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[Grande-Bretagne] Luttes de sans-papiers dans 8 centres de rétention et solidarité active à l’extérieur – Mars 2015

Harmondsworth-detention-c-006Depuis le début du mois de mars, les sans-papiers sont en lutte contre les conditions de rétention. Au centre de rétention pour femmes de Yarl’s Wood, plusieurs retenues ont occupé la cour de promenade et protesté pendant deux nuits d’affilée.

Dimanche 8 mars dans l’après-midi; environ 200 migrants enfermés au centre de rétention d’Harmondsworth ont protesté et ont annoncé qu’ils commençaient une grève de la faim (les protestations de migrants ont débuté la semaine précédente dans ce centre et régulièrement des manifs bruyantes en solidarité se tiennent devant).

La veille (07/03/2015), une manifestation s’est tenue devant les deux prisons pour étrangers à l’aéroport de Heathrow (Londres) en solidarité avec les migrants: pendant deux heures, un petit groupe de solidaires ont fait un peu de bordel devant les lieux d’enfermement en secouant les barrières. A Colnbrook, quelques retenus ont répondu en sortant dans la cour de promenade en criant « Liberté » , « Laissez-nous sortir »… A Harmondsworth, les retenus frappaient sur les fenêtres en brandissant des pancartes pour la liberté.  Un message parvenu des personnes détenues disait: « Nous avons vu ce qui s’est passé aujourd’hui et nous voulons vraiment dire un grand merci pour votre soutien. Nous, les détenus … avons besoin de votre aide et de votre soutien ».

Le 10 mars, 50 sans-papiers étaient en grève de la faim à Tinsley House, des manifs ont aussi eu lieu à Brook House (une expulsion a été empêchée vers 18h car des solidaires se sont agrippés au pare-brise des expulseurs et ont bloqué la route en direction de l’aéroport; 4 personnes ont été arrêtées lors de cette action). Une grève de la faim a débuté à Moreton Hall (Nottinghamshire). Dans la matinée; des manifs se sont tenues devant les bureaux du ministère de l’intérieur à Victoria, ainsi que devant les quatre prisons à Heathrow et à Gatwick.

Depuis dimanche 15 mars, la lutte des sans-papiers s’est étendue à huit centres de rétention à travers le Royaume-Uni. Les retenus du centre de rétention de Dungavel en Ecosse (à côté de Glasgow) et de Douvres refusent la nourriture. Les six autres prisons dans lesquelles les migrants luttent sont celles de Yarl’s Wood (Bedfordshire), Harmondsworth et Colnbrook (aéroport de Heathrow à Londres), Tinsley House et Brook House (à côté de l’aéroport de Gatwick), à Moreton Hall (Nottinghamshire).

A Harmondsworth, le 9 mars

A Harmondsworth, le 9 mars

Le nouveau site Detained Voice répand la voix des personnes à l’intérieur. Voici quelques fragments des derniers jours (plus d’infos sur le site):

Colnbrook. jeudi 12 mars:

« Au Colnebrook, plus de 20 personnes sont en grève de la faim. Et nous allons à l’extérieur mais les officiers ont fermé les portes et nous ne pouvons pas aller à l’extérieur. J’ai fait la grève pendant cinq jours et personne nous a questionné. Personne s’en soucie. Que nous mangions ou pas, que nous sortions ou pas, tout le monde s’en fout. C’est très mauvais ici. Vous ne pouvez pas le croire. C’est très mauvais pour tout le monde ».

Harmondsworth. vendredi 13 mars:

« La réponse à la protestation, c’est comme s’ils n’avaient d’oreilles pour entendre, n’ont pas de cœur qui bat. »

« L’eau a été coupée pour toute la journée. Non, ce n’était pas pour des travaux d’entretien parce que si vous voyez ils ont fermé l’ensemble de l’unité. L’aile complète a été fermée pour toute la journée. Parce que si vous voyez, il y a aussi des gens musulmans là-bas qui ont l’habitude de prier cinq fois par jour et ils ne pouvaient pas utiliser les toilettes, et ils ne pouvaient pas utiliser l’eau ou quoi que ce soit pour prier . J’entends qu’ils disent qu’il a été fermée pendant une heure ou pour près de six chambres, mais ce n’était pas fermé pour l’aile entière pas seulement pour six chambres, et ça a été fermée pendant toute la journée.« 

« Ils ne se soucient pas de ce que nous faisons à l’intérieur. Nous sommes en train de mourir. A cause des protestation hier, un de mes potes est allé à l’hôpital à cause de cela, parce qu’il est tombé malade. Il a commencé à vomir parce qu’il ne mangeait pas. Il était en grève de la faim, il est tombé malade et a commencé à vomir, et maintenant nous ne savons pas où il est…. »

