Compte rendu de l’action contre la militarisation à Sospel (Alpes-Maritimes)
Une trentaine de personnes se sont retrouvées lors du marché de Sospel jeudi 11 août, village de 3500 habitants limitrophe de l’Italie, pour dénoncer la militarisation de la région. Après avoir refusé collectivement de décliner leur identité aux gendarmes présents rapidement sur les lieux, des discussions se sont engagées avec les passants sur la présence massive des forces armées et du passage d’exilés dans la région. Le groupe s’est ensuite rendu à la gare où les contrôles au faciès sont quotidiennement effectués, afin de visibiliser les rafles et tenter de les empêcher.
Le texte ci-dessous a été distribué :
À Sospel comme ailleurs, ni armée ni frontières !
À Sospel, depuis trois semaines, 60 militaires sont présents dans le village, officiellement « pour couvrir un large territoire allant de Breil à Menton […] dans une mission d’antiterrorisme et non de contrôle des migrants ou de fonction policière » comme l’indique l’article du 10 août paru dans Nice Matin.
Or l’action quotidienne des militaires démontre bien le contraire. La vallée de la Roya devenant un lieu de passage de la frontière, les militaires participent effectivement aux contrôles opérés dans les trains et sur les quais, ciblant ainsi toute personne n’ayant pas le bon faciès. Les migrants passant depuis quelques mois dans la vallée sont donc systématiquement arrêtés et expulsés.
En effet, depuis quelques mois, la situation à Vintimille est de plus en plus tendue, les rafles et les contrôles rendent la traversée de la frontière très difficile et incitent les candidats au passage à modifier leur parcours. Par conséquent, les forces répressives se déplacent elles aussi, comme en témoigne l’occupation des villages et des sentiers par la soldatesque armée jusqu’aux dents.
La politique générale de fermeture des frontières et la présence sécuritaire quotidienne se concrétisent ainsi non seulement aux frontières, mais aussi jusqu’à l’intérieur du territoire.
On a vu il y a quelques jours plus de 200 personnes partir en courant à travers le poste de douane à Menton se faire refouler, matraquer, gazer au lacrymogène puis, pour la majorité, expulser. Au camp soidisant « humanitaire » de la Croix Rouge de Vintimille, où plus de 500 candidats à l’exil s’entassent dans des préfabriqués, les policiers surveillent faits et gestes et l’accès à la nourriture et à l’hygiène sont soumis à condition. Les brimades et humiliations sont quotidiennes.
Les alibis permettant la répression ne manquent pas. De la menace terroriste à celle des militants « No border », tout est bon pour justifier les intérêts du capital européen. Un arrêté préfectoral interdit dans toute la vallée de la Roya tout rassemblement de plus de deux personnes : les temps sont si sombres que même randonnée, pique-nique et discussion autour du nomadisme sont proscrits. En quelques jours, lors d’un campement organisé côté italien et pendant une manifestation prônant la libre circulation des personnes, plus d’une cinquantaine de personnes ont été arrêtées, contrôlées, et se sont vu délivrer les désormais habituelles « foglio di via », mesure administrative arbitraire interdisant l’accès au territoire italien pour des durées allant jusqu’à 5 ans.
Ainsi, si en France le déploiement de l’armée dans les villes et villages se généralise, particulièrement depuis la proclamation de l’état d’urgence, le contrôle militaire des frontières est issu d’un processus plus large et déterminé en fonction des besoins des États dominants. Construction de murs, déploiement de barbelés, création de forces spéciales d’intervention… aussi bien à l’intérieur des pays européens que dans les pays de provenance ou de transit : la logique reste la même et le blocage effectif.
Les populations sont déjà confrontées aux guerres d’intervention des puissances occidentales dans des pays comme la Syrie, le Mali, l’Irak, l’Afghanistan, pour ensuite retrouver ces mêmes forces armées qui les bloquent dans leur exil. Ici comme ailleurs, l’armée joue son rôle de contrôle de la population, et qu’elle soit présentée comme force défensive, de surveillance ou de protection, n’oublions pas qu’un fusil reste un fusil, et qu’il n’a pour autre but de servir l’ordre des puissants.
La guerre nous concerne tous directement, à chacun de nous de s’y opposer !
[Publié sur mars infos-autonomes, 21 août 2016]