulser qu’à enfermer, doit être agrandi d’ici 2019 après restructuration. La nouvelle prison ouvrira 78 nouvelles places. Les 43 places qui existent déjà à Bässlergut et qui servent actuellement comme cellules pour de courtes détentions seront alors de nouveau utilisées comme centre d’expulsion. Par ailleurs, un centre d’asile régional qui, par la centralisation des institutions compétentes, permet un accès aux renseignements plus rapide et des expulsions plus performantes, doit être construit à l’avenir dans la région. Depuis 2014, cette nouvelle forme de politique d’enfermement est testée à Zurich. De tels camps ou centres de rétention continuent de s’étendre dans toute l’Europe.

Cette élargissement du contrôle et de l’enfermement au niveau local peut dans une plus large mesure être observé sur le plan international : en Italie et en Grèce, des hotspots ont été érigés afin que les migrants considérés comme un problème puissent être déjà malmenés à l’extérieur des frontières. Les hotspots qui sont coordonnés par différentes autorités policières et de gardes-frontières de l’Europe représentent une énième mesure en matière de gestion répressive et de contrôle des flux migratoires. Ainsi, l’enregistrement (qui constitue une mesure énorme et importante pour le régime migratoire européen) se fait déjà à travers les relevés d’empreintes digitales, de photos et de saisie dans la banque de données ‘Eurodac’ et ceux qui n’ont pas la chance d’obtenir l’asile, puisqu’ils ne bénéficient pas du statut de réfugiés, sont triés lors des rafles. Le recensement systématique dans les fichiers ainsi que le tri des différentes personnes – ce qui est exactement la même chose que le centre d’identification à Muttenz – est, en même temps, l’objectif d’une telle mesure. Les Hotspots aux frontières extérieures de l’Europe s’ajoutent aux dénommées zones « tampon » dans les pays avoisinants, qui doivent empêcher les migrants de poursuivre leur voyage vers l’Europe en protégeant les frontières et en construisant de gigantesques camps. En contre-partie et en plus du versement d’une certaine somme, l’Europe prendra en charge un certain nombre de migrants de ces pays. Un accord a déjà été signé avec la Turquie, cet Etat de merde qui combat les mouvements progressistes, s’acharne sur les résistants de tous bords et soutient les fanatiques de DAESH ; un accord de ce type doit être signé avec la Libye. Dans les eaux libyennes, la deuxième phase du programme de l’UE « NAVFOR Med », qui autorise à détruire les bateaux de passeurs, a débuté en septembre 2015 avec la mobilisation de 6 bateaux de l’armée et de 1200 militaires jusqu’à présent. Puis dans la troisième phase, les militaires sont censés aussi de pouvoir faire la guerre aux bateaux et aux infrastructures sur le sol libyen.

La liste est déjà longue et ce serait d’emblée possible d’exposer d’autres exemples de cette guerre menée contre les migrants, qui provoque déjà la mort de milliers de personnes. Malheureusement, cette guerre menée dans le tout jeune 21ème siècle n’est pas la seule, et ainsi se succèdent les lois de surveillance dans différents pays, les nouveaux armements de la police et de l’armée, les constructions de différentes prisons dans toute l’Europe et les villes qui se transforment en prisons à ciel ouvert, la même répression offensive des puissants qui augmente contre celles et ceux qui résistent. Une guerre, qui est devenue si banale qu’il n’est plus nécessaire de l’expliquer, doit assurer la domination des privilèges établis sur tous les fronts en resserrant les mailles de la société de contrôle. Chacun à sa place, fiché et examiné à la loupe, afin que le pouvoir ait assez de moyens au moindre petit signe de perte de contrôle ou d’évasion de ses rangs pour rétablir l’ordre le plus rapidement et le plus efficacement possible ou de mettre les éléments perturbateurs hors d’état de nuire.