Douvres, vendredi 13 mars:

« Nous ne mangeons au centre de rétention de Douvres. Nous sommes en grève. IL y a déjà la moitié des gens qui participent à la grève. Nous nous organisons et parlons avec tous les gens. Nous sommes des êtres humains. »

Dungavel, vendredi 13 mars 2015:

« Environ 60 personnes sont en grève de la faim depuis lundi à Dungavel. Ils ne mangent pas parce qu’ils sont mécontents de la façon dont ils sont traités depuis longtemps. Nous voulons voir le ministre de l’Immigration et nous voulons parler de beaucoup de choses qui se sont mal passés. Il ya beaucoup de choses à demander:

Pourquoi les assistants sociaux disent des mensonges?

Nous voulons une date limitant la détention des gens.

Evidemment, la plupart des gens viennent de Londres et nous sommes près de Glasgow. Environ 80% sont de Londres et nous sommes donc loin de familles et amis. C’est difficile d’y aller et très coûteux.

Les conditions dans lesquelles nous vivons – 8 personnes dans une chambre. Trop de personnes par chambre.

Quelqu’un a déjà été à l’hôpital et ils l’ont mis dans une pièce sécurisée pour la surveillance. »

Dungavel. dimanche 15 mars :

« Il y a environ 70 personnes qui continuent de protester à Dungavel. Ils refusent d’aller à la cuisine pour manger. Il y avait une protestation de gens de l’extérieur. Il y avait la police et le STV. Nous ne pouvons pas vraiment les voir à cause des murs, mais ça fait du bien de les entendre. Ca montre que le message passe, ce que nous essayons de réaliser. »

Comme ces déclarations le montrent clairement, l’approche des autorités pénitenciaire est la force brutale et l’isolement, sachant que quelques-uns entendront les voix qui traversent les murs.

La solidarité active est indispensable.

Les prisonniers demandent à maintes reprises que nous répandions leurs mots et de faire savoir à davantage de gens ce qui se passe à l’intérieur de ces prisons en grande partie oubliées.

Juste un petit groupe ou un individu criant à travers les murs peut aider à stimuler la force de ceux qui sont en grève de la faim. Devant la plupart des centres de rétention britanniques, il est toujours possible de s’approcher des cellules où les gens sont retenus, ainsi nous pouvons communiquer visuellement et avec le son.

Mais le régime des frontières est tout autour de nous. Nous pouvons nous-mêmes attaquer ça où que nous soyons.

Le ministère de l’intérieur britannique a signé et administre des bureaux, des cellules de rétention, et des bases d’où ils lancent des rafles, dans de nombreuses villes. Voici une liste de quelques adresses pour leurs équipes qui exécutent.

Une grande partie de leur travail de gestion des centres de détention est sous-traitée par des entreprises privées, dont Mitie [1], G4S et Serco [2], qui ont également des bureaux à travers le pays et partout dans le monde.

Traduit de plusieurs comptes-rendus publiés sur Rabble

D’autres infos sur network23.org/antiraids

NdT:

[1] Entreprise fournissant des services dans de nombreux secteurs (éducation, gestion de biens immobiliers, transport & communication, informatique…). Elle est surtout connue pour « s’engager au développement des services innovants et rentables dans le secteur pénitenciaire, les tribunaux d’instance, la police ainsi que les services d’immigration et de probation. Cela va des services de gardiennage, de gestion des prisons aux installations pour détenus sans-papiers.mitieserco

[2] Société de services qui s’enrichit en intervenant dans les transports, le nucléaire [elle gère entre autre l’Atomic Weapons Establishment (AWE)], la défense (appuie les forces armées d’un certain nombre de pays à travers le monde, dont le Royaume-Uni, États-Unis et en Australie, travaillant sur terre, mer, air, l’armement nucléaire et aéronautique). Elle a construit sa « renommée » pour son étroite collaboration avec les services d’immigration britanniques du ministère de l’intérieur; elle gère le centre de rétention pour femmes de Yarl’s Wood (ouvert en 2001 et exclusivement géré par SERCO depuis 2001) – parmi d’autres prisons telles que Villawood (New South Wales); Maribyrnong, Victoria; Darwin, (Northern Territory) ainsi que plusieurs à l’ouest de l’Australie au côté de G4S (Perth et Christmas Island). Travaille également pour le compte de l’UK Border Agency (UKBA), qui planifient les rafles et les expulsions. En plus de tout ça, elle fournit des matons dans six prisons britanniques (HMP Dovegate; HMP & YOI Doncaster; HMP Lowdham Grange; HMP Kilmarnock; HMP Ashfield; HMP Thameside) et à deux prisons en Australie (prison Acacia et le Centre correctionnel de Borallon).

