[Berne, Suisse] Attaques en série contre les commerces de l’embourgeoisement

Les anti-bobos frappent aussi en Suisse

5D17727C38D394D14BD95C77B1E600ADIl n’y a pas qu’en Angleterre que la gentrification des quartiers populaires fâche. Depuis cet été, une vague de vandalisme touche la ville de Berne.

Fin septembre, près de 200 personnes prenaient d’assaut le Cereal Killer Café, un bar à céréales tenu par deux jumeaux hipsters, dans le quartier populaire londonien de Shoreditch. Ces vandales dénonçaient la «boboïsation» ou gentrification de ce secteur historiquement ouvrier. Avec pour conséquence un renchérissement du coût de la vie.

Plus près de nous, la ville de Berne vit le même phénomène depuis le mois d’août dernier. Dans le quartier de la Lorraine, où fleurissent les bars branchés, restaurants végétariens ou autres boutiques bio, des vitrines sont régulièrement saccagées. La dernière attaque date du week-end dernier, comme l’ont rapporté les médias alémaniques. Si aucune revendication officielle ne fait état d’une lutte ouverte contre les commerces et établissements publics à la mode, le caractère répété de ces actes de vandalisme laisse penser à une fronde populaire.

Jouer sur les loyers

La galerie d'artistes

La galerie d’artistes

Dans son journal du matin, la RTS la Première a décrypté vendredi ces attaques. Reto Nause, directeur de la sécurité de la ville, commence par souligner leur relative nouveauté: «Avant le combat était surtout politique. Il s’est à présent déplacé dans la rue», explique-t-il. Tout en reconnaissant que la gentrification pose des problèmes, en particulier sur le prix des loyers, il précise que les autorités essaient de maintenir une proportion de 30 à 50% de loyers modérés dans ces zones qui se «boboïsent».

Les acteurs de cette gentrification sont par ailleurs victimes de leur succès. Un directeur de galerie du quartier de la Lorraine confie à la RTS que les artistes, une fois qu’ils ont contribué à «changer l’atmosphère» d’une zone, ne parviennent plus à payer pour y vivre. «Je ne cautionne pas qu’on détruise des vitrines à coup de pierres, mais je comprends certaines critiques», concède-t-il.

A qui profite la gentrification?

Patrick Rérat, géographe à l’Université de Lausanne, relève aussi le caractère exceptionnel du cas bernois. Il y voit un certain mimétisme avec l’attaque de Londres, mais aussi avec les manifestations, «parfois violentes», qu’a connu Berlin ces dernières années.

Et si des villes comme Zurich, Winterthour (ZH) ou Baden (AG) connaissent aussi le phénomène, la loi suisse évite de gros débordements, selon le chercheur. Le droit du bail, qui empêche des augmentations de loyer intempestives, permet de faire vivre la transformation plutôt en douceur, explique-t-il à la RTS. Par ailleurs, son expérience lui fait dire que la Suisse romande est pour l’instant relativement épargnée.

Reste que la gentrification a aussi des effets positifs comme la revalorisation des quartiers et la diversification de l’offre commerciale. Le fond du problème est toutefois de savoir à qui elle profite vraiment, poursuit Patrick Rérat. Enfin, il souligne que l’attachement au quartier a son rôle. «A Berne, la Lorraine, bien que proche du centre, garde un caractère villageois et convivial», précise-t-il. Certains semblent donc souffrir de le voir changer.

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Leur presse – 20min.ch, 09/10/2015 à 15h43

Complément d’infos traduit de la presse allemanique:

le 'Zeppelin'

le ‘Zeppelin’

Durant le week-end des 3 et 4 octobre, plusieurs magasins de fringues « tendances » nouvellement installés dans la Lorrainestrasse ont eu leurs vitres pétées. Cela a été la troisième attaque en deux mois. Les dégradations ciblent clairement les nouveaux commerces du quartier, autrefois ouvrier et aujourd’hui en cours d’embourgeoisement. Parmi les locaux visés, il y a le lieu de rencontre culturel ‘Zeppelin’ dont son propriétaire est aussi impliqué au « Swiss Brand Museum » sur le Nydeggbrücke. Le proprio a laissé son numéro sur la porte de son local dégradé, en espérant que les vandales qui s’opposent à la gentrification viennent discuter avec lui (« Je parlerais volontiers avec eux sur le thème de la gentrification »). Déçu de ne pas avoir de réponse, il en conclut que « ça doit leur faire simplement plaisir de casser quelque chose ». Bonne déduction!

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A côté du ‘Zeppelin’ se trouve une nouvelle boutique de produits vegan importés qui s’est récemment fait détruire sa porte et une vitre. En août dernier, le patron de ce commerce avait mis une affiche appelant les mécontents à mettre leurs plaintes auprès de lui. L’affiche a rapidement été déchirée et ce bourgeois se sent désormais « impuissant ». Un salon de coiffure a également été visé.

Durant cette nuit de dimanche 4 octobre, quatre locaux et commerces ont été pris pour cible: une galerie d’artistes ‘Art und Weise’, un lieu de rencontre culturel, une boutique de mode et un salon de coiffure. 

le salon de coifure avant la mise des plaques en bois

le salon de coifure avant la mise des plaques en bois