De plus, on peut parler des tendances nationalistes qui se renforcent partout, de la répression militaire des émeutes dans les banlieues des villes des USA ces dernières années, des contrôles en augmentation jusqu’à prendre des proportions incommensurables, l’état d’urgence en France, l’état d’une planète polluée au plus haut point, l’immersion grandissante des technologies dans nos têtes et dans nos vies, l’ignorance et l’acceptation qui se diffusent à vitesse exponentielle et de manière effrayante… un petit avant-goût des temps sombres. Peut-être. Les voies dans cette direction ont déjà été annoncées, mais elles sont bien évidemment déjà appliquées. L’avenir pourtant, s’il est incertain car le capitalisme a d’ores et déjà déployés ses tentacules toxiques, s’ouvre à nous malgré tout. Ceci réside peut-être lorsque bouillonnent la passion dérangeante d’une vie libre et d’un besoin enflammé d’insurrection, de se débarrasser de ce monde macabre de guerre et de mépris de la vie, de tristesse et de haine, de créer un monde de solidarité et d’entraide, de faire place au respect et à la dignité, mais également au début de la fin de cette civilisation capitaliste, qui n’a pas plus besoin de rendre les gens étrangers, d’absurdités factices et virtuelles que de misère et de destructions.

Bien que les ennemis de la liberté en remettent une couche et qu’un nouvel orage s’élève à l’horizon, déjà couvert de nuages sombres, il s’agit d’affirmer encore plus fort et d’hurler que les camps et les prisons, le racisme et les guerres, la persécution et l’oppression sont des composants solides d’un monde construit sur l’autorité, que l’Etat est depuis toujours l’ennemi de ceux qui reprennent eux-mêmes leurs vies en main et qui ne veulent pas la déléguer à des fous. Il s’agit de réaffirmer que cette machine doit être arrêtée, que seule une rupture profonde avec la société actuelle nous ouvre des possibilités d’expérimenter la liberté et l’auto-détermination, la seule possibilité d’une véritable paix.

Quelques anarchistes en conflit avec toute domination

Solidarité avec l’attaque contre Siemens à Bâle :

La mort des uns est le profit des autres. Pendant que la guerre se prépare à tous les niveaux et s’intensifie, ça signifie aussi que les entreprises et institutions flairent les avantages et les profits. Toutefois, des perspectives s’ouvrent aussi ici sur la façon dont cette misère peut être combattue : les différents responsables et profiteurs des camps et des politiques d’expulsion (bureaux administratifs à l’immigration, flics, ORS AG, Securitas, ISS, Swiss) peuvent être directement attaqués, la construction de de nouveaux camps et de nouvelles prisons, comme c’est justement le cas pour Bässlergut II à Bâle, peuvent être empêchés et sabotés. Car s’impliquer dans les structures démocratiques semble être une mauvaise blague, être conformes et serviles quand cette machine de guerre doit être détruite ici et maintenant
Alors, dans la belle nuit du 7 décembre 2015, une voiture de ‘Siemens’ a été livrée aux flammes. Cette entreprise, présente sur différents fronts de guerre dans le monde entier, participe aussi au repli de l’Europe.
Les inconnus appellent par ailleurs « à saboter cette guerre des dominants ».

[Traduit de l’allemand de ausdemherzenderfestung, 15. Januar 2016

[Publication] De l’incompabilité

S’il est sans doute souvent plus confortable de se taire, certaines silences peuvent aussi devenir insupportables. C’est pour cela que malgré tout, nous avons préféré de prendre la parole.

Comme vous, nous avons vu qu’il y a trois initiatives dans trois differents villes italiennes où quelques compagnons de Bruxelles viendront parler sur la lutte contre la maxi-prison. S’il s’agit d’une lutte spécifique dans un espace déterminé, il est vrai que la question peut possiblement concerner tous les anarchistes et d’autres revoltés, aussi au-délà des frontières étatiques. Depuis le début de cette lutte, il y a eu en effet des anarchistes d’un peu partout qui s’y sont intéressés, qui l’ont defendu, qui y ont participé de differentes manières. Cela n’est pas juste une petite chose en plus, cette dimension internationaliste s’est vraiment enracinée dans la projectualité même de cette lutte. Et au-délà du fait si le conflit se déroule autour de la construction d’une maxi-prison, d’un aeroport, d’une mine d’or ou si c’est une révolte qui vient enflammer les rues des metropoles ou les sentiers des campagnes, c’est la question de la projectualité insurrectionelle qui pourrait être au coeur des échanges entre compagnons, et cela à un niveau international.