[GB] Lettre de la prisonnière anarchiste Emma Sheppard

[Lettre de la prisonnière anarchiste Emma Sheppard en réponse à sa condamnation pour « dommages criminels pouvant mettre en danger la vie d’autrui » sur plusieurs voitures de police.]

support-emma-12cc1Je viens de me regarder à la télévision, ce qui, je l’espère, est une expérience qui ne se répètera jamais. Mais ça a remonté le moral de tout le monde dans l’aile ! Je pensais essayer d’écrire pour digérer certaines des choses qui se sont passées. Mais je ne me sens pas des plus éloquentes (de plus, je suis évidemment limitée par ma surveillance) alors j’ai pensé que je pourrais utiliser certaines des citations qui m’ont inspirée depuis que je suis en prison.

Dolly Parton a dit, « Si vous voulez un arc en ciel, vous devez vous attendre à un peu de pluie ». Je me sens vraiment chanceuse d’avoir tant de gens dans ma vie avec qui traverser la tempête et je suis heureuse d’avoir moins de pluie que je ne l’imaginais. Cela m’attriste que ce soit peut-être dû à mon portrait de « Good Girl Gone Bad ». Mais pourquoi est-ce que l’empathie et la colère ne pourraient pas coexister ? Pour moi, elles font toutes deux parties de la solidarité. Je ne suis pas spéciale. Je fais juste ce qui me semble juste. Je pense que c’est à cause de mon genre (et peut-être de ma classe) que ces distinctions sont faites.

« Lorsque vous avez longtemps eu peur de quelque chose et que ça finit par arriver, cette terrible chose est une libération. Car dans le ventre du mal il n’y a plus de peur. »
Lionel Shriver.

Ce n’est qu’après la condamnation que j’ai réalisé à quel point je la redoutais. Les médias, l’horrible débat sur les « bonnes et les mauvaises personnes », mes « regrets ». Tout cela me dégoûte. Mais maintenant je me sens d’un calme usé.

Ils disent que je suis « trop intelligente » pour ne pas aimer la police, et que mes actions ont empêché la police de s’attaquer à la violence domestique et à la maltraitance des enfants. Ne réalisent-ils pas combien de femmes sont ici avec moi parce que ces questions ont systématiquement été ignorées ? Tout cela est pourri jusqu’à la moelle !

Je n’étais pas surprise, mais en colère, de voir que la Cour se concentrait sur mes expressions de solidarité avec des gens de Jackson ou de Grèce, en ignorant mes problèmes très réels avec la police dans ce pays, que j’ai longuement énumérés : les morts en détention et dans la rue, les prisons pour migrants et le racisme institutionnel, les arrestations et les fouilles, l’utilisation des pistolets Taser, je pourrais continuer encore et encore. J’ai aussi essayé de mettre en évidence mes propres expériences de la violence de la police (contre moi et mes compagnons), la répression et les tentatives d’infiltration. Mais je vois bien pourquoi ils ont choisi d’ignorer tous ces points et de détourner leur attention ailleurs.

Je regrette de m’être faite attraper et l’impact que cela a eu sur ma famille et sur d’autres que j’aime. Je suis déterminée à ne jamais revenir ici, et je sais que maintenant, en tant que femme marquée, je serais censée rester du côté « droit » de la loi. Mais je pense déjà à beaucoup de façons de soutenir les personnes confrontées au complexe carcéral. Pas seulement parce que je me soucie des autres personnes, mais aussi parce que je suis en colère.

Je vous laisse avec une de mes citations favorites de Dylan Thomas :

« N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit,
Le vieil âge devrait brûler et s’emporter à la chute du jour ;
Rager, s’enrager contre la mort de la lumière. » [1]

Solidarité, amour, rage et tomorrows chip rappers [2].

Samedi 28 février 2015,
Em X.

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Énigme sur le fil du rasoir

Je suis une terroriste, et une gauchiste
Je suis un homme, et une femme ratée
Je suis prévenante, et téméraire
Je suis une anarchiste, et non une anarchiste
Je suis intelligente, et stupide
Je suis pleine de regrets, et provocatrice
Je suis seule, et bien entourée
Je suis queer, et discriminatoire
Je suis triste, et sans regrets

Qui suis-je ? Je suis (présumée) moi, Em.