Pour autant que cela nous réjouit que des compagnons d’ailleurs organisent des initiatives pour discuter sur cette lutte, que des compagnons impliqués dans la lutte prennent le temps pour voyager et porter le debat bien loin de la capitale belge, il y a quelque chose d’amer qui nous est resté dans la gorge. Et on écrit cette lettre pour en parler.

Partout où des anarchistes sont en lutte, des problématiques assez difficiles se posent. Quelle projectualité derrière la lutte? Comment défendre l’auto-organisation et l’autonomie de la lutte face aux courants politiques, aux récuperateurs, aux autoritaires? Comment faire face à la repression qui cherche à isoler les éléments les plus incontrôlables? On a eu l’occasion de les affronter lors de cette lutte à Bruxelles et on aura sans doute encore l’occasion dans l’avenir. Comme quand les compagnons n’ont pas arrêté d’insister sur la nécessité de l’attaque et de l’hostilité envers l’Etat et les institutions, aussi aux moments où les journalistes ont fait planer le spectre du terrorisme sur cette lutte, quand les citoyennistes et d’autres se sont publiquement distanciés des actions directes, quand la répression est venue toquer à la porte. Comme quand les copains en lutte contre la maxi-prison ont envoyé chier les petits politiciens qui voulaient s’aggriper à l’agitation autonome qu’on développe dans les bas-quartiers de Bruxelles, quand les journalistes ont été envoyés chier, quand ceux qui rêvaient peut-etre de transformer cette bataille en petit bras-de-fer entre militants politiques et responsables institutionnelles ont été envoyé ballader. Ce sont des moments qui vont marquer une lutte, qui déterminent même son caractère insurrectionnel et anti-institutionnel, qui peuvent la rendre irrecuperable et incontrôlable.

Mais tout ça sera sans doute mieux abordé lors de ces soirées de discussion. Ce qui ne sera peut-être pas abordé par contre, c’est de se demander si les modalités requises pour un tel échange, un échange sur les perspectives d’une projectualité insurrectionelle et autonome, sont en effet réunies là où ces débats ont lieu. Tout comme on ne peut pas parler de liberté à l’ombre d’une église, il est difficilement imaginable (sauf qu’à couteaux tirés) de parler de conflictualité permanente à l’ombre de pratiques de conflictualité alternée (“mort aux flics” un jour, “l’incolumnité” pour les indicateurs le lendemain; la “solidarité avec les compagnons incarcerés” un jour, l’accueil silencieux du “soutien” de magistrats et prêtres apres-demain; l’hostilité envers les institutions un jour, les alliances avec des forces para-institutionnelles le lendemain;…). Des erreurs peuvent être commises, des mauvais évaluations peuvent être faites, mais si on en discute, cela doit être pour les dépasser définitivement, par pour les théoretiser comme faisant partie de l’arsenal de méthodes de lutte anarchistes et les justifier (dans le passé, le présent et donc tragiquement l’avenir).