Depuis la nouvelle année, j’ai été décrite comme toutes ces choses et je suis malade des jugements des autres. Du jeu de ceux qui rampent dans la salle d’audience, qui m’ étouffe. Des autres prisonnières qui m’interrogent et me menacent. De mes « camarades » qui m’ont abandonnée. Des médias qui construisent une image de moi. De la police qui est « inquiète de mon bien-être ».

Je n’ai jamais caché le mépris que j’ai pour la police. J’ai essayé de minimiser l’impact de mon arrestation sur ceux auxquels je tiens, sans me trahir.

Je suis toujours une anarchiste vénère avec un cœur rebelle. Mais je suis fatiguée. Je ne veux pas de compassion. Je vais garder ma tête haute.

[Traduit de l’anglais par non-fides de l’ABC Bristol.]

Pour lui écrire :

Emma Sheppard
A7372DJ
HMP Eastwood Park
Church Avenue
Falfield
Wotton-under-Edge
Gloucestershire
GL12 8DB

NdT

[1] Dylan Thomas, Do not go gentle into that good night, 1951. Ndt.

[2] Historiquement, en Angleterre, on emballe les frites dans du papier journal, « Chip wrappers » devient donc une appellation péjorative du journal de demain. Ndt.

 

[Bristol, GB] Solidarité avec la prisonnière anarchiste Emma Sheppard

Bristol (UK) : Solidarité avec la prisonnière anarchiste Emma Sheppard

Emma[Emma Sheppard a été condamnée à deux ans de prison pour le sabotage, à l’occasion du New Years’s Eve, de trois voitures de police. Des planchettes bardées de clous avaient été disposées devant le commissariat par Emma (qui a été attrapée immédiatement et qui a assumé l’action) et une autre personne non identifiée qui a pu échapper aux policiers.]

Prisonnière anarchiste, Emma Sheppard a été condamnée à deux ans d’emprisonnement le mardi 24 février 2015 à la Bristol Crown Court pour « dommages criminels pouvant mettre en danger la vie d’autrui ». Les charges sont relatives à des attaques contre des voitures de police dans la région de Bristol.

Écrivez, s’il vous plait des lettres de solidarité :

Emma Sheppard
A7372DJ
HMP Eastwood Park
Church Avenue
Falfield
Wotton-under-Edge
Gloucestershire
GL12 8DB

Emma peut recevoir des cartes, timbres et de la papeterie.

Pour faire des dons, pour des news et autres efforts de solidarité : bristol_abc@riseup.net

support-emma-12cc1[Traduit de l’ABC Bristol par non-fides]

[GB] Vengeance d’Etat contre les émeutiers de la maxi-prison d’Oakwood

Le 20 février 2015, la presse dominante a relayé les condamnations de six prisonniers ayant participé à la révolte du 5 janvier 2014 dans la plus grande prison britannique, l’HMP Oakwood [1], gérée par l’entreprise privée de sécurité G4S [2]. Tous ont été condamnés à des peines allant de 2 ans à 2 ans et 4 mois prison ferme. Parmi les six rebelles condamnés, quatre sont actuellement incarcérés dans d’autres prisons, les deux autres ont été renvoyés en taule.

Plus de soixante prisonniers [3] avaient occupé une aile de taule pendant près de 9 heures, détruisant des vitres, des meubles, machines à laver et du mobilier bien utile à la pacification sociale (table de billards, téléviseurs, etc…): les dégâts ont été chiffrés à plus de 170 000 livres sterling (ce qui équivaut à environ 234 439 euros).

RoofHMP112013En novembre 2013, six détenus avaient occupé le toit de la prison durant près de sept heures pour protester contre la mort de trois détenus quelques semaines avant lors d’une action similaire. Les détenus protestaient contre les bourreaux de G4S, leurs humiliations, tabassages quotidiens, les suicides et morts ‘suspectes’ de prisonniers  ainsi que la torture qu’est l’enfermement.

Solidarité avec tous les indésirables – avec ou sans-papiers – en guerre  contre cette société carcérale !

Reformulé de la presse mainstream via In The Belly of the beast & Prison Island UK

NdT:

[1] Cette prison a été mise en service en 2012 et enferment plus de 1600 détenus; elle est située près de Wolverhampton, ville au nord-ouest de Birmingham.

HMP_hoakwood

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[2] G4S gère aussi plusieurs prisons pour sans-papiers en Australie, maintient l’ordre aux frontières d’Israël en fournissant de la logistique militaire et de la main-d’oeuvre, ainsi qu’à la frontière US avec le Mexique.

[3] G4S avait déclaré lors de la révolte l’implication d’une vingtaine de détenus. Cette affirmation de l’entreprise a été rapidement contredite par la déclaration d’un maton à un quotidien anglais, évoquant « une émeute à grande échelle ».