Cette conflictualité alternée, qu’on a cru voir se repandre en Italiedepuis quelques temps, est à mille lieux de ce que cette lutte contre la maxi-prison essaye de faire. Alors, effectivement, peut-être des débats pourraient créer des ouvertures pour jeter une fois pour toutes à la poubelle les pratiques de politiciens qui ont envahi le mouvement anarchiste, l’abandon de l’éthique en faveur de la strategie, la calomnie et la menace plutôt que le débat critique. Ce sera réellement magnifique et incroyable si une modeste expérience telle que la lutte contre la maxi-prison pourrait apporter des éléments à ce fin. Ce serait une démonstration que les projectualités autonomes et insurrectionnelles ne connaissent pas de frontières, qu’elles peuvent se rencontrer et se renforcer, se soutenir et s’entre-aider. Mais est-on sûr de pouvoir faire ça au milieu d’histoires loin d’ être définitivement adressées (dans le bon sens) de dissociations d’actions directes, de l’échec total et éclatant de la stratégie politique adoptée par certains anarchistes à differentes occasions et la perte de leur âme même qui en suit fatalement, de l’insupportable danse macabre d’alliances politiques, de jeux de représentation, de délegation operationnelle?

Alors, si le choix ne peut pas etre celui de la résignation, si on ne peut pas juste se dire “mais laisse pisser et continue ta route”, si on n’a pas envie d’aller participer à de tels debats dans des endroits où, par volonté ou pour omission ou par comodité, semble plutot être porté le contraire de
ce qu’une lutte comme telle contre la maxi-prison cherche à expérimenter, le silence n’a pas non plus été une possibilité.

Qu’il soit clair que nous ne sommes pas du tout de l’avis qu’il serait érroné de vouloir porter le debat sur les methodologies de lutte et les perspectives anarchistes partout. Bien au contraire, c’est tant mieux. Peut-être cette lettre peut alors être lue comme une contribution à a ce débat.
Mais on ne saurait accepter sans broncher qu’il y en a qui pratiquent la conflictualité alternée et le jeu des alliances se saissisent d’une expérience de conflictualité permanente et d’autonomie comme s’il s’agissait de la meme chose, compatible et complémentaire. Comme si, en Italie comme ailleurs, il n’y aurait pas toujours des compagnons, aussi peu nombreux soient-t-ils, aussi défavorables puissent être les conditions de l’affrontement, pour qui les fins et les moyens doivent coincider, pour qui l’éthique anarchiste n’est pas alternable, pour qui l’autonomie n’est pas sacrifiable sur l’autel de la quantité et des potentiels applaudissements.

Car justement, il y a des luttes et des expériences en cours, et sous en certain aspects la lutte spécifique contre la maxi-prison à Bruxelles en peut être un exemple, qui démontrent que pour dévélopper une lutte insurrectionnelle (avec d’autres rebelles et revoltés qui ne sont pas des anarchistes), il n’y a aucun besoin de laisser nos idées et nos méthodes de lutte à la porte d’entrée de l’occupation, de la vallée, des mines, des forests, des quartiers. Dans ces temps obscures, ce sont certes des points de débat importants pour les anarchistes qui n’ont pas abandonnée l’idée de la révolution sociale. La quantité ne doit jamais l’emporter sur la qualité. Et la récherche de la qualité ne nous empêche en rien d’intervenir dans les rapports sociaux sur lesquels la domination est basée. Avec un peu de bonne volonté et le rejet radical de la politique, certains fausses oppositions qui gangrènent le développement d’une perspective révolutionnaire anarchiste n’aurait plus lieu d’être.

Mais il existe des fossés qui sont infranchissables. Celui qui s’y aventure quand même, fait un salto mortale. C’est un salto mortale de croire que éthique et stratégie peuvent aller ensemble. C’est un salto mortale de croire que hommes de pouvoir (politiciens, magistrats, représentants du savoir universitaire, chefs d’organisations politiques, experts, élus, prêtres,…) et autonomie de lutte sont complémentaires. C’est un salto mortale de croire que la conflictualité permanente n’exclut pas, toujours et partout, quelconque dialogue avec le pouvoir, aussi insidieux et camouflé qu’il soit. C’est un salto mortale de croire que la pratique du sabotage réquiert l’approbation d’une quelconque assemblée ou la légitimation par un Mouvement. Ces saltos mortales sont des poignards plantés au coeur de l’anarchisme, et on ne devrait pas se fatiguer de s’en défendre.

Quelques absents

[Reçu par mail, 17 janvier 2